Jusqu’à maintenant, j’ai toujours cru que cette liberté signifiait qu’un État ne pouvait pas imposer un « [s]ystème de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur, et propre à un groupe social. » (Le Petit Robert, 2015, p. 2178). J’ai toujours été sous l’impression que cela impliquait qu’une personne avait la possibilité de pratiquer le culte de son choix en paix, dans sa communauté et dans ses lieux de culte, sans être menacée par l’État. J’ai toujours cru également que le gouvernement avait le droit d’adopter des lois pour assurer la paix et l’ordre public.
Mais voilà, qu’en est-il de la relation entre le droit de faire des lois pour assurer la paix et l’ordre public et la liberté de religion ou de conviction ? Très concrètement, que signifie cette « Liberté de religion ou de conviction » en matière de cotisation syndicale sur les lieux de travail ? Pour le moment, il n’y a aucune indication prévue à cet effet dans Le Code du travail (Québec). Par contre, en matière de précompte obligatoire des cotisations syndicales, le Code canadien du travail mentionne ce qui suit :
· Retenue de la cotisation syndicale
· 70 (1) À la demande du syndicat qui est l’agent négociateur des employés d’une unité de négociation, la convention collective conclue avec l’employeur doit contenir une disposition obligeant ce dernier à prélever sur le salaire versé à chaque employé régi par la convention, que celui-ci adhère ou non au syndicat, le montant de la cotisation syndicale normale et à le remettre sans délai au syndicat.
· Objection d’ordre religieux
(2) S’il est convaincu que le refus d’un employé de faire partie d’un syndicat ou de lui verser la cotisation syndicale normale est fondé sur ses croyances ou convictions religieuses, le Conseil peut, par ordonnance, exempter l’employé des dispositions de la convention collective exigeant soit l’adhésion syndicale comme condition d’emploi, soit le versement de la cotisation syndicale normale à un syndicat. L’intéressé est alors tenu de verser, soit directement, soit par prélèvement sur son salaire, un montant équivalent à la cotisation syndicale normale à un organisme de bienfaisance enregistré agréé à la fois par l’employé et le syndicat.
[…] »
Source : Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2
https://www.canlii.org/fr/ca/legis/lois/lrc-1985-c-l-2/derniere/. Consulté le 9 mai 2019.
Ainsi donc, le Conseil canadien des relations industrielles a le pouvoir d’exempter un ou une salariéE de l’obligation de verser sa cotisation syndicale à son association professionnelle en raison de ses croyances ou convictions religieuses.
J’ai été, de 1986 à 1989, conseiller syndical à la CSN. Lors d’un conflit de travail à Rimouski, il y avait dans l’unité d’accréditation un salarié syndiqué qui refusait, au nom de sa liberté religieuse, de participer aux actions du syndicat en grève. Certains membres de l’association se demandaient pourquoi cette personne agissait ainsi ? Ce membre pouvait-il se soustraire de cette façon de ses obligations envers le collectif en grève ? L’enjeu du conflit portait sur l’amélioration des conditions de travail et de rémunération de toutes et de tous. La majorité des membres du syndicat étaient d’avis que tous et toutes devaient, indépendamment de leurs croyances ou de leurs pratiques religieuses, s’impliquer, d’une manière quelconque, dans les actions du groupe.
Il arrive, à l’occasion, que la liberté religieuse ne signifie pas seulement le droit de revêtir un vêtement dit sacré ou de porter un signe quelconque dans l’exercice de son travail. Cela peut se répercuter sur la démarche revendicative du groupe, autant sur le plan de l’action collective à mener que… de la cotisation à payer.
Yvan Perrier
Un message, un commentaire ?