Le salaire minimum au Québec est de 10,55 $ et il a été haussé à 10,75 $ le 1ermai dernier, une augmentation de 20 cents l’heure. Cette hausse nécessaire ne change pas la vie des milliers de travailleuses et de travailleurs qui restent dans la pauvreté, même avec un emploi à temps plein. Le salaire minimum à 15 $ l’heure, indexée annuellement au coût de la vie est une réponse à la situation.
Cette revendication s’inspire d’un mouvement né aux États-Unis, où des travailleuses et des travailleurs de magasins à grande surface et de chaînes de restauration rapide se mobilisent depuis quelques années pour avoir de meilleures conditions salariales.
Des avancées récentes ont été signalées sur ce terrain. Aux États-Unis, les gouverneurs des États de New York et de Californie ont ratifié dernièrement deux lois portant le salaire minimum horaire à quinze dollars. Au Canada, seule l’Alberta prévoit hausser son salaire minimum jusqu’à 15 $ l’heure d’ici à 2018.
Est-ce réaliste une telle hausse ? La vraie question, c’est : est-ce que c’est réaliste de continuer à vivre avec un salaire aussi bas ? Dans la société qui est la nôtre, détenir un revenu est nécessaire afin d’avoir accès aux biens et aux services de base. Les personnes sans emploi étaient celles qui antérieurement peinaient à joindre les deux bouts et étaient dites « pauvres ». Présentement, même lorsque l’on travaille à temps plein, on n’est pas assuré que le salaire gagné permette répondre aux besoins essentiels que sont le logement, l’alimentation et le transport.
Tel que l’indique la recension 2014 de l’Institut de la Statistique du Québec, c’est plus de 450 000 salariés du Québec qui gagnent moins de 15 $ l’heure. Les femmes sont sans surprise majoritaire au sein de ce nombre et bien que cela touche bon nombre de jeunes en emploi, la majorité des personnes de cette cohorte a plus de 25 ans. Cette situation confine ces salarié.e.s à des choix déchirants : payer son loyer et les services publics de base (électricité et téléphonie), rogner sur l’alimentation et recourir aux banques alimentaires en fin de mois et s’endetter sans perspective de mettre fin à cette situation.
Cette condition est celle de plus de 10% des travailleuses et de travailleurs qui sont sur le marché du travail à temps plein (plus de 30 heures semaine) ou à temps partiel (15 heures semaine). À cela s’ajoute le travail saisonnier qui est aussi porteur de ces mauvais salaires alors que les travailleuses et travailleurs agricoles et des pêcheries sont contraints à un travail temporaire involontaire.
Les secteurs d’activité où majoritairement se retrouvent ces emplois mal payés sont le secteur vente au détail ou celui des services d’alimentation et d’hébergement. Ces emplois ne sont pas que dans les entreprises de moins de 20 employé.e.s. Le recours à ces bas salaires est aussi présent dans les grandes entreprises et ce phénomène s’est accru au cours des 15 dernières années, et ce bien que certains de ces emplois soient syndiqués. C’est ce que vivent les préposé.es aux bénéficiaires de résidences privées.
La pauvreté des travailleuses et travailleurs en emploi est la conséquence de la non pleine indexation du salaire minimum au coût de la vie depuis maintes années. Elle perdure depuis plus de 20 ans alors que le gouvernement péquiste a quasi gelé le salaire minimum de 1996 à 2001. Le salaire minimum versé n’a ainsi pas suivi les hausses de coûts des services de base qui n’ont cessé d’augmenter (tarifs d’électricité, transport collectif, frais de garderie, denrées de base du panier d’épicerie et loyers). Le salaire minimum actuel est insuffisant pour subvenir aux besoins d’une personne célibataire et encore plus à ceux d’un ménage comprenant un enfant ou un partenaire.
Une récente étude de l’IRIS critique le salaire minimum qui a cours et lui oppose le « salaire viable » qu’il définit comme « le salaire horaire permettant à un salarié à temps complet (37,5 heures par semaine) une pleine participation sociale et une marge de manœuvre pour une sortie de la pauvreté ». Il s’agit de combler les besoins de base et de participer à la vie culturelle, politique et économique. Ce salaire devrait être de 15,10$ en moyenne dès maintenant. D’autres réfèrent au « salaire suffisant ». Déjà les communautés de New Westminster et d’Esquimalt, en Colombie-Britannique, ont adopté des politiques sur le salaire suffisant qui a été octroyé au personnel municipal.
Depuis l’automne 2014, de larges mobilisations ont eu lieu sur le terrain de la lutte contre l’austérité. Tout comme la lutte pour la survie des programmes sociaux et des services publics est nécessaire, une hausse significative du salaire minimum est un besoin vital pour parer à l’appauvrissement de bon nombre de salarié.e.s. La revendication du salaire minimum à 15 $ indexé annuellement au coût de la vie est l’un des moyens pour contrer l’austérité et les défenseurs de l’idéologie néolibérale qui exigent que les pauvres deviennent plus pauvres.
Au Québec, c’est la Loi sur les normes du travail qui détermine le salaire minimum. Cette Loi doit être modifiée et permettre qu’un emploi soit une solution à la pauvreté plutôt qu’une cause de celle-ci. Le salaire minimum doit aider les gens à bien subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Une fois fixé à un taux durable de 15 $ l’heure, il faut prendre les mesures appropriées pour que le salaire minimum demeure durable en l’indexant annuellement au coût de la vie. Ainsi une personne travaillant à temps plein ne saurait plus être dite « pauvre ».
Maintes organisations partagent ce projet d’un salaire minimum à 15 $ l’heure tout en exprimant des nuances dans les revendications et l’échéancier. Le travail coalisé de toutes et tous pour atteindre cet objectif doit se développer. Tous les travailleurs et travailleuses du Québec, quel que soit leur lieu de résidence ou leur type d’emploi doivent pouvoir sortir de la pauvreté et ne plus avoir à recourir aux banques alimentaires.
C’est un enjeu politique, économique et social. On ne saurait cautionner l’approche patronale qui veut que des programmes sociaux compensent les faibles salaires qu’ils versent à leur employée.e.s. La pauvreté se vit maintenant, pour celles et ceux qui sont en emploi, l’éradiquer doit se faire dès maintenant !
Le Comité intersyndical QS-Montréal