La base de classe des politiques néolibérales
Au Québec, les politiques néolibérales ne sont pas le seul fait de politicien-ne-s particulièrement réactionnaires et retors réunis dans le Parti libéral du Québec. Le gouvernement péquiste avant lui avait mis en œuvre des politiques similaires. Les gouvernements Charest, Landry et Bouchard également. Elles découlent des nécessités de l’actuel régime d’accumulation capitaliste. Au Québec comme ailleurs, la classe capitaliste avance de telles politiques qui visent à étendre les champs d’accumulation du capital, à réduire les droits démocratiques et à criminaliser les forces sociales qui entrent en résistance.
Penser pouvoir défendre « la vision d’un État québécois qui joue un rôle majeur pour un meilleur partage de la richesse, des services publics accessibles... [1]sans poser la responsabilité première de la classe dominante dans l’imposition des politiques actuelles, c’est refuser d’éclairer la base systémique et de classe de ces politiques. Cette lacune crée un angle mort qui empêche d’identifier les obstacles qu’il faudra renverser et les stratégies qu’il faudra déployer pour en finir avec ces « temps difficiles ».
Malgré tous les efforts fournis par le mouvement syndical et ses alliés, le gouvernement persiste et signe. La force du gouvernement libéral, ce n’est pas d’abord sa majorité parlementaire, c’est surtout le fait que son entreprise de démolition de l’État social est appuyée par la vaste majorité de la classe dominante : les grandes banques, les grandes entreprises industrielles, minières et commerciales.
Nous n’avons pas d’abord affaire ici à une prétendue « orientation idéologique », mais à une offensive de classe qui se déploie à l’échelle internationale. Nous devons affronter non seulement le Parti libéral, mais le néolibéralisme au pouvoir et l’ensemble des partis qui souscrivent à ce dernier.
Occuper le terrain de la lutte pour le pouvoir populaire
Si les luttes sur la scène extraparlementaire sont les plus essentielles pour faire reculer le gouvernement et les autres partis liés à la bourgeoisie, il n’en demeure pas moins, qu’il faut que le camp populaire puisse poser la question de qui doit diriger cette société s’il veut pouvoir réaliser effectivement son projet de société.
Relever le défi de défendre activement le projet d’un Québec égalitaire, solidaire et inclusif ne peut se faire en laissant le pouvoir politique dans les mains des partis liés à la classe dominante. S’il faut assumer une défense militante et unitaire contre « les effets dévastateurs de l’austérité libérale sur les travailleuses et les travailleurs et la population en général », il est tout à fait insuffisant de se contenter « d’interpeller les partis politiques et les différents candidates et candidats sur la base de nos propositions. »
Pour passer à l’offensive, le camp populaire doit se porter candidat au pouvoir politique. Pour parvenir à « sécuriser le revenu tout au long de la vie, à développer l’économie et à créer des emplois de qualité, à consolider les services publics, à lutter contre les changements climatiques et à renforcer la démocratie », c’est l’ordre politique lui-même qui doit être bouleversé.
Si le mouvement syndical québécois doit assumer sa pleine liberté vis-à-vis des partis politiques liés à la classe capitaliste par toute une série de liens, nous ne pouvons pas abandonner la lutte pour le pouvoir politique à nos adversaires de classe. Ce serait s’incruster dans une position défensive qui doit être à tout prix dépassée pour faire face aux défis qui nous sont posés par l’offensive actuelle de la classe dominante.
Les revendications mises de l’avant par la CSN pourraient être la base d’une plate-forme électorale : concrétisant un projet de société :
- le 15$ de l’heure et une meilleure protection des revenus de retraite
- un réinvestissement substantiel en santé, dans les services sociaux et en éducation,
- une réforme de la fiscalité permettant une réelle redistribution de la richesse,
- la relance du secteur manufacturier autour de la transition énergétique pour permettre la création de nombreux emplois,
- une réforme du code du travail élargissant les droits syndicaux, les possibilités de syndicalisation et de réduction du temps de travail,
- la défense des revendications des femmes contre le sexisme et la violence
- le renforcement des institutions démocratiques
De telles revendications ne doivent pas se limiter à être l’instrument servant à exercer des pressions sur les partis néolibéraux.
Des militantes et des militants du mouvement syndical, du mouvement des femmes, des mouvements populaire et étudiant ont lancé Québec solidaire pour défendre un projet de société qui vise à préciser le Québec que nous voulons.
Le mouvement syndical peut tout en préservant son autonomie politique et organisationnelle la plus complète dans le respect de ses mandats démocratiques, appuyer un parti qui a été construit à partir du camp populaire pour en finir avec le pouvoir de la classe dominante et de l’oligarchie politique à son service. Mettre dans le même sac tous les partis politiques sans discuter de la pertinence et de l’importance de donner un appui à un parti politique au service de la majorité populaire, c’est esquiver des débats essentiels.
L’histoire de la CSN et des autres centrales syndicales a été traversée par de tels débats sur la mise sur pied d’un parti politique autonome des partis de la classe dominante. Il est essentiel de se rappeler ces débats, de les renouveler pour dépasser la situation actuelle, où l’initiative est dans les mains des partis de l’oligarchie, et ce, particulièrement dans le cadre des élections québécoises qui viennent. En ces temps difficiles, il faut savoir oser !
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