Au début du troisième siècle avant Jésus Christ, le roi Pyrrhus a subit, une fois de plus, des pertes importantes dans sa victoire contre les Romains. Il a répondu à une personne qui le félicitait : « Nous avons gagné une bataille de plus contre les Romains, elle nous aura complètement ruinés ». Dans ses moments plus sobres, M. Mitch McConnell, sénateur républicain du Kentucky, qui est sur le point de réaliser son ambition de toujours, à savoir devenir le leader de la majorité au Sénat, peut s’inquiéter lui aussi de n’avoir gagné qu’une victoire à la Pyrrhus.
Les Républicains-es sont encore à savourer cette grande victoire électorale de 2014, celle qui leur donne la majorité dans les deux chambres du Congrès. Cela va leur permettre de fixer l’ordre du jour, de décider ce qui mérite d’être considéré, sur lequel on doit enquêter et voter. Leurs idées vont déterminer le débat.
Mais les Républicains-es n’ont aucun mandat parce qu’ils et elles n’ont présenté aucun ordre du jour ou programme immédiat. Le parti a bénéficié de la politique de la terre brulée de M. McConnell : il n’a cessé de faire obstruction au Président Obama aidant ainsi les électeurs-trices à se détacher de son parti. Le parti républicain, le parti du « non » se retrouve maintenant sans aucune position unifiée en faveur du « oui ». C’est un effet secondaire de cette tactique. Au lieu d’utiliser le temps passé dans l’opposition à développer de nouvelles idées et une vision claire (de la politique à mettre de l’avant) les Républicains-es ont aiguisé leur discours, effilé leurs ongles et affiné leurs revers.
Le parti n’a jamais payé pou leur obstruction systématique à toutes les mesures qui aurait soutenu un peu plus la reprise économique ; pour le blocage des dépenses pour les infrastructures qui étaient pourtant une réponse conjointe des partis en ces temps de récession. Aucune pénalité pour avoir « fermé » le gouvernement et introduit une austérité démente qui a éliminé des emplois. Aucune pénalité non plus, pour avoir déclenché une hystérie insensée envers les enjeux de politique étrangère en inventant des terreurs fantômes à propos d’immigrantes enceinte qui aideraient le groupe terroriste état islamique et des victimes du virus Ébola qui se seraient infiltrées dans le pays pour nous tuer. Ce parti n’a jamais payé le prix de son soutien au risible budget du représentant Paul Ryan ce qui lui a permis de nier les dommages à Medicare, (le programme d’assurance santé pour les pauvres) à l’éducation, au programme des « food stamps », (l’aide alimentaire aux pauvres) et aux plus vulnérables eux et elles attaqués-es.
Résultat : M. McConnell a mené au pouvoir un parti qui n’est pas préparé à gouverner ni équipé pour le faire. Bien sur, les plus cinglés-es de sa base ne veulent pas gouverner mais défaire ce qui existe. Comme Terrance Heath le rapporte, même le fabuleux Rush Limbaugh, toujours si vite sur le bouton « indignation-démolition » annonce que les Républicains-es ont le mandat d’empêcher le Président d’agir, pas de gouverner. L’animateur de Fox News, Megyn Kelly, divague sur l’idée que M. Obama « offenserait » les Républicains-es en les poussant dans une opération « d’empeachment » contre lui. Phyllis Schlaflyi soutient que la priorité des priorités du nouveau Congrès devrait être de bloquer toutes les nominations que le Président pourrait proposer dans le secteur de la justice et les tribunaux. Le sénateur Ted Cruz plaide encore pour le retrait de la nouvelle assurance santé ; John McCain, républicain sénateur de l’Arizona, va profiter de sa position de président du comité sur les forces armées, pour exiger encore plus de soldats-es engagés-es dans les combats en Irak et en Syrie, des sanctions plus dures pour miner le processus de négociations avec l’Iran et une posture plus « macho » en Ukraine. Un autre sénateur républicain, celui de l’Oklaoma, M. Jim Inhofe, probable futur président du comité sur l’environnement et les travaux publics, pourra profiter de cette position pour nier l’existence des catastrophiques effets des changements climatiques au moment même où des milliards de fonds devront être votés pour les nettoyages après des vagues d’inondations, de sécheresse et d’autres tempêtes à venir.
Le sénateur McConnell dit que les Républicains-es vont adopter le programme conservateur des Chambres de commerce. Il s’agit de renvoyer l’ascenseur à ces organisations qui ont grassement financé la campagne du parti et a contribué à sa victoire. Cela voudrait dire, donner un congé de taxes et d’impôt majeur aux multinationales sur des sommes qu’elles ont déjà expatriées pour éviter l’imposition aux États-Unis ; créer une autorité pour accepter prestement des ententes commerciales ; s’assurer que l’oléoduc Keystone XL sera construit et mis en service ; affaiblir le Bureau de protection financière et retirer la taxe sur les équipements médicaux ce qui constitue une première tranche des attaques contre l’« Obamacare ».
Mais les zélés-es de ce Congrès veulent donner plus de coups et faire moins de compromis. Le retrait de l’« Obamacare » est l’objectif absolu. Ils et elles veulent que l’obstruction systématique se continue contre toutes les nominations proposées par le Président. On verra des enquêtes déclenchées sur de réels scandales et sur d’autres, complètement imaginaires ; la loi Dodd-Frank sur la régulation financière devrait être annulée et les taxes et les dépenses internes au pays largement amputées.
Il n’est pas du tout certain que Ms McConnell et Boehner, l’actuel leader de la majorité à la Chambre des représentants, réussissent à rallier leurs troupes en faveur de quelque mesure que ce soit que le Président pourrait soutenir. Et même si M. McConnell pouvait déposer devant le Président le plan des Chambres de commerce et le faire adopter, une chose est sure : cela ne ferait rien pour régler la profonde crise dans lequel se pays se trouve. La classe moyenne n’y trouverait aucun secours pas plus que la classe ouvrière déjà appauvrie. Il n’y a aucune stratégie pour faire face aux changements climatiques aucune réponse aux excès destructifs des banques qu’on ne peut mettre en faillite parce que trop grosses.
M. McConnell a gagné la majorité en utilisant une brillante politique partisane, malhonnête, d’obstruction systématique. Maintenant, l’absence d’idées et de solutions adaptées vont apparaitre. Et la prochaine fois que l’électorat plus sensible voudra se débarrasser des bandits de grand chemin, sans doute verra-t-il plus clairement de qui il est question.