Pour M. Trudeau, on pousse le bouchon trop loin. On ne devrait pas mettre le doigt sur le bobo. On devrait serrer les dents. On devrait accepter des conditions de travail qui se dégradent année après année, au fil des compressions, sous prétexte qu’on a la vocation. Pour l’animateur, nommer les problèmes serait même LA raison des difficultés de recrutement dans les commissions scolaires du Québec…
« Le psychodrame des semaines de quatre jours »
S’il y avait un fil conducteur dans le texte du chroniqueur, c’est celui de l’incompréhension totale du travail des enseignantes et des enseignants et du monde scolaire. Parlons du préjugé défavorable de M. Trudeau envers les semaines de quatre jours.
« Il y a tout d’abord eu le psychodrame de la fin des semaines de quatre jours. Parce que pour certains profs, il est impensable de croire qu’ils pourraient travailler cinq jours par semaine, comme le commun des mortels. Non, eux, ils veulent avoir une permission pour être présents seulement à 80 % du temps. Parce qu’eux, ils le méritent. Et au diable la pénurie de main-d’œuvre. »
Ce que M. Trudeau ne sait pas, c’est que les profs travaillent bien plus que seulement en classe. Être prof, c’est déjà une job à temps plus que plein. Ça occupe l’esprit 7 jours sur 7. C’est vrai que c’est une vocation. Or, comme le soulignait si justement Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) en entrevue avec Michel C. Auger : « Quand un enseignant demande une réduction de tâche, c’est pour retrouver un équilibre dans sa vie et éviter de se rendre au congé d’invalidité. Pour contrer la pénurie, il faut plutôt redonner le goût aux jeunes de devenir enseignant en revalorisant la profession. »
Ce qu’elle ne mentionne pas, c’est que dans bien des cas, les profs demandent des tâches réduites pour pouvoir trouver le temps de planifier leurs cours, de corriger les copies, de préparer leur matériel, etc. Oui, vous avez bien lu, il y a des profs qui demandent des congés pour… travailler !
Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est une organisation toxique du travail qui est à l’origine de ces difficultés rencontrées par le personnel de l’éducation (et de la santé !) et qui le pousse à l’épuisement. Des modes de gestion axés sur « l’efficience » (toujours en faire plus avec moins) et les résultats quantifiables (cibles de taux de diplomation) qui causent pertes de temps et pertes de sens.
Qui pense aux enfants ici ?
Jonathan Trudeau ose aussi remettre en question le dévouement des profs pour leurs élèves (jeunes et adultes, je souligne parce que l’animateur semble ignorer qu’il n’y a pas que des enfants dans notre système scolaire). Mettons une chose au clair ici : pour les profs, la priorité va toujours être les élèves. Toujours. Ça adonne que les conditions dans lesquelles ils exercent leur travail ont un impact direct sur la qualité des services qui seront donnés à ces élèves.
Dénoncer est légitime
Le hasard a voulu que nous lancions ce matin même une publicité dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec ainsi que dans différents médias pour dénoncer les conditions de travail et les modes de gestion toxiques qui sont les véritables causes de l’épuisement et des difficultés de recrutement en éducation. N’en déplaise à Jonathan Trudeau, dénoncer ces situations et tenter de les régler est légitime et nous le faisons dans l’intérêt des élèves du Québec.
Nous ne sommes pas des héros
« Mais de grâce, chers héros, parlez-nous aussi de votre sens de la vocation, de votre passion pour nos enfants, de la beauté du métier, des belles histoires de réussite. »
Nous ne sommes pas des « héros » et « la vocation » ne paie pas le beurre de peanut sur les toasts le matin. Nous sommes des femmes et des hommes dévoués à la réussite de leurs élèves et nous réclamons la possibilité d’enseigner dans des conditions décentes, c’est tout.
Si monsieur Trudeau veut être un allié des profs, ce qu’il semble vouloir être malgré tout, il peut commencer par s’informer auprès des premiers concernés au lieu de parler à travers son chapeau. Nous sommes disponibles pour lui parler de nos histoires de profs quand il veut, les belles, comme les moins belles.
En attendant, s’il a besoin d’entendre du positif, de belles histoires de profs qui font la différence dans leur milieu, il peut toujours aller voir l’extraordinaire campagne de la FSE-CSQ : Prof, ma fierté !
Un message, un commentaire ?