32 janvier 2024 | tiré du Courrier international
Un faux enregistrement de Joe Biden appelant les électeurs à ne pas aller voter lors de la primaire du New Hampshire le 23 janvier aux États-Unis ; l’ex-dictateur Suharto ressuscité le temps d’une vidéo pour appeler à voter pour son parti, le Golkar, lors des élections générales du 14 février en Indonésie ; un ministre indien en exercice appelant à voter contre le gouvernement, là encore dans une vidéo contrefaite…
En 2024, la liste des tentatives de manipulation de l’opinion risque de s’allonger chaque jour un peu plus. Près de la moitié de la population mondiale est en effet appelée à voter, soit 3,7 milliards de personnes dans 70 pays, selon le décompte du magazine Foreign Policy, parmi lesquels le plus peuplé (l’Inde), le plus grand bloc commercial (l’Union européenne), le plus grand pays musulman (l’Indonésie), le plus grand pays hispanophone (le Mexique) et la plus grande puissance du monde (les États-Unis).
En 2016, année du Brexit et de l’élection de Donald Trump aux États-Unis, il avait déjà été fortement question de désinformation et d’influence des réseaux sociaux (avec les fermes de trolls russes, notamment) dans les campagnes électorales. Cette fois, les possibilités de manipulation sont démultipliées en raison du développement accéléré de l’intelligence artificielle générative, explique le Financial Times dans l’article qui ouvre notre dossier.
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“Jusqu’à cette année, les répercussions de l’IA sur les élections suscitaient des inquiétudes exagérées. Mais à présent les choses s’emballent à une vitesse que ¬personne n’aurait imaginée”, explique un expert au quotidien britannique. Pour son article, très complet, Hannah Murphy a interrogé de nombreux experts – en intelligence artificielle, en désinformation –, des responsables d’ONG…, et ses conclusions font frémir.
Pourquoi ? Parce que la manipulation est désormais à la portée de tous. “L’avènement de l’IA générative, écrit la journaliste, avec ses outils multimodaux qui mêlent texte, image, audio et vidéo, change radicalement la donne : il est aujourd’hui à la portée du premier venu, ou presque, de créer de faux contenus et de les faire passer pour vrais.”
Et cela alors que les contre-feux technologiques, éthiques et juridiques sont loin d’être au point. En décembre, l’Union européenne avait pourtant marqué les esprits dans sa volonté d’encadrer l’intelligence artificielle : le Parlement européen et le Conseil de l’UE étaient parvenus à s’accorder sur l’AI Act, un texte jugé par The Washington Post comme “le plus ambitieux du monde”.
Vendredi 2 février, les pays membres de l’UE doivent se prononcer sur la ratification du texte. Mais tout porte à croire qu’elle sera retardée, et son application pas envisagée avant 2026. Un constat d’impuissance, selon The New York Times, pour qui “les législateurs et les autorités de régulation à Bruxelles, à Washington et ailleurs sont en train de perdre la bataille pour réglementer l’IA”, car ils ne parviennent pas à suivre l’évolution rapide de la technologie.
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Les plateformes sociales sont elles aussi dépassées Sous pression, et sommés par les autorités de mettre en place des garde-fous pour lutter contre les deepfakes, Facebook, YouTube, TikTok, X (anciennement Twitter) et consorts “sont souvent moins bien armés que lors des précédentes grandes élections”, explique encore le Financial Times, notamment pour des raisons économiques (avec des réductions des coûts un peu partout dans les équipes chargées de la sécurité et de la modération). Mais pas seulement. Aujourd’hui, “la vérification des contenus et la lutte contre la désinformation se politisent”. Alimentant encore la défiance des citoyens envers les institutions.
À la veille d’une année électorale particulièrement chargée, il nous paraissait important d’apporter un éclairage sur des pratiques que l’on risque de retrouver dans les mois à venir et qui pourraient largement influencer les résultats, brouillant un peu plus le jeu démocratique. “Il existe une lueur d’espoir, veut pourtant croire Hannah Murphy : cette crise pourrait pousser les électeurs à se détourner des réseaux sociaux pour, de nouveau, aller chercher leurs informations auprès des institutions traditionnelles.”
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