Lucien Bouchard, passé dans le camp des gazéistes, fait la preuve par a+b que son degré de lucidité varie en fonction de l’identité des maîtres qu’il sert.
Débutons avec cet extrait du Manifeste pour un Québec lucide, déposé le 19 octobre 2005 et dont Lucien Bouchard était l’un des 12 signataires
… c’est à l’aune du continent et à celle du monde qu’il faut aujourd’hui se mesurer. Or, dès que l’on adopte ce point de vue plus large, on constate que le retard économique du Québec est loin d’avoir été comblé. Au plan du niveau de vie, notamment, le Québec fait encore partie des 25 % les moins riches parmi les provinces et états d’Amérique du Nord. Au plan financier, le gouvernement du Québec fait figure d’un lourd albatros qui ne parvient pas à prendre son envol, notre dette publique par habitant étant la plus élevée du continent. – page 2
D’ici quelques années tout au plus, nos rêves – en fait, pas les nôtres, mais ceux de nos enfants – seront brutalement interrompus par des coups sur la porte : les huissiers ! [...] Chaque individu, chaque groupe, chaque leader doit abandonner le premier réflexe qui est celui de tous, en particulier dans le Québec d’aujourd’hui : protéger ses intérêts et faire appel à l’intervention du Gouvernement - page 6
Que propose Lucien Bouchard à l’automne 2011 pour alléger ce trop lourd albatros et tenir le huissier à distance raisonnable ? Bin oui… il propose que le Gouvernement du Québec se porte à la rescousse de l’industrie du gaz de schiste et investisse massivement dans une ressource dont l’exploitation semble de moins en moins rentable et dans des puits de forage qui fuient de plus en plus. Bravo pour ton exquise lucidité, mon beau Lulu ! [on s’en reparle... plus bas !]
La solution que préconisait Lulu le Lucide en octobre 2005
À l’heure actuelle, le gouvernement du Québec consacre 16 % de ses dépenses au service de la dette, une part beaucoup plus importante que celle que supportent les autres gouvernements provinciaux. Seize pour cent, c’est 7 milliards par année, l’équivalent du budget de 12 des 21 ministères de l’État québécois. Si l’on ne parvient pas à diminuer ce fardeau, la précarité financière du gouvernement s’aggravera brusquement dès que les taux d’intérêt augmenteront. - page 7
La solution que préconise Lulu la guedoune en septembre 2011 : des investissements publics dans une industrie qui ne va nulle part.
Cherchez l’erreur !
Commission parlementaire, 31 mai 2011
Lucien Bouchard, qui préside l’Association gazière et pétrolière du Québec, était en effet présent en matinée lors de l’audience et a notamment plaidé en faveur d’une compensation pour les entreprises gazières et pétrolières dont le permis d’exploration dans le fleuve sera révoqué en raison de l’étude environnementale stratégique. Un refus de fournir des indemnisations donnerait, selon Lucien Bouchard, une mauvaise image du Québec à l’étranger. – Olivier Caron, Branchez-vous, 31 mai 2011
L’intervention de Lucien Bouchard à cette occasion aura surtout été remarquée en raison de sa violente prise de bec avec Amir Khadir, à laquelle on peut assister ICI (l’extrait pertinent débute à 24:30). Pour ma part, et c’est là un vieux réflexe de juriste, Bouchard a raison de soulever le droit des gazières à une indemnité… à la condition que preuve du dommage soit faite. Mais Bouchard, porte-parole de l’industrie, demeure un ancien premier-ministre du Québec, et à ce titre, son lobbyisme en faveur d’une industrie qui quémande des fonds à l’État a toutes les apparences de l’indécence… surtout que son plaidoyer va à l’encontre de ses interventions en tant que « Lucide », en 2005.
Apparences, ai-je dit. Je parle ici de perception. Et à cet égard, le nouveau crédo de Lucide Bouchard et ses interventions en faveur de l’industrie jettent le discrédit sur l’ensemble de la classe politique et cultivent le cynisme des citoyens envers les élus, en les assimilant à de vulgaires putes. En ce sens, et en ce sens seulement, la colère d’Amir Khadir était parfaitement justifiée.
30 septembre 2011 : Congrès de la Fédération des Chambres de commerce du Québec, Victoriaville
Devant les membres de la Fédération des chambres de commerce du Québec, un public acquis à sa cause, Lucien Bouchard a déclaré que l’État doit être plus présent dans l’industrie gazière au Québec. Pour lui, il ne faut pas rater le rendez-vous.
[...]
Le président de l’Association pétrolière et gazière propose notamment que le gouvernement soit plus présent dans le capital-actions ou les projets de différentes entreprises de l’industrie gazière en émergence dans la province. « C’est une fonction très importante de l’État de prévoir l’avenir, et c’est beaucoup plus rentable d’investir tout de suite que d’investir une fois que c’est parti. » - Nouvelles TVA, 30 septembre 2011
Ce que réclame Lucide Bouchard, en somme, c’est la capitalisation – par l’État – d’une industrie qui ne va nulle part, dont la rentabilité – déjà douteuse en raison de la multiplication récentes des sites soit-disant exploitables, risque d’être nulle, sinon même négative, en raison des probabilités de recours par les citoyens dont la nappe phréatique aura été contaminée et le puits d’alimentation en eau potable aura été rendu inutilisable.
La zone fertile en ressources gazières, au Québec, c’est la plaine du St-Laurent, alors que dans l’Ouest du pays, le gaz peut être extrait loin des milieux habités. L’industrie sait que la majorité des puits d’exploration forés à ce jour présentent des fuites et ces fuites, qu’elle ne parvient pas à colmater, risquent de lui coûter cher.
Au nom de l’industrie gazière, Lucien Bouchard offre donc au Gouvernement un marché de dupes, auquel je pourrais sans doute réagir de manière plus positive si ce n’était pas, justement, un marché de dupes, et si l’industrie du gaz de schiste au Québec n’était pas ce canard boiteux qu’elle est devenue !
Bref, après avoir plaidé en faveur d’une recapitalisation de l’État au moyen de hausses de tarifs et de diminutions dans les services au citoyen, Lucien Bouchard propose maintenant que l’État utilise ces économies – le cas échéant – pour faire des gazières de nouveaux corporate welfare bums.
This man seems to have lost his marbles, aurait conclu mon vieil oncle Wallace ! Ou alors, il prend les Québécois pour des valises et son gouvernement pour une banque d’affaires. NO BAILOUT !
Cet article est tiré du site Panda France (www.panda-france.net)