Édition du 17 décembre 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

Les mecxplications de ONU Femmes Maroc

Des hommes s’expriment dans un recueil intitulé « Si j’étais une femme », sous la coordination du journaliste Ouadih Dada … Un homme.

Tiré de Entre les lignes et les mots
Publié le 16 octobre 2021

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/10/16/les-mecxplications-de-onu-femmes-maroc/

Si j’étais un homme et qu’ONU Femmes venait me demander d’écrire pour les femmes, à leur place et en m’imaginant être elles : je refuserais ou je me servirais de ma plume pour rappeler à l’entité des hommes, dont je fais partie, que nous leur volons assez la parole et à quel point toutes ces diverses organisations/institutions telles qu’ONU Femmes sacrifient bien trop la parole des femmes pour encore et toujours nous écouter parler.

Le mythe de la femme bavarde, vous connaissez ? C’est une stratégie patriarcale qui permet de réduire les femmes au silence. Selon ce mythe, les femmes parleraient plus que les hommes. Or différentes études ont montré que c’est plutôt l’inverse, et c’est d’autant plus vrai dans les contextes publics et formels. Pour preuve.

Oui ! Si j’étais un homme comme ceux qui se sont exprimés, je me serais senti gêné (et le mot me paraît faible). Mais, je ne suis pas un homme et je suis encore moins le genre de femme à qui ONU Femmes aime laisser la parole. Parce qu’elle n’a cure que les hommes occupent tous les espaces, occupation de l’espace public, occupation de l’espace médiatique, occupation du temps de parole…

Des hommes qui pensent savoir ce que les femmes pensent et ce dont elles ont envie. C’est la définition même de la condescendance et du paternalisme. Alors même que nous sommes les premières concernées.

Je suis le genre de femme qui se doit de peser sans cesse le poids de sa sociabilisation de femme, le poids de l’histoire des femmes, la lourdeur de ses choix de femme et parfois même, ses non-choix de femme aussi. Je suis du genre à bousculer des montagnes si on a l’audace de vouloir m’empêcher de parler. Je suis le genre de femme qui tape du poing sur la table sans avoir peur de froisser les hommes. Je suis le genre de femme à savoir et à comprendre ce que la société a fait de et en moi, sans laisser des hommes sociabilisés en tant que tels parler à sa place et encore moins s’approprier son corps et son histoire (de femme).

C’est bien là une parfaite illustration du système patriarcal : l’oppression des femmes par les hommes.

Mais être une femme c’est aussi avoir été éduquée à l’empathie et avoir dû se mettre à la place d’autres un nombre incalculable de fois afin de ne pas imploser ou même, exploser des murs que la société ordonne et dresse pour nous. Être une femme, c’est aussi devoir et pendant longtemps se taire au profit d’autres. Me taire ou crier ? C’est un choix qu’on ne m’a personnellement jamais vraiment laissé et que j’ai longtemps été incapable de prendre mon droit bien légitime de parler.

Je suis une femme, je n’ai pas été élevée à ça : apprendre à ne plus demander l’autorisation d’exister et se confronter à « l’étonnement » de la société, c’est aussi un travail que j’ai dû faire sur moi. Bien des femmes ne s’accorderont jamais ma juste colère, bien des femmes ne se permettront jamais d’exister. Nous ne sommes pas élevées à ça. Exister oui mais, les autres d’abord. Ce n’est pas pour rien qu’on nous apprend à avoir honte de nous-mêmes. Nous sommes élevées à nous juger bien avant que la société ne le fasse et être une femme, c’est aussi le savoir et pouvoir rêver les lignes qui vont suivre. Des lignes qu’ONU Femmes n’a pas su obtenir.

Donc, de ma place de femme et dans le silence qu’ONU Femmes nous impose, je ferme les yeux et je m’imagine jouir de leurs privilèges : si j’étais un homme et qu’ONU Femmes venait me permettre de parler en tant que femme, qu’oserais-je en faire ?

Oserais-je dénoncer cette loi phallocrate selon laquelle les hommes sont toujours légitimes sur n’importe quel sujet et que les femmes ayant une opinion à faire entendre sont systématiquement des folles, des « hystériques » qui devraient retourner en cuisine .

Oserais-je me servir de cris qui, contrairement aux femmes, ne me condamnent pas à la psychiatrisation pour dire aux hommes que ces horreurs dont nous sommes la source ont assez duré ?

Oserais-je déployer ma voix forte et grave pour refuser de galvauder la parole de tant de femmes murées dans un silence dont je ne sais rien et qui me sert plus qu’il ne me pèse ? Évidemment que j’oserais…

Si j’étais un homme, on m’aurait élevé à oser. Puis, au-delà de mon éducation et de mon droit inné à imposer mes idées la société me pardonnerait car, la société pardonne tant aux hommes au moment de condamner tant de femmes. La société comprendrait mon besoin de me taire afin d’apprendre à mieux (les) écouter, même qu’elle me trouverait beau pour ça. En tant qu’homme, la posture du sauveur, de l’homme d’exception meilleur que tous les autres et ce qu’elle offre comme avantages ça aussi, je pense que je l’aurais vite saisi. Les hommes supposément « pro-féministes » deviennent plus légitimes que les femmes et les féministes à s’exprimer sur les droits des femmes et le féminisme.

Une femme féministe est indignée et en colère. Le féminisme porté par une femme en fait une féminazie, une extrémiste, au mieux une féministe agressive, qui dessert sa cause. Un homme, lui, est un héros, qui mérite qu’on l’applaudisse, un brave type qui soutient la-cause-des-femmes, qui peut se prévaloir d’être un progressiste, voire de donner des leçons de respect aux femmes. Le féminisme porté par une femme est une étiquette qui la discrédite, porté par un homme il devient un sésame qui l’honore.

Si j’étais un homme, j’aimerais donc écouter et entendre la parole des femmes, de toutes les femmes, afin de ne pas rater la moitié de l’humanité. Afin de ne pas manquer la moitié de mon humanité. Cette humanité qui se dessine dans les traits de mes sœurs, de ma mère, de mes filles, de mes amies ou de l’inconnue que je croise et qui contribue à l’humanité. Cette humanité que nous avons tant tue et pour qui nous avons trop discrédité la parole et pour qui nous avons tant parlé.

Oui ! Si j’étais un homme, j’utiliserais peu de mots pour dire que cela suffit ! Je crierais juste ce qu’il faut pour permettre à ces femmes que nous infantilisons sans cesse, de parler.

Si j’étais un homme, je demanderais aux autres pourquoi les femmes ne seraient soudain pas les mieux placées pour parler d’elles, de ce qu’elles veulent, désirent et vivent ? Si j’étais un homme, j’ose espérer que je serais capable d’humilité, j’ose espérer que je choisirais des vies en oubliant un peu la mienne. J’ose espérer que je ne serais pas aussi minable que tant des miens utilisant de justes causes pour en tirer profit. Que ce profit soit financier, sexuel ou juste pour flatter de tristes egos ressentant un besoin irrésistible de monopoliser l’espace public et d’accaparer l’attention.

J’espère que je serais meilleur que ces hommes-là. J’espère aussi que je serais le genre d’homme à dire « très peu pour moi ». J’espère que j’aurais le courage de poser des actes nécessaires, de ceux qui laissent la place à d’autres, de ceux qui ne marquent pas l’histoire mais qui sont cruciaux.

S’exprimer à la place d’une femme et lui « mecxpliquer » la vie, c’est faire usage de mansplaining – concept très ancien de sexisme ordinaire afin d’affirmer sa dominance masculine. La société a fait croire aux femmes qu’elles étaient dénuées d’intelligence et que seuls les hommes étaient en mesure de réfléchir à leur place. C’est dégradant, insultant et humiliant.

Oui ! Si j’étais un homme, j’espère que j’aurais été de ceux qui posent des actes qui portent ! Des actes qui aiment et aident des femmes et ce, qu’elles me soient proches ou lointaines. J’espère que j’aurais été juste et que j’aurais pris moins de place. Juste assez de place pour exister et laisser cet espace vital aux femmes.

Ô… si j’étais un homme mais, je (ne) suis (qu’) une femme et pour ONU Femmes, quoi de mieux qu’un homme pour s’imaginer occuper ma place et mon tout petit espace ? Quoi de mieux qu’un homme pour parler de ce qu’il ne connaît pas ? Je ne le demande pas vraiment, rassurez-vous. Je m’adresse simplement aux hommes se revendiquant « féministes » bénéficiant du crédit refusé aux femmes.

Texte co-écrit par Betty Lachgar et Mélissa Parmentier

https://medium.com/@MALImaroc/les-mecxplications-de-onu-femmes-maroc-55ca4ddb8cfc

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