Édition du 10 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Déclaration collective du Mouvement féministe anti-guerre du Caucase : Contre l’autoritarisme de l’Azerbaïdjan, la COP29, le capitalisme vert, les guerres et le glissement régional vers l’autoritarisme

Face à l’oppression, nous élevons nos voix pour celles et ceux qui sont réduit·es au silence. Dans le sillage de celui de l’écoblanchiment, nous faisons tomber le masque de l’exploitation. Dans l’ombre de la guerre, nous demandons justice pour les peuples du Caucase : Arméniens, Azerbaïdjanais, Géorgiens, Talysh, Lezgins, Avars, Tats, Kurdes, Tchétchènes, Kabardins, Tatars, Abkhazes, Ossètes, Tcherkesses, au total plus de 50 groupes ethniques qui habitent notre patrie.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Aujourd’hui, nous sommes unies – militantes arméniennes, azerbaïdjanaises et géorgiensne, ainsi que leurs allié·es du monde entier – pour exiger la fin des systèmes d’oppression qui dévastent nos terres et nos communautés.

Nous, une coalition de militantes, nous sommes réunis pour faire entendre nos voix et délivrer plusieurs messages au monde.

Ensemble, nous déclarons

1. Stop à l’Azerbaïdjan : un hôte de la COP29 qui masque l’autoritarisme par un écoblanchiment

Le régime azerbaïdjanais a enfermé les personnes dans une prison à ciel ouvert. Ses frontières terrestres sont fermées pour quatre ans depuis 2020 sous le prétexte de la pandémie de COVID. Le régime veut avoir le contrôle total de nos corps et de nos esprits. Il emprisonne celles et ceux qui pensent différemment, il exile celles et ceux qui sont déclaré·es être d’autres ethnies et d’autres orientations politiques, il empêche celles et ceux qui sont dans le pays de partir et de trouver refuge ailleurs, il enfonce les personnes dans la pauvreté et opprime la dissidence en prenant en otage les proches des dissident·es.

Celles et ceux qui s’expriment – journalistes, activistes, féministes ou des courageux/courageuses sans étiquette de villages comme Söyüdlü et Nardaran – sont confronté·es à la brutalité policière, à l’emprisonnement et, dans certains cas, au risque de disparition sans même l’illusion d’un procès. Il ne s’agit pas seulement d’une persécution politique, mais de l’effacement systématique des voix qui osent envisager un Azerbaïdjan plus libre. Mais comme nous le voyons aujourd’hui, le régime ne parvient pas à nous faire taire, car nous faisons partie de celles et ceux qui refusent de renoncer à leur existence et continuent donc à résister.

Nous sommes ici pour nos ami·es et camarades détenu·es dans les prisons azerbaïdjanaises :
Pour Sevinj Vagifqizi
Pour Nargiz Absalamova
Pour Elnara Gasimova
Pour Bahruz Samadov
Pour Igbal Abilov
Pour Farid Mehralizada
Pour Gubad Ibadoghlu
Pour Afiyaddin Mammadov
Pour Fazil Gasimov
Pour Aykhan Israfilov
Pour Elvin Mustafayev
Pour Mahammad Kekalov
Pour Ulvi Hasanli
Pour Hafiz Babali
et les 300 autres prisonnier·es politiques.

Alors que ces prisonnier·es politiques languissent derrière les barreaux, torturé·es dans le silence, le monde regarde ailleurs. Pendant des décennies, le monde a détourné le regard et toléré un dictateur qui opprime son propre peuple. Ces puissances ont non seulement toléré un dictateur, mais elles ont rendu son règne possible en alimentant son clan avec l’argent du pétrole. Ce n’est qu’au moment où cette dictature est devenue dangereuse pour les pays voisins que certains ouvrent les yeux. Aliyev n’a pas réussi à résoudre ce conflit pendant près de 20 ans au pouvoir. Il a déclenché une guerre avec l’Arménie et à procédé à un nettoyage ethnique des Arménien·nes. Cependant, même à cette époque, nous voyons comment le profit peut rendre à nouveau indifférent·es ceux qui ont une voix.

Aujourd’hui, nous disons : C’en est fini de l’autoritarisme. L’autoritarisme ne peut pas être « blanchi ». L’hypocrisie doit cesser. Nous appelons les participant·es à la COP29 à exiger la libération des prisonnier·es politiques en Azerbaïdjan et à rejeter toute forme de complicité avec la dictature d’Aliyev. La justice environnementale doit être synonyme de liberté, et non d’oppression déguisée en durabilité.

2. Faire en sorte que notre région cesse d’être un champ de bataille pour les intérêts capitalistes et impériaux

Depuis que les premiers puits de pétrole ont été forés en Azerbaïdjan, notre région a souffert du joug des forces impériales. Aujourd’hui, la Russie et l’Occident, ainsi que des puissances régionales comme la Turquie, exploitent notre région à des fins de profit et de contrôle, aggravant les divisions au sein de notre peuple. Sous couvert d’« énergie verte », l’Occident cherche de nouveaux marchés d’extraction, tandis que la Russie et la Turquie s’accrochent à leurs ambitions impériales. Nos pays sont utilisés comme des pions, des lieux de conflit et de profit, déchirés par des intérêts extérieurs. Rien n’a vraiment changé en un siècle : la logique coloniale et impériale du « diviser pour régner » se poursuit.

Mais aujourd’hui, elle revêt un nouveau masque, celui de l’énergie « verte et durable ». Sous le nom d’énergie verte – un nouveau masque pour l’extractivisme enveloppée dans la rhétorique de la durabilité et ancrée dans le profit – les alliés du Nord visent à profiter du transit de l’énergie verte et des biens en provenance de l’Est. Mais pour les empires « intermédiaires » comme la Russie, nous ne sommes qu’un atout et une ex-colonie – la périphérie de l’Empire, qu’elle ne veut pas perdre.

Le fait d’être au carrefour des empires et du capital mondial est synonyme d’effusions de sang, de guerres et d’énormes souffrances pour nous, les peuples indigènes de ces terres. Nos élites nationales font partie du même club que les puissances coloniales et le capital et ne seront jamais de notre côté. Elles n’hésiteront jamais à nous imposer la guerre et la dévastation pour conserver leur pouvoir. C’est ce que le régime azerbaïdjanais a fait en 2020 en menant une guerre et, plus tard, en 2023, en procédant au nettoyage ethnique des Arménien·nes de leurs maisons. Soyons clairs : les plans de l’Azerbaïdjan visant à transformer le Haut-Karabakh en une soi-disant « zone verte » est un programme d’exploitation fondé sur le déplacement ethnique, l’extraction de matières premières et la monopolisation des ressources.

Aux profiteurs : la « transition verte » de notre région ne doit pas se faire aux dépens de notre peuple, ni aggraver les inégalités, ni exploiter nos ressources. Nous exigeons une transition qui soit au service des populations, et non des entreprises ou des empires mondiaux.

3. Tenir les tyrans locaux responsables

L’impérialisme nous entube, mais cela ne rend pas nos dictateurs locaux meilleurs pour autant. Ces soi-disant dirigeants n’apportent que dévastation, insécurité et pauvreté. Après plus de 20 ans de règne d’Aliyev, qui a succédé aux 30 ans de règne de son père, le peuple azerbaïdjanais n’a connu que la souffrance : absence de nourriture décente, de soins de santé, d’emplois, d’éducation et de liberté.

En Géorgie, cela fait plus d’une décennie que l’on souffre sous le règne du Rêve géorgien et d’Ivanichvili. La population a été confrontée à un système de santé défaillant, à des emplois précaires et à une économie néolibérale qui n’offre rien d’autre que la misère. Aujourd’hui, M. Ivanishvili veut supprimer la liberté d’expression et de réunion, en se cachant derrière l’excuse d’une conspiration du « Parti de la guerre mondiale », qui permet commodément à la Russie d’échapper à toute responsabilité dans sa guerre en Ukraine et dans le chaos qui règne dans notre région.

Ces aspirants monarques détiennent une part considérable de nos économies. Ivanishvili contrôle à lui seul un tiers du PIB de la Géorgie, tandis qu’Aliyev et sa famille, sans parler de ses filles, sont assis sur une somme estimée à 13 milliards de dollars, soit près de la moitié du budget national de l’Azerbaïdjan.

À nos soi-disant dirigeants, nous disons : « Le peuple mérite la dignité, pas les dictateurs.

4. Soutenir le Caucase : Non isolé, mais comme un élément essentiel de la lutte mondiale

Les pays du Caucase du Sud – l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Géorgie – ne sont pas isolés et dépendent fortement de la politique mondiale, mais ce n’est pas une voie à sens unique.

Aujourd’hui, le régime azerbaïdjanais est désespéré et revendique donc un pouvoir régional. Il tente d’accueillir la COP29, d’influencer les élections en Géorgie, de s’engager activement dans la politique en Turquie, d’avoir un bastion en Asie centrale, d’acheter des politiciens européens, de s’engager dans un lobbying illégal aux États-Unis et, bien sûr, de forcer l’Arménie à se soumettre politiquement après la défaite de 2020. Ce qui est le plus ignoble, c’est le rôle qu’elle joue et le soutien qu’elle apporte au génocide de Gaza en approvisionnant Israël en pétrole et en gaz. Plus de 40 000 personnes sont massacrées par le régime israélien avec le soutien du régime azerbaïdjanais, et sa compagnie pétrolière nationale – SOCAR – en est honteusement complice.

Nous ne sommes pas séparé·es de la politique mondiale, de ce qui se passe dans le reste du monde. Nous ressentons le chaos et les turbulences des relations internationales plus que les habitant·es des métropoles.

Nous, les peuples du Caucase, rejetons la cupidité, la violence et l’hypocrisie de nos élites et de leurs alliés mondiaux.

Notre appel à l’action

Nous appelons toutes les personnes, tous les mouvements et tous les dirigeants à reconnaître que le régime de l’Azerbaïdjan est l’antithèse de la justice. Unissons-nous pour dénoncer ces crimes, pour amplifier les voix de celles et ceux qui sont réduit·es au silence et pour nous réapproprier les discours sur la justice sociale. Seul un monde qui donne la priorité à la liberté et à l’égalité sur le profit, et à la résilience des communautés sur la croissance capitaliste, peut maintenir la vie sur cette planète.

À celles et ceux qui tentent de nous diviser, nous disons :

Nous ne choisirons pas entre le fascisme génocidaire et le fascisme non génocidaire.

Nous ne choisirons pas entre la Russie et l’Occident.

Nous ne choisirons pas entre la famine et une fausse liberté.

Nous ne choisirons pas entre vos valeurs traditionnelles imposées et vos valeurs « civilisées ».

Nous rejetons ces fausses dichotomies. Nous disons : La peste est dans vos deux maisons.

Notre lutte est mondiale, notre solidarité indéfectible, notre engagement inébranlable. Fini le silence. Finie la complicité.

22 novembre 2024
https://links.org.au/caucasus-feminist-anti-war-movement-against-azerbaijans-authoritarianism-cop29-green-capitalism
Publié pour la première fois – 18 novembre 2024 sur LeftEast

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