Sol Zanetti, 4 mai 2014
C’est la crise. Ben oui. C’est douloureux, mais ce n’est pas désespérant : c’est l’occasion de faire des choix.
Le départ d’Émilise est une immense perte pour notre organisation et le minimum que nous puissions faire pour honorer son engagement lumineux et inspirant des six dernières années à nos côtés, c’est de faire les bilans politiques qui s’imposent afin d’émerger de cette crise collectivement plus sages.
Depuis le jour 1, je veux qu’on soit un parti de gouvernement, mais pas un parti ni un gouvernement comme les autres. Tout le monde que je connais à QS veut qu’on forme le gouvernement. Pour moi, il faut surtout discuter en profondeur de la manière d’y arriver.
La crise qui suit le départ d’Émilise nous force à trouver des solutions pour assurer l’égalité entre nos porte-parole féminin et masculin. Le problème que nous avons vécu dans les derniers mois, c’est qu’il y avait une grande inégalité de moyens et d’influence entre nos deux porte-parole. Ce n’est pas un problème insoluble. Notre présidente et notre directrice générale s’occupent de ce chantier et j’ai pleinement confiance en elles pour consulter la base militante et proposer les changements requis.
Lorsque notre parti-mouvement est entré au Parlement, il est entré dans le cadre de la monarchie parlementaire canadienne. Ce système est patriarcal et colonial, centralisateur et peu démocratique. Qu’avons-nous mis en place pour protéger nos valeurs féministes et démocratiques, et éviter de nous faire avaler par ce système ? Quelques coutumes démocratiques informelles de bonne foi, mais ce n’est pas suffisant, les événements des dernières semaines en témoignent.
Comment assurer une égalité entre nos porte-parole dans un pareil système ? Si nous sommes sérieux dans notre approche politique de transformation, nous allons au moins poser ces questions et doter l’aile parlementaire de statuts démocratiques. Créons notre propre cadre plutôt que de nous conformer à celui qui est là.
Un autre choix difficile nous attend : un choix que nous avons à faire pour ne plus perdre des Catherine et des Émilise. Il relève d’un enjeu plus fondamental, mais aussi plus difficile à nommer. Je vais faire de mon mieux, mais je compte sur notre intelligence collective pour le cerner dans les prochaines semaines.
Cet enjeu, c’est notre rapport au système politique dans lequel nous baignons et que nous voulons changer. Devons-nous nous conformer à ses exigences ou les questionner ? Devons-nous devenir bons dans ce cadre-là ou le faire évoluer en prenant le risque de mettre régulièrement un pied en dehors ? Je pense qu’il ne faut pas laisser le cadre nous araser. Il faut prendre la liberté de le dépasser. Si le fondement de notre action politique vise à changer un système que nous trouvons vicié et aliénant pour l’être humain, qu’avons-nous à gagner en nous soumettant toujours à ses exigences ? Ne risquons-nous pas ainsi de lui donner de la légitimité ? De lui donner une apparence de valeur ? N’allons-nous pas renforcer le système que nous voulons transformer ? S’il est évident que l’indépendance nécessitera de mettre un pied en dehors du système politique canadien, c’est aussi vrai pour la gauche.
Manon a fait évoluer le cadre étroit de la politique québécoise en prenant le risque d’être elle-même. C’est d’ailleurs lors de sa campagne comme aspirante première ministre que nous avons vécu la croissance la plus phénoménale. C’est à ce moment que je suis devenu député avec ma pote Catherine et le reste de la bande des 10. Un petit miracle politique.
On n’essayait pas de répondre aux exigences de la machine à temps plein. On a pris le risque d’assumer ce qui nous mobilisait pour vrai en sachant que certains allaient trouver ça ridicule, mais en espérant que d’autres salueraient notre courage, notre authenticité et notre sincérité.
Nous avons remporté ce pari et nous pouvons le remporter encore. Avec Gab, Christine, Ruba, Manon, tout le caucus. Avec les militantes et militants de 2006 et de 2024. Avec la gang qui a travaillé si fort pour faire élire Émilise. Les débats et les discussions s’en viennent à l’interne, la parole est à nous.
On est capables. J’y crois.
Nous sommes des bêtes féroces de l’espoir
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