Édition du 19 novembre 2024

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Mouvement syndical

Mexico, l'assassinat d'un syndicat et la renaissance de la lutte de classe

La guerre néolibérale envers les travailleurs de Mexico, a atteint une nouvelle intensité avec l’assaut foudroyant sur le pouvoir syndical des travailleurs, le SME et sur les ressources électriques de Mexico le 10 octobre. La capture par les militaires de la Compagnie d’Électricité du Centre (LyFC) (Luz Y Fuerza del Centro), par la suite la liquidation anticonstitutionnelle de la compagnie, la mise à pied de ses 44,000 travailleurs, et l’annulation de l’entente collective n’ont pas abouti à l’effondrement de la résistance tel que prévu par le gouvernement.

Partie 1 : Le nouvel assaut

« Frères. compagnons, camarades, nous devons canaliser la rage, la colère et l’impuissance dans une meilleure organisation, dans des projets convergents et unifiés, dans la croissance d’une unité sans distinctions d’aucune sorte, dans la confrontation de nos classes ennemies parce que tôt ou tard, nous vaincrons. D’autres actions sont encore à venir et nous serons tous ensemble là encore, comme nous le faisons toujours, avec la fierté prolétarienne et avec notre conviction combative habituelle » [1]

« Nous sommes sur le seuil du bicentenaire de l’Indépendance et du centenaire de la révolution Mexicaine, et nous avons à défaire, comme avant, les transnationales, la dictature, la tyrannie et les violations de la Constitution. Il est temps pour le peuple de s’organiser lu-même ». Marin Esparza Flores, secrétaire-général du Syndicat mexicain des électriciens (SME) cité dans La Jornada, 12 novembre 2009

L’escalade de la lutte de classe au Mexique

La guerre néolibérale envers les travailleurs de Mexico, a atteint une nouvelle intensité avec l’assaut foudroyant sur le pouvoir syndical des travailleurs, SME et les ressources électriques de Mexico le 10 octobre. La capture par les militaires, de la Compagnie d’électricité Luz y Fuerza del Centro (LyFC), la liquidation anticonstitutionnelle de la compagnie, la mise à pied de ses 44,000 travailleurs et l’annulation de l’entente collective n’ont pas abouti à l’effondrement de la résistance tel que prévu par le gouvernement. Au contraire, cela a conduit à une résistance et à l’extension de la lutte à des secteurs plus larges des travailleurs et de la population en général. Le gouvernement a sans le vouloir, forgé une unité de résistance qui manquait à Mexico, et placé les demandes des travailleurs et de leur classe au centre la résistance populaire au régime autoritaire néolibéral.

Les demandes des travailleurs et du syndicat, sont au coeur d’un large et croissant mouvement de résistance, qui différencie ce mouvement de 2009, de ceux de 1968 et 2006. En 1968 et 2006, les demandes portaient sur les enjeux plus larges des droits démocratiques. En 1968, les étudiants menaient les protestations contre le régime autoritaire du parti unique. En 2006, la mobilisation de la population à Mexico et ailleurs, protestait contre la fraude dans les élections présidentielles. Les étudiants étaient les principaux acteurs en 1968 ; le candidat du peuple pour la présidence fut le principal acteur en 2006, supporté par une base importante de la classe ouvrière, mais pas organisé à partir de leur propre voix et structure d’organisation. Les syndicats autoritaires liés au gouvernement s’opposèrent activement aux deux protestations de 1968 et de 2006 pendant que les autres syndicats tenaient au plus, un rôle marginal.

L’absence d’authentiques syndicats et d’un mouvement national des travailleurs est la conséquence d’institutions quasi-corporatistes de travail de Mexico et le soutien de ces institutions est un facteur clé. Les gouvernements néolibéraux ont délibérément soutenu les syndicats les plus corrompus et antidémocratiques pour garder les travailleurs divisés et sous contrôle, tout en continuant l’assaut néolibéral. L’adhésion syndicale est en fait, très basse au Mexique, spécialement si vous écartez les ententes de protection et les syndicats « scabs » ( charro ) [2]

Des cinq millions de travailleurs « syndiqués », on évalue qu’au moins 85% ont des ententes de protection, de faux contrats signés par des officiers corrompus de syndicats pour exclure les vrais syndicats. Du 15% restant, plusieurs sont membres de syndicats « scab » (charro), corrompus, autoritaires, quasi-corporatistes, et liés au gouvernement. Donc, la classe des travailleurs dans sa majorité a continué de manquer d’organisations avec lesquelles elle pouvait bâtir une lutte efficace contre l’incessant assaut néolibéral qui a détruit le niveau de vie, la sécurité et santé du monde du travail, et les droits des travailleurs en général.

Deux des plus importants syndicats « scabs » (charro), sont le syndicat des travailleurs du pétrole et des enseignants. Les deux sont antidémocratiques, corrompus et collaborent avec le gouvernement pour la mise en oeuvre d’un agenda néolibéral. Les deux, tout comme les syndicats « scabs » dans le secteur industriel, ont été curieusement silencieux dans la présente situation. Bien qu’ils n’aient exprimé aucun support pour la lutte SME, ils ne l’ont pas attaqué. C’est loin du rôle joué par les syndicats « scabs » durant les précédentes insurrections des travailleurs quand ils avaient activement participé en dénonçant et réprimant les insurgés. Leur silence peut parler de prudence, soit pour prendre l’avantage dans les négociations avec le gouvernement, ou par peur qu’ils puissent êtres les prochains s’ils ne marchent pas droit.

La révolte à Oaxaca en 2006 fut différente de celle de 1968 ou du mouvement contre la fraude de 2006 et pourrait s’annoncer comme précurseur des développements émergents dans la ville de Mexico et dans le pays. (Roman et Velasco). La section 22 de l’état de Oaxaca, dissidente du syndicat national des enseignants, a joué un rôle central dans cette insurrection majeure bien que localisée. Contrairement aux autres rébellions, une lutte syndicale fut le facteur précipitant et l’épine dorsale de ce que qui est devenu une profonde et large révolte. La répression cruelle du syndicat par le gouvernement de l’état a soulevé de vastes secteurs de la population d’Oaxaca. Aujourd’hui, comme en Oaxaca en 2006, le bouillonnement du mécontentement de plusieurs secteurs était attisé par la colère concernant l’attaque des travailleurs et de leur syndicat. Mais la présente solidarité de vastes secteurs de la classe ouvrière, des étudiants et autres, n’est pas simplement basé sur un potpourri de demandes séparées mais par la croyance largement répandue que leurs différentes doléances, ont toutes leur racine dans le caractère néolibéral du régime et de son actuel président, bien que il y a des divergences à savoir si ce caractère est tout simplement politique (néolibéral autoritaire) ou lié intrinsèquement au capitalisme.

L’action du gouvernement a été perçue comme une déclaration de guerre contre les syndicats et une tentative pour ouvrir le trésor des ressources de l’énergie de Mexico, pour le distribuer à des intérêts capitalistes étrangers et domestiques. Le gouvernement a éliminé la possibilité de négociations et de solutions de secteurs. De ce fait, il a forcé les travailleurs à se traduire leurs demandes en termes politiques et de classe. Même quelques syndicats importants qui ont cherché à se creuser une place pour eux-mêmes à l’intérieur du projet néolibéral ont réalisé que si le gouvernement réussit à détruire SME, ils pouvaient être les prochains. La lutte du SME, a résonné dans de vastes secteurs de la classe ouvrière et de la population : travailleurs, paysans, étudiants, intellectuels, petites entreprises, pour plusieurs raisons :
 c’est vu comme une attaque de la Constitution et la démonstration de mépris pour le droit légal
 c’est vu comme la fin de l’espoir pour une transition démocratique ;
 la majorité de la population Mexicaine a été appauvrie par des décennies de néolibéralisme, et cette pauvreté s’est aggravée par la crise économique globale, et se creuse davantage avec les politiques austères et régressives édictées par le gouvernement du Partido Accion Nacional (PAN), avec le support du Partido Revolucionario Institucional (PRI). .

La chute du système du parti unique dans les élections présidentielles de 2000 a créé de grands espoirs qu’un changement électoral et pacifique pouvait paver la voie à des améliorations dans la vie des gens, une diminution de la répression et de plus grandes opportunités. Au contraire, les choses sont devenues pires économiquement et le régime encore plus militaire et répressif. La compétition électorale à l’intérieur du cadre d’un état autoritaire et néolibéral a peu changé. La fraude électorale présidentielle de 2006, a diminué sérieusement les espoirs que la gauche soit un jour en mesure de gagner la Présidence. Mais ces espoirs persistants ont été ultérieurement écrasés par l’utilisation flagrante des moyens extra-légaux pour mettre en oeuvre les politiques néolibérales et servir la cupidité des capitalistes. La militarisation croissante du Mexique, fut utilisée dans les lieux de travail de la capitale du pays. L’armée et la police paramilitaire nationale occupent maintenant tous les lieux de travail de LyFC dans la ville de Mexico et des états environnants. Mexico est à la croisée des chemins. Ou la classe ouvrière et les mouvements populaires vont défaire le gouvernement ou le gouvernement va les mener à la défaite.

Le nouvel assaut

L’assaut dramatique par des milliers de soldats de la police militaire : Federal Preventive Police of Mexico, sur le service public de la centrale d’énergie de Mexico, sur ses travailleurs et ses syndicats fut une attaque sur la Constitution du Mexique et du processus légal aussi bien qu’un ignoble assaut sur les intérêts publics et les droits des travailleurs. Le Président, dans la nuit du 10 octobre, sans l’approbation requise du Congrès, a ordonné l’occupation militaire de tous les lieux de travail de la Compagnie Centrale de la lumière et du pouvoir de Mexico (LyFC) et a violemment expulsé les travailleurs. Le président a alors émis un décret annonçant la liquidation de la Compagnie, la mise à pied de tous les travailleurs, et la fin de l’entente syndicale. Il a mené ces actions avec aucune considération concernant le processus légal requis par la Constitution mexicaine et la loi Mexicaine. Et, quand un juge, a émis une injonction (Amparo) pour arrêter le processus de liquidation le 6 novembre, le secrétaire au Travail, a dit avec mépris, que la décision de la cour ne dérange rien, que c’est un fait accompli. Tel un tueur de rêves et de droits, il a utilisé la métaphore de mort, disant au sujet de l’édit de la cour : « Quand une personne meure, même si le certificat officiel du décès n’a pas été issu, la personne est déjà morte. » Voilà pour le respect du processus légal.

Le gouvernement a décidé d’outrepasser le processus d’aller au Congrès tel que requis par la Constitution étant donné que le Congrès a été sujet de pressions populaires dans les années récentes, et qui a mené à l’impasse la longue offensive néolibérale, spécialement en ce qui regarde la privatisation de l’énergie. Le comportement arrogant du gouvernement est à la fois un message et une série de paris. Le message est qu’il utilisera la force militaire, toutes les fois que nécessaire pour briser le dos des travailleurs et de la résistance populaire sans égard au processus légal. Les paris sont : que la majorité du Congrès – avec le vieux parti, le Partido Revolucionario Institucional (PRI), coopérant avec le parti du Président, le Partido Accion Nacional (PAN) ne défierait pas une action supportée avec enthousiaste par le « Big Business » et le capital étranger ; que la résistance des travailleurs fondrait rapidement face à la force écrasante, à une certaine paie d’indemnité, et les vagues promesses de travail dans l’éventuelle nouvelle compagnie. Le gouvernement a de facto établi clairement que des formalités légales ne tiendront pas sur le chemin de l’état policier et des intérêts capitalistes. Sans en avoir eu l’intention, il rend clair, que la route institutionnelle et électorale pour les changements sociaux, n’est pas viable au Mexique. Néanmoins, le SME, poursuit la politique de résistance sur deux voies : une diversité d’actions légales, et l’accroissement de protestations extra-parlementaires. Il a gagné une action légale, l’Amparo, pour arrêter les procédures de liquidation de l’entente syndicale et la mise à pied de tous les travailleurs. Il a récemment perdu un autre action : le refus par la Cour Suprême, d’entendre la plainte de l’assemblée de la ville de Mexico concernant le droit constitutionnel du Président de liquider la compagnie.

La foudroyante attaque sur les travailleurs avait été préparée par une longue guerre de propagande par le gouvernement et les médias capitalistes pour décrire le LyFC comme inefficace et corrompue et évidemment pour blâmer le syndicat pour ces problèmes. La compagnie avait en effet des problèmes majeurs de déficit et de détérioration des services. Mais ces problèmes n’étaient pas du à des travailleurs inefficaces ou au pouvoir syndical. Le LyFC est seulement un distributeur de pouvoir, avec une production d’énergie seulement symbolique. Il achète aussi presque tout le pouvoir qu’il distribue de la Commission fédérale d’électricité (CFE), l’autre compagnie d’énergie appartenant à l’état, et la politique du gouvernement était que le CFE charge davantage au LFC sans permettre à ce dernier de charger également ses clients. En gardant les coûts de l’énergie en dessous de leur coût réel, le gouvernement subventionnait les clients qui avaient à payer seulement un tiers à une demie des coûts réels. Et il s’octroyait de plus larges subventions à lui-même, et à plusieurs grandes compagnies situées dans le centre du Mexique, en leur permettant de complètement ignorer le paiement de leurs factures d’électricité. Ces politiques, alignées avec la diminution du budget d’investissement pour le LFC a créé de grands déficits pour ce dernier. Le syndicat n’a pas créé les déficits ni détérioré l’infrastructure. Il n’avait aucun pouvoir sur ces politiques. Et pourtant les médias corporatifs et le gouvernement mettent le blâme sur les privilèges des travailleurs et sur le syndicat pour tous les problèmes qui en résultent tout en ignorant les sources réelles. Cela faisait partie de la longue guerre de propagande de la classe capitaliste pour miner la sympathie envers les travailleurs et les syndicats en les choisissant comme bouc émissaire pour les problèmes, problèmes qui étaient réels mais dont les racines étaient ailleurs.

A une certaine période, les tarifs en dessous des coûts réels pour l’énergie électrique, faisaient partie de mesures sociales, (tout comme les prix subventionnés de la nourriture). Cette politique servait à maintenir le support de la population pendant qu’on maintenait les salaires bas, aussi bien qu’une façon d’encourager le développement capitaliste avec des coûts peu élevés. Mais avec le virage néolibéral et une économie orientée vers l’exportation, le gouvernement a coupé toutes les subventions aux travailleurs pendant qu’il les laissait aux grandes compagnies. Cette guerre de propagande longue et continue contre les syndicats et le système public a créé de l’hostilité envers le LFC et SME dans quelques secteurs de la population. C’est une bataille idéologique que le syndicat doit affronter en mettant en lumière les politiques cachées de subventions envers le secteur privé.

Le fait que CFE, la compagnie d’électricité publique qui détient la production et la distribution du pouvoir électrique pour les régions en dehors de la juridiction du LyFC, s’empare du LyFC (sans se soumettre au processus légal obligatoire) peut sembler déconcertant. Mais le mystère disparaît quand nous apprenons que le CFE a déjà accordé d’importants contrats de pouvoir de production à des compagnies privées et a un syndicat « scab » (charro), corrompu et antidémocratique, la SUTERM (Syndicat Unique des Travailleurs Electriques de la République Mexicaine), un syndicat qui ne remettra pas en question les plans du gouvernement pour la privatisation et de compression des droits des travailleurs. En outre, il y a des accusations sérieuses de corruption contre CFE, en ce qui regarde le processus d’octroi des contrats tel que noté dans la récente accusation porté par le Département de la Justice des États-Unis.

L’attaque sur le SME et LyFC a trois buts importants :
 raviver la campagne stagnante pour privatiser toutes les ressources publiques, le gros lot étant le pétrole
 rendre l’important système de fibre optique du LyFC disponible au capital privé pour son usage de troisième génération dans les télécommunications
 détruire le Syndicat mexicain des travailleurs de l’électricité (SME) lequel a jouté un rôle central en organisant de larges coalitions en opposition au néolibéralisme et à la privatisation.

Le SME est un syndicat indépendant et démocratique, avec une longue histoire de résistance à la privatisation, de solidarité avec les mouvements sociaux et le support du peuple indigène de Mexico. Il a une histoire de 95 ans d’élections démocratiques avec listes concurrentes et vote secret. L’attaque du SME est non seulement une attaque sur les travailleurs de l’électricité mais une atteinte pour briser le dos de la résistance au néolibéralisme et à la privatisation. C’est une attaque de tous les travailleurs.

Mexico a subi une transformation fondamentale dans les dernières décennies dont les ingrédients clés sont :

1.la profonde intégration de l’économie Mexicaine et de la force de travail dans l’économie état-unienne et le marché du travail.

2.l’importance grandissante du capital multinational, spécialement des États-Unis, de l’Espagne à l’intérieur même du Mexique.

3.Le remplacement du Bonapartisme par le rôle plus direct du capital dans le façonnement des politiques gouvernementales.

4.la libéralisation électorale sous la forme d’une compétition restreinte et délimitée, alors qu’une victoire de la gauche continue d’être exclue au niveau présidentiel.

5.l’assaut néolibéral sur le contrat social ce qui implique de briser l’équilibre des classes, lequel faisait partie de la stabilité d’un état Bonapartiste.

6.la décroissante légitimité de l’État résultant à la fois de l’assaut néolibéral et le contrôle des résultats des élections présidentielles par l’usage continu et systématique de fraude et d’exclusion d’électeurs.

7.La décroissante légitimité et efficacité de l’état résultant de l’accroissement de la violence dans le cartel de la drogue – c’est une forme de croissance de « warlordism » [3] lequel peut être compris comme un combat à l’intérieur de l’État et entre les cartels plutôt qu’un combat entre l’état et les cartels.

8.et conséquences de 6 et 7, la dépendance croissante du militaire, de la criminalisation, de la répression et du terrorisme d’État comme méthode de contrôle social.

L’intensification de la répression et de l’exclusion s’est accru parallèlement à un Congrès de multiples partis et de compétition électorale. Tout comme le précédent régime de parti unique, ce n’est pas une état monolithique mais un état avec conflit et compétition à l’intérieur des frontières très limitées du régime. Dans le vieux régime, les batailles prenaient place à l’intérieur et autour du parti en contrôle, souvent à l’insu du public, alors que les batailles prennent maintenant place dans des arénas plus larges, - à la fois à l’intérieur, entre et autour des parties en compétition. Les frontières de cette compétition sont maintenues à l’intérieur du plan prôné par le « Big Capital », national et étranger. Et ces frontières sont renforcées par le répression brutale (témoin de ce terrorisme d’État contre le peuple de Atenco, la répression du syndicat des mineurs de l’acier, le massacre de Acteal dans le Chiapas, et maintenant la liquidation du SME).

Les caractéristiques de la police militaire de l’État du nouveau régime sont encore plus prononcés que sous le vieux régime, un régime dont le pouvoir reposait sur une mélange de répression, de cooptation et de concessions. La négation du droit d’association par l’État reste intact ; il n’y a eu aucune transition démocratique dans les relations état-syndicats. Le vieil état autoritaire-développementaliste donnait certains droits citoyens économiques et sociaux à des secteurs significatifs et stratégiques de la population comme un moyen de contrôle et pour développer le marché interne pour le capital national. Le nouvel état néolibéral a enlevé la plupart de ces droits citoyens économiques et sociaux. L’orientation stratégique des exportations a rendu le pouvoir d’achat national moins important. Les facteurs importants de cette stratégie sont les bas salaires, la flexibilité et la soumission du travail, et aucune tolérance de la résistance des travailleurs. Le nouvel état autoritaire néolibéral ne veut ou ne peut pas donner de concessions ; à la place des concessions, il a imposé des coupures et des concessions forcées.

L’assaut néolibéral sur les droits populaires, sur les niveaux de subsistance, et sur les opportunités a démoli les espoirs pour un meilleur futur à l’intérieur de Mexique. Les concessions et l’espoir étaient une base d’acception partielle, bien que fatale, du régime autoritaire, lequel offrait de l’espoir – et pendant un certain temps, la réalité – de créer une meilleure vie matérielle pour soi-même et sa famille et ses enfants au moyen de l’éducation et du travail. Pendant que la crise économique récurrente du Mexique minait les espoirs des Mexicains, la perspective d’une transition démocratique, les revivifiait et ce dans de larges secteurs de la population. La croyance qu’il y aurait une transition vers la démocratie et que cela conduirait à une amélioration de la vie et des opportunités, et moins de répression a été anéanti par les politiques et pratiques autoritaires néolibérales.

L’assaut sur SME est une partie de cet effort plus vaste pour faire reposer le poids de la crise économique sur le dos de la population sous-employée ou sans-emploi et affamée. En plus de l’attaque sur SME, le gouvernement a décrété un budget austère faisant des coupures majeures dans toutes les dépenses sociales, visant spécialement les universités publiques et augmentant les taxes des travailleurs pendant qu’il continue d’exempter les grandes corporations. Les taxes de vente ont augmenté de 15% à 16% et les taxes sur les salaires ont aussi augmenté pendant qu’on permettra encore aux plus grandes compagnies du Mexique, des exemptions et évasions fiscales. Comme le département du trésor du Mexique signalait lui-même, les 400 plus grandes corporations au Mexique ne paient presque aucune taxe. Ils ont payé des taxes à un taux moyen de 1.5% durant plusieurs décennies. Lorsque cet enjeu fut soulevé par l’opposition de gauche au Congrès, même le Président a grommelé publiquement du manque de contributions de taxes par le « big business » suscitant la colère des organisations des grandes compagnies et amenant le Président à se rétracter deux jours plus tard.

Ces politiques fiscales régressives, néanmoins, ont reçu le fort appui de Juan José Daboub, le directeur de la Banque mondiale, au Sommet d’affaires mexicain de Monterry, où le 8 novembre 2009, il a louangé le gouvernement et décrit l’augmentation des taxes régressives comme une preuve de la maturité politique du Mexique. Non satisfait de cette augmentation, il interpella le gouvernement de faire des avancées sur les changements dans les lois sur le travail, et d’améliorer le système de l’énergie, mots codifiés pour l’affaiblissement des droits des travailleurs et de la privatisation de l’énergie. (Carrizales et Gonzalez Amador).*


Edur Velasco Arregui est un membre du comité consultatif du Comité central du SME, un représentant élu des travailleurs de l’université sur le conseil d’administration fédéral de conciliation et de médiation (JFCA), et le précédent secrétaire-général de SITUAM ( Syndicat indépendant des travailleurs de l’université autonome métropolitaine) et un professeur de droit et d’économie du travail à l’Université autonome métropolitaine de la ville de Mexico.

Richard Roman est membre du Projet socialiste et un professeur retraité de sociologie de l’Université de Toronto. Il est aussi membre associé du Centre de recherche sur l’Amérique latine et les Caraïbes, à l’université York de Toronto, et un membre fondateur du Collège senior à l’université de Toronto.

Traductrice : Françoise Breault

Sources :

*David Carrizales and Roberto González Amador, “El Banco Mundial considera prueba de “madurez política’ el aumento de impuestos,” La Jornada, November 9, 2009.

Luis Hernández Navarro, “La Asamblea Nacional de Resistencia Popular,” La Jornada, Oct. 27, 2009

Office of Public Affairs, U.S. Department of Justice. “Former General Manager of Texas Business Arrested for Role in Alleged Scheme to Bribe Officials at Mexican State-Owned Electrical Utility.”

Richard Roman & Edur Velasco Arregui, “The Oaxaca Uprising : Implications for Mexico,” in Socialist Register 2008 : Global Flashpoints – Reactions to Imperialism and Neoliberalism, edited by Leo Panitch and Colin Leys. New York : Monthly Review Press, 2008 ; also available as “The Mexican Crisis and the Oaxaca Commune.”


[1Comité Central, Syndicat mexicain des électriciens (SME), 13 novembre 2009

[2Le terme charrazo fut utilisé pour décrire un coup fait par l’État et quelques leaders opportunistes dans le syndicat des travailleurs des chemins de fer, contre les leaders élus en 1948. C’est devenu le terme général au Mexique pour décrire la corruption, les leaders et pratiques syndicales antidémocratiques. Un charro réfère au leader et charrismo à la pratique de syndicats corrompus, anti-démocratiques et liés à l’État. Le terme provient du vêtement des cavaliers fortement stylisés porté par le leader qu’on imposait. C’est maintenant un terme d’opprobre souvent utilisé dans les manifestations des travailleurs.

Il y a une diversité de syndicats charro et de pratiques qui, a divers degrés et pour diverses raisons, cherchent à défendre les travailleurs et les ententes collectives, et qui, a divers degrés, cherchent tout simplement à « vendre » leur pouvoir. Alors qu’ils étaient en quelque sorte intégrés au parti dans le régime du parti unique, ils peuvent maintenant être mieux décrits comme liés au régime, travaillant avec celui des deux partis néolibéraux au pouvoir, soit au national ou dans les divers états et cherchant à manoeuvrer à l’intérieur de la rivalité entre les partis pour mieux tirer profit de ce pouvoir de négociation afin de maintenir leur influence.

[3(Warlordism fut utilisé pour décrire le chaos à la fin de la Dynastie Qing et la naissance de la république de Chine, spécialement après la mort de Yuan Shikai)

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