Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Extrait

Les peuples européens face à la finance

La synchronisation des crises sociales et politiques à l’échelle du continent

La semaine du 22 au 28 novembre 2010 donne probablement un avant-goût de ce à quoi pourrait ressembler l’année 2011 lorsque l’austérité généralisée va faire sentir ses effets sur tout le continent. Grève générale au Portugal le mercredi 24, manifestations étudiantes en Grande- Bretagne et en Italie, manifestation monstre à Dublin samedi 26.

Des mobilisations de masse accompagnées d’actions spectaculaires comme l’occupation du siège du parti conservateur à Londres, l’intrusion dans la résidence du premier ministre à Dublin et une tentative d’entrer dans le Sénat italien. A peine quelques semaines après les grands mouvements de l’automne 2010 en France, les résistances se développent au niveau européen. Vu l’ampleur des attaques dont il faudrait dresser un inventaire détaillé pays par pays, il n’y a rien de surprenant.

Mais le plus dur est à venir : la plupart des mesures adoptées cette année ne vont faire sentir leurs effets qu’en 2011. Dans la plupart des pays, les gouvernements, qu’ils soient de droite ou sociaux-libéraux (si cela a encore un sens...), sont politiquement très affaiblis, il ne semble donc pas déraisonnable d’imaginer qu’ils ne soient pas en mesure de faire face aux chocs sociaux d’ampleur que pourraient provoquer ces attaques. Il n’est pas plus certain qu’ils soient en mesure de se mettre d’accord sur la réorganisation inévitable de l’Union européenne qu’exigerait toute réponse institutionnelle tant soit peu durable aux déséquilibres qui ne cessent de se creuser en son sein.

Dans un tel contexte, on peut imaginer que des forces sociales de gauche ou des forces nationalistes s’imposent dans tel ou tel pays de la périphérie et décident de rompre avec la monnaie unique afin de faciliter leur ajustement par le biais d’une dévaluation. Il y a cependant de nombreux obstacles et inconvénient à un tel scénario, le moindre n’étant pas que rien de tel n’est prévu dans les traités et qu’il s’ensuivrait une gigantesque pagaille bancaire. Vu d’en haut, un autre scénario, envisagé par un éditorialiste du Financial Times, est que l’Allemagne renonce à la monnaie unique (3).

Cela pourrait faire suite à la multiplication des crises financières au sein de la zone euro dont l’issue ne pourrait être que des transferts fiscaux massifs qui, pour l’instant, sont politiquement inenvisageables. Une autre option, plus probable, serait que le nouveau traité, qu’exige l’Allemagne pour durcir davantage l’orthodoxie budgétaire dans chaque État, ne soit pas ratifié dans tous les pays. Le prétexte serait alors tout trouvé pour lui permettre de se désengager d’une zone euro considérée comme ingérable. Aussi ahurissantes que ces options paraissent, il faut bien voir qu’un statu quo de l’UE dans sa forme actuelle n’est aucunement un scénario plus réaliste.

Pour les forces anticapitalistes, ces spéculations n’ont pas d’autre intérêt que de permettre de saisir l’ampleur des bouleversements qui s’annoncent. L’enjeu premier est bien entendu de favoriser une coordination des résistances et l’émergence d’un mouvement internationaliste pour exiger au niveau continental l’arrêt immédiat des plans d’austérité, la suspension des remboursements de la dette publique et la mise en place d’un audit sous contrôle démocratique de celle-ci, la remise en cause de l’indépendance de la BCE, le financement par la Banque centrale des États, la socialisation des banques, le contrôle des flux de capitaux, le lancement d’un plan massif d’investissement et de création d’emplois pour la transition écologique et des services publics européens, une coordination des politiques fiscales redistributives.

Mais il ne faut pas sous-estimer le fait que ces réponses ne pourront être portées par les seuls mouvements sociaux. Faute de perspectives politiques dans chacun des pays et au niveau européen, ces mouvements risquent de s’affaisser et de laisser la place aux forces nationalistes les plus violentes et réactionnaires qui se renforcent déjà partout en Europe. La dislocation de l’Europe néolibérale pourrait alors virer au cauchemar. ■

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