Dernier épisode : les gouvernements états-uniens et européens nationalisent les banques défaillantes en leur apportant les fonds « propres » qu’elles ont perdus à la suite de leur activité spéculative. Le projet des gouvernements est de revendre ensuite ces banques, une fois la crise passée. Mais, une telle politique ne créera-t-elle pas les conditions d’une nouvelle crise dans le futur puisque les banques sauvées du désastre, sachant qu’elles seront secourues en cas de difficultés, repartiront de plus belle vers de nouvelles prises de risques dangereuses ?
Nous disons que cette crise doit être l’occasion de tirer les leçons de la faillite des politiques passées. Nos sociétés ont besoin de banques tournées vers un autre modèle de développement, donnant la priorité au financement d’investissements créateurs d’emploi et respectant l’écologie. Clairement, la crise vient de démontrer que les banques dominées par la logique du rendement imposée par les actionnaires au détriment des salariés ne sont pas en mesure de satisfaire de telles exigences. Il est donc essentiel de construire un pôle financier public obéissant à ces impératifs économiques, sociaux et écologiques. Pour cela, il est urgent de stopper le processus de privatisation rampante du système financier (...). Il faut également consolider les participations publiques dans le domaine financier. (...) Enfin, les États doivent mettre à profit les nationalisations bancaires pour que la finance soit au service de la société et échappe à la logique spéculative et prédatrice. Ces nationalisations doivent être conçues positivement et non pas exécutées simplement pour sauver les banques les plus compromises du désastre. La possibilité de nationaliser des banques saines ne peut plus être écartée car la réponse aux besoins sociaux requiert aujourd’hui un pôle financier public.
Certains objecteront que les nationalisations bancaires réalisées dans le passé ont été des échecs. Cela s’explique très largement par le fait que les gouvernements successifs ont obligé les banques et entreprises publiques à appliquer des critères de gestion du secteur privé et à se soumettre à la priorité du rendement financier. Nous proposons que les objectifs du pôle financier public fassent l’objet d’un débat public et démocratique au Parlement.
(...) Les discours sur le « capitalisme régulé » et le « capitalisme moral » ne tromperont personne. C’est une rupture politique radicale qui s’impose si l’on veut éviter de nouvelles crises. Cette volonté doit être portée par la France et l’Union européenne au sein de l’ONU et, en aucun cas, ne peut être laissée aux « bons soins » du G8, largement compromis dans le laisser-faire néolibéral.
* Paru en tribune sous le titre « Pour un pôle financier public » dans le quotidien Libération du 3 octobre 2008.
* Jacques Cossart, Jean-Marie Harribey et Dominique Plihon membres du conseil scientifique d’Attac.