Tiré de A l’encontre.
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La figure du vampire telle que nous la connaissons aujourd’hui est dérivée de ces croyances et rites, moyennant cependant déformations et réinterprétations [3]. Une première source en aura été fournie par des marchands saxons qui s’étaient établis dans les villes de Transylvanie au cours du XIIe siècle et qui y avaient acquis des privilèges commerciaux, essentiellement des exemptions de taxes. Or ces privilèges vont être remis en cause au milieu du XVe siècle par le voïvode (prince) de Valachie Vlad III Basarab, dit Vlad Tepes (Vlad l’Empaleur), aussi surnommé Draculea parce que son père Vlad II avait été surnommé Vlad Dracul (Vlad le Diable). La rigueur des sanctions infligées par Vlad III aux marchands récalcitrants, pouvant aller jusqu’à la peine de mort, lui vaudra d’être rapidement portraituré comme un prince sanguinaire dans la correspondance de ces marchands avec leurs collègues occidentaux, donnant ainsi naissance à la légende du Dracula vampire [4].
L’annexion d’une partie des Balkans par l’Empire habsbourgeois au détriment de l’Empire ottoman à la suite du traité de Passarowitz (1718) va par ailleurs favoriser la diffusion de récits officiels de vampires en Europe occidentale, conduisant le dominicain Augustin Calmet, abbé de Senonnes, à leur accorder une place notable dans ses Dissertations sur les apparitions des anges, des démons et des esprits, et sur les revenants et vampires de Hongrie, de Bohême, de Moravie et de Silésie (1746), qui eurent un certain retentissement. Bon nombre des « philosophes » des Lumières (dont Voltaire et Rousseau) s’y intéresseront, pour marquer en général leur scepticisme à leur égard, en n’y voyant qu’une manifestation de la crédulité de populations privées des lumières de la raison.
Mais c’est surtout la littérature romantique et postromantique qui va conférer ses lettres de noblesse à la figure du vampire telle que nous la connaissons aujourd’hui, en lui consacrant des dizaines de romans, nouvelles, pièces de théâtre, depuis The Vampyre de John Polidori (1819), inspiré par lord Byron, jusqu’à son illustration la plus célèbre, le Dracula de Bram Stoker (1897), qui connaîtra un succès mondial, en passant par Varney the Vampire de James Malcolm Rymer et Thomas Peckett Prest, un roman-feuilleton paru dans la presse britannique entre 1845 et 1847 et ne comprenant pas moins de deux cent vingt chapitres [5] ! Une littérature qui aura également donné naissance à ces deux autres best-sellers du fantastique que seront Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley (1818) et L’étrange cas du Dr Jekyll et M. Hyde de Robert Louis Stevenson (1886), non sans rapport avec les précédents. Et il est à peine nécessaire de mentionner la postérité prolifique du vampirisme tant au cinéma que dans la bande dessinée, les jeux vidéo et les jeux de rôle jusqu’à nos jours.
Dans l’ensemble de la littérature européenne du XIXe siècle qui lui est consacrée, le vampire présente une double caractéristique. D’une part, c’est un mort-vivant, un mort qui ne doit de rester en vie qu’au fait de sucer le sang de ses proies, lequel constitue ainsi pour lui une sorte d’élixir de longue vie, capable non seulement de le maintenir en vie mais de lui conférer une éternelle jeunesse ; et sa vitalité est d’autant plus grande qu’est élevé le nombre de ses victimes. D’autre part, non content de se nourrir de leur substance vitale, il possède le pouvoir de transformer ces dernières en vampires à leur tour, de leur communiquer en quelque sorte sa propre nature. Le vampire se livre donc à une appropriation de ses victimes sur un double mode : il en absorbe les forces en même temps qu’il les habite et les métamorphose.
Le vampire n’est pas pour autant tout puissant. Il n’a pas d’ombre et ne se reflète pas dans un miroir. La lumière l’indispose ou peut même lui être fatale et il se doit de passer le jour reclus dans sa tombe ou son cercueil. L’ail lui fait horreur, tout comme le crucifix, le chapelet ou l’eau bénite. Et il est possible de s’en débarrasser pour de bon en lui transperçant le cœur, en le décapitant ou en le brûlant. Et les esprits forts ajouteront que, à coup sûr, il ne résiste pas au rire moqueur de celui qui n’y accorde foi !
Comment le capital « suce » le travailleur en « pompant » son énergie vitale
Esprit fort s’il en fut, Marx n’en a pas moins eu recours à cette même figure du vampire au sein de son ouvrage majeur, Le Capital [6]. On peut y entendre l’écho de la gloire littéraire de cette figure à son époque, dont il devait avoir connaissance, au moins par ouï-dire [7], tout comme sans doute un prolongement de la tradition des Lumières, qui lui était également familière. Mais c’est aussi que, plus généralement, Marx puise abondamment dans la tradition littéraire, depuis les auteurs antiques (Homère, Hésiode, Xénophon, Virgile) jusqu’aux contemporains (Eugène Sue, Heinrich Heine), sans oublier les grands classiques (Dante et Shakespeare notamment) dont il était un grand connaisseur ; de même qu’il n’hésite pas à recourir fréquemment au vieux fonds mythologique et aux traditions religieuses juive et chrétienne, qui offrent de multiples ressources rhétoriques dès lors qu’ils sont utilisés sur un mode ironique ou critique. Et l’usage par Marx de la figure du vampire pour analyser ce rapport social qu’est le capital en fournira un exemple convaincant.
C’est essentiellement dans la section III du Livre I du Capital, notamment dans son chapitre VIII intitulé « La journée de travail » [8], que se concentrent les passages dans lesquels Marx développe la métaphore du capital-vampire [9]. Avant cette section, Marx a eu l’occasion de définir le capital par ce qu’il nomme sa « formule générale », A – M – A’ (avec A’ > A), ou A figure la valeur sous forme d’argent et M la valeur sous forme de marchandise. Le capital se définit ainsi comme une « valeur en procès » (page 175), soit une valeur qui se conserve et s’accroît dans une incessante circulation de marchandises et d’argent. Comme Marx suppose (à ce moment de son analyse) que les marchandises s’échangent strictement à leur valeur, cette formule générale est une contradiction dans les termes, sauf à supposer qu’existe une marchandise contre laquelle l’argent puisse s’échanger tout en se conservant et en se valorisant, autrement dit une marchandise capable de conserver et de valoriser l’argent contre lequel elle s’échange.
Or une telle marchandise existe bien. C’est la force de travail, à la condition qu’elle soit employée (mise en œuvre, mise à l’ouvrage) de sorte à fournir du travail sous une forme capable de générer de la valeur, autrement dit de fournir un travail socialement nécessaire, c’est-à-dire un travail qui réponde à un besoin social et dont les conditions de mise en œuvre soient conformes aux normes moyennes d’intensité, de productivité et de qualité en cours dans l’aire sociale et l’époque historique considérées. Mais l’existence d’une telle marchandise présuppose à son tour celle que Marx nomme ironiquement le « travailleur libre », et libre d’un double point de vue d’ailleurs : libre (dépossédé) de tout moyen de production propre, exproprié en somme, n’ayant plus en sa possession que sa force de travail (sa puissance productive) qu’il est cependant incapable d’utiliser par lui-même puisque les moyens de production lui font défaut ; et libre de de sa personne, libéré de tout rapport communautaire et personnelle de dépendance mais aussi d’assistance, pouvant librement disposer de lui-même et de ses facultés mais ne pouvant non plus compter que sur lui-même et ses facultés, dont le seul usage qu’il puisse en faire est de les mettre à la disposition d’autrui, pour autant que ce dernier puisse en faire usage (en étant pourvu pour sa part de moyens de production) et qu’il en veuille, parce que tel est son intérêt.
C’est sur la base de ces acquis que Marx entreprend dans la section III d’expliquer comment le capital peut exister comme valeur en procès en réalisant sa « formule générale », en transformant du même coup en capitaliste le simple possesseur d’argent, disons d’une somme A. A cette fin, il faut et il suffit que l’argent A s’échange contre deux catégories de marchandises M : des moyens de production (matières et moyens de travail) et des forces de travail, et que les unes et les autres se trouvent combinées de manière à produire une nouvelle marchandise M’dont la valeur A’ réalisée au cours de sa vente soit supérieure à A. Et, selon Marx, cela est possible parce que la force de travail, dont le capitaliste s’est assuré un droit d’usage dans le cadre d’un rapport de force entre lui et le travailleur salarié, réglementé juridiquement ou non, possède une double propriété : d’une part, celle de conserver la valeur des moyens de production consommés au cours du procès de production en la transmettant au nouveau produit-marchandise ; d’autre part, celle de former une valeur supérieure à sa valeur propre, celle que le capitaliste a fournie au « travailleur libre » en échange de sa force de travail sous forme d’un salaire, la différence entre les deux constituant la fameuse plus-value ou survaleur (traduction de l’allemand Mehrwert). Si bien qu’au terme du procès de production et de la vente du produit-marchandise qui en résulte, le capitaliste récupère sa mise initiale augmentée de cette fameuse plus-value.
Dans ces conditions, tout l’intérêt du capitaliste est de faire former au travailleur salarié le plus de valeur possible en sus de la valeur de la force de travail, déterminée comme celle de toute autre marchandise par la quantité de travail nécessaire à sa production [10]. En supposant que le salaire soit bien équivalent à cette dernière (autrement dit que la force de travail soit bien payée à sa valeur, règle à laquelle le déséquilibre entre capitaliste et travailleur salarié sur le marché du travail permet souvent de déroger, en fixant un prix de la force de travail en dessous de sa valeur), cela revient à lui faire rendre le plus de travail possible en sus du travail nécessaire à la production de la force de travail, en somme le maximum de surtravail au-delà de ce dernier. A cette fin, le capital peut jouer sur trois facteurs : le nombre de travailleurs, la durée du travail et l’intensité du travail. Autrement dit, il va s’agir pour le capital d’employer le maximum de travailleurs, quels qu’en soient l’âge ou le sexe ; de les faire travailler le plus longtemps possible sur la journée, la semaine, l’année et la vie entière ; et d’exiger d’eux qu’ils fournissent le maximum de travail par unité de temps de travail, de densifier leur effort productif en somme.
C’est l’exposé des modes et formes de cette exploitation extensive de la force de travail qui fournit à Marx l’occasion de recourir à la métaphore du capital-vampire, explicitement ou implicitement. Dans le procès de production, le capital se présente face au travailleur comme un quantum de travail mort, passé, matérialisé dans les moyens de production (matières et moyens de travail), qui cherche à extraire du travailleur le maximum de travail vivant au-delà du travail nécessaire à son entretien. Ce que le sang de ses victimes est au vampire, le travail vivant, soit l’usage de la force de travail, sa mise en œuvre dans et par le procès de travail, l’est au capital, substance que le capital suce, i.e. pompe et absorbe, avec d’autant plus d’avidité qu’elle est cette eau de jouvence qui seule lui permet d’exister et de persister dans l’existence, dût-il pour cela aller jusqu’à l’épuisement total du travailleur :
« Or le capital a une unique pulsion vitale : se valoriser, créer de la survaleur, pomper avec sa partie constante, les moyens de production, la plus grande masse possible de surtravail. Le capital est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage » (page 259).
« Il faut avouer que notre travailleur ne sort pas du procès de production dans l’état où il y est entré. Il se présentait sur le marché comme possesseur de la marchandise “force de travail”, face à d’autres possesseurs de marchandises, d’égal à égal. Le contrat par lequel il vendait sa force de travail au capitaliste prouvait en quelque sorte noir sur blanc qu’il disposait librement de lui-même. Mais le marché une fois conclu, on découvre qu’il n’est pas “un agent libre”, que le temps pour lequel il est libre de vendre sa force de travail est le temps pour lequel il est forcé de la vendre, qu’en réalité le vampire qui le suce ne lâche pas prise “tant qu’il y a encore un muscle, un nerf, une goutte de sang à exploiter” » (pages 337-338)
Car la soif de travail vivant, plus particulièrement de sa part de surtravail, qui anime le capital est telle qu’elle tend à pousser la durée et l’intensité du travail au-delà de toutes les bornes physiologiques sinon physiques, jusqu’à l’épuisement total des travailleurs :
« Le capital constant, les moyens de production ne sont là, considérés du point de vue du procès de valorisation, que pour aspirer du travail et avec chaque goutte de travail un quantum proportionnel de surtravail. Tant qu’ils ne le font pas, leur simple existence constitue une perte négative pour le capitaliste, car ils représentent, pendant le temps où ils sont en friche, une avance de capital inutile, et cette perte devient positive aussitôt que l’interruption nécessite des dépenses supplémentaires pour la remise en marche de l’ouvrage. La prolongation de la journée de travail jusque dans la nuit, au-delà des limites de la journée naturelle, n’a qu’un effet palliatif, n’étanche qu’approximativement leur soif vampirique de travail vivant. C’est pourquoi la pulsion immanente de la production capitaliste est de s’approprier du travail pendant chacune des 24 heures de la journée. Mais comme ceci est physiquement impossible, (les mêmes forces de travail seraient alors sucées continuellement jour et nuit), il est nécessaire, pour surmonter cet obstacle physique, de faire alterner les forces de travail consommées de jour et de nuit ; cette alternance autorise différentes méthodes et peut, par exemple, être ordonnée de telle manière qu’une partie du personnel ouvrier assure une semaine de service de jour, puis un service de nuit la semaine suivante, etc. » (pages 286-287).
Pour pouvoir sucer de la sorte la force de travail, pour pouvoir absorber le maximum de travail vivant et de surtravail, il faut au capital des instruments qui soient l’équivalent des canines et des mâchoires du vampire. Matérialisation d’un travail mort, les moyens de production, que le travailleur met en œuvre et transforme, les lui fournissent et n’ont d’ailleurs que cette fonction de permettre au capital d’absorber le travail vivant dépensé au cours du procès de production et d’en absorber le maximum possible :
« (…) les Sanderson ont plus à faire qu’à fabriquer de l’acier. S’ils font de l’acier, c’est un simple prétexte pour faire du plus. Les fourneaux de fonderie, les laminoirs, etc., les constructions, la machinerie, le fer, le charbon, etc. ont plus à faire qu’à se transformer en acier. Ils sont là pour sucer du surtravail et ils en absorbent naturellement plus en 24 heures qu’en 12. Ils octroient en fait aux Sanderson, au nom de Dieu et du Droit, une assignation sur le temps de travail d’un certain nombre de bras pour les 24 heures pleines de la journée, et ils perdraient leur caractère de capital ; seraient ainsi pure perte pour les Sanderson dès lors que leur fonction d’absorption de travail serait interrompue » (pages 293-294).
Et cette fonction de pompe à surtravail, de sangsue de la force de travail, les moyens de travail (outils, machines, locaux industriels, etc.) tout comme les matières de travail (matières premières, matières auxiliaires, source d’énergie, etc.) l’acquièrent dès lors qu’ils opèrent dans le cadre des rapports capitalistes de production, autrement dit dès lors qu’ils deviennent des moyens d’exploiter du travail salarié :
« Imaginons, par exemple, une partie des paysans de Westphalie sous Frédéric II, tous tisseurs par ailleurs, sinon de soie, du moins de lin, expropriée par la force et chassée de son terroir, tandis que ceux qui sont restés sont transformés en journaliers des grands fermiers (…) Les fuseaux et les métiers à tisser autrefois disséminés à la surface du pays sont maintenant rassemblés dans quelques grandes casernes de travail tout comme les ouvriers et le matériau brut. Et dès lors, fuseaux, métiers et matériau brut, de moyens d’existence indépendants qu’ils étaient pour les fileurs et les tisserands, sont transformés en moyens de les commander et de leur sucer du travail non payé » (page 839).
Comment le capital « pénètre » le travailleur en le vidant de sa substance
Toutefois, les précédentes formes d’exploitation du travail par le capital, partant la valorisation de ce dernier dans le cadre de ces formes, présentent des limites qui sont tôt ou tard atteintes. Limites physiques : les journées n’ont que vingt-quatre heures. Limites physiologiques : l’accroissement continu de la durée et de l’intensité du travail débilite le travailleur jusqu’à le rendre incapable de travailler. Limites sociopolitiques surtout : par leurs luttes et leur organisation en associations, syndicats, partis, les travailleurs parviennent à imposer des bornes tant à la durée du travail qu’aux conditions de travail (s’agissant notamment des femmes et des enfants). Limites que le capital ne peut que partiellement tourner par le recours à de nouvelles forces de travail que lui fournissent les effets continus de l’expropriation, qu’il s’agisse des ci-devant travailleurs indépendants (notamment les paysans venant alimenter l’exode rural) ruinés par la concurrence que le capital leur mène au sein des formations centrales ou des populations indigènes expropriées de force dans le cadre de la conquête et de l’occupation coloniales des formations périphériques, donnant naissance à un flux plus ou moins continu d’immigrations vers le centre.
Pour repousser plus avant ces limites, il faut au capital changer d’objectif selon Marx : se valoriser non plus par l’intermédiaire de la formation d’une plus-value absolue mais par celle d’une plus-value relative. La première correspondant précisément aux formes d’exploitation envisagées précédemment, en reposant sur l’allongement et l’intensification du travail au-delà du travail nécessaire, tel qu’il est fixé par des normes sociales définissant les conditions de reproduction de la force de travail qui sont en cours dans la société et à l’époque considérées. En augmentant la durée du travail et l’intensité du travail, il s’agit d’extraire de la mise en œuvre de la force de travail le plus de travail possible au-delà du travail nécessaire, autrement dit former le plus de valeur au-delà de la valeur de la force de travail elle-même.
La plus-value relative, par contre, s’obtient non pas en augmentant autant que possible le quantum total de travail extrait de la mise en œuvre de la force de travail mais en diminuant le travail nécessaire, autrement dit la part de ce dernier dans le quantum de travail en question, sans que ce dernier augmente nécessairement. Il s’agit donc de diminuer la valeur de la force de travail, non pas nécessairement en révisant à la baisse les normes sociales définissant les conditions de reproduction de cette dernière mais en obtenant qu’une moindre quantité de travail soit nécessaire pour satisfaire à ces normes. Et cela est tout simplement possible en augmentant la productivité du travail ; ce qui revient à augmenter la quantité de biens ou de services qu’un même quantum de travail peut produire, donc à diminuer la valeur unitaire de ces biens, ou encore à dépenser moins de travail pour un panier déterminé de tels biens ou services.
Mais augmenter la productivité du travail suppose de transformer le procès de travail dans tous ses aspects, matériels (recourir à de nouveaux moyens de production : matières de travail et moyens de travail), organisationnels (concevoir de nouvelles formes d’organisation du procès de travail, de nouvelles formes de combinaison, de division et de hiérarchisation, entre forces de travail, rendues nécessaires par le recours à ces nouveaux moyens de travail), idéologiques (élaborer de nouvelles formes de mobilisation subjective des forces de travail adéquates à ces nouvelles conditions de production) – sans compter en amont de nouvelles conditions dans la formation des forces de travail, etc. Autrement dit, en passant de la formation de plus-value absolue à celle de plus-value relative, le capital ne peut plus se contenter de reprendre tels quels les procès de travail dont il hérite des rapports et des formes précapitalistes de production ; il faut qu’ils les bouleversent pour les soumettre à ses exigences de valorisation intensive. Selon les termes mêmes de Marx, il lui faut passer d’une appropriation seulement formelle du procès de travail, au cours de laquelle le capital se contente de donner une forme capitaliste à ce procès (de l’inscrire dans ses rapports de production propres), à une appropriation réelle, consistant à s’emparer de son contenu (matériel, organisationnel, idéologique, etc.) pour lui imprimer sa marque propre [11].
C’est dans la section IV du Livre I du Capital que Marx se livre à une analyse méthodique des différents moments (étapes, modalités, résultats) de l’appropriation réelle du procès de travail par le capital, chacun reprenant pour les approfondir les acquis du précédent, en l’occurrence la coopération simple, la manufacture avec sa division du travail caractéristique et la grande industrie mécanique [12]. Curieusement, cependant, la métaphore du capital-vampire, si présente dans la section précédente, y disparaît quasiment. Il n’en est fait usage explicitement, d’une manière en fait allusive, qu’une seule fois :
« C’est pendant le procès même de travail que le moyen de travail, du fait de sa transformation en un automate, se pose face au travailleur comme capital, comme travail mort qui domine et aspire la force vivante du travail » (page 475).
Pour autant, comme nous allons le voir, cette métaphore reste bien présente mais sur un mode implicite. Et surtout, elle change de sens. Le vampirisme du capital ne consiste plus ici seulement à extraire de la mise en œuvre productive de la force de travail le maximum de surtravail comme sa substance nourricière mais, littéralement, à pénétrer cette force en la remodelant pour la conformer à la nature du capital et à ses exigences de valorisation intensive.
L’appropriation réelle du procès de travail par le capital entrelace en fait trois mouvements [13]. Le premier d’entre eux, la socialisation de ce procès, consiste à substituer un travailleur collectif aux travailleurs individuels comme sujet du procès de travail. Ce travailleur collectif naît d’une coopération contrainte entre de multiples travailleurs individuels réunis par le capital dans un même procès de travail, coopération reposant sur la division et la hiérarchisation des tâches parcellaires plus ou moins simples ou complexes qui sont confiés à ces derniers ; il est donc l’œuvre du capital qui le dirige, l’organise et le contrôle à la manière d’une armée productive, une « armée industrielle » qui est d’abord une armée industrieuse. Par cette socialisation du procès de travail, le capital parvient à homogénéiser le travail qu’il met en œuvre, à engendrer ce travail social moyen qui est la substance même de la valeur et de la plus-value ; la socialisation capitaliste du procès de travail fait ainsi de la force productive totale du travailleur collectif une force sociale homogène, indistincte, moyenne, égale à n’importe quelle autre force collective opérant dans les mêmes conditions de production. Par ailleurs, la productivité (l’effort productif) de ce travailleur collectif est bien supérieure à la simple somme des dépenses de travail de ses membres individuels : selon la formule consacrée, le tout est plus que la somme des parties. Et plus que celle des travailleurs pris individuellement, c’est en fait la force productive de ce travailleur collectif que le capital s’approprie : c’est elle qu’il exploite, c’est par elle qu’il se valorise de manière intensive. C’est là un trait qui distingue d’emblée le procès de travail capitaliste des procès de travail antérieurs, et qui ne cesse de se renforcer au fur et à mesure où se développe la soumission réelle du travail au capital, depuis la coopération simple jusqu’à l’automation.
Dans et par la socialisation du procès de travail s’opère, en deuxième lieu, l’appropriation par le capital des puissances du travailleur collectif, des puissances productives nées de la socialisation. Le capital s’empare de ces puissances en en faisant ses facultés propres, tout en leur conférant du coup progressivement une forme qui lui soit appropriée, soit une forme réifiée, celle d’un procès de production tout entier dominé par un appareillage mécanique et automatisé qui matérialise le capital dans le procès de travail, qui en constitue en somme le « corps productif ». Et c’est là que nous retrouvons la métaphore du capital-vampire.
Pour exposer ce mouvement, Marx se sert en fait d’une autre métaphore organique, qui ouvre la voie à la reprise de la précédente. Personnifiant le travailleur collectif, le comparant à une sorte de travailleur géant dont les travailleurs individuels constitueraient les différents membres, organes ou cellules, il montre comment le capital s’approprie peu à peu l’ensemble de ses fonctions vitales pour les objectiver en dehors de ce travailleur dans un organisme mécanique et automatique de production qui lui est approprié : à la fois propre et conforme à sa nature. Processus qui se développe au rythme de la socialisation du procès de travail, donc de la constitution du travailleur collectif lui-même.
Au stade de la coopération simple, le capital ne représente encore que le cerveau du travailleur collectif. Commandant les divers mouvements de ses multiples membres, il en constitue l’unité dynamique, l’instance qui imprime le sceau d’une volonté unique et d’un même dessein à des membres (les travailleurs individuels et leurs opérations productives) qui lui restent cependant par eux-mêmes extérieurs et qu’il doit se contenter de réunir, de coordonner et contrôler autant que possible.
Au stade de la manufacture, le capital commence à prendre réellement possession du corps productif du travailleur collectif. Alors, il ne se contente plus de diriger un organisme de production qui lui reste extérieur, il le pénètre en en déterminant le plan d’ensemble (sous la forme de la division manufacturière du travail) ainsi que les proportions entre ses différentes parties, en en contrôlant désormais de ce fait le mouvement d’ensemble aussi bien que les mouvements de chacun de ses membres. Car il n’est plus alors jusqu’à l’organe individuel de ce corps productif (l’ouvrier parcellaire) et sa fonction spécialisée qui, par l’intermédiaire de la division manufacturière du travail, ne soient déterminés par le capital. On peut dire que ce dernier est devenu la totalité organique du corps productif, une sorte de « Briarée dont les mille mains sont armées d’outils divers » [14], relativement auquel le travailleur parcellaire n’est plus qu’un simple organe, voire une simple cellule.
Mais la substance même de ce corps lui reste encore étrangère et rétive. Car elle n’est encore rien d’autre que la force de travail en acte, le travail vivant des ouvriers parcellaires. Et Marx de montrer que cette dépendance du capital à l’égard de la force de travail : de sa qualité, de sa célérité, du savoir-faire de l’ouvrier, de sa conscience professionnelle, etc., aura constitué la grande limite de la manufacture et aura permis aux ouvriers de la période manufacturière de résister de multiples manières à leur exploitation et domination. D’où la nécessité pour le capital de se doter d’un corps productif qui lui soit propre, dans lequel il objectivera les puissances du travailleur collectif dont il se sera emparé et qu’il pourra opposer aux travailleurs individuels.
Et c’est ce qui s’opère dans et par la mécanisation et, plus encore, l’automation du procès de travail : « (…) dans le système des machines, la grande industrie possède un organisme de production tout à fait objectif que l’ouvrier trouve devant lui toute prête comme condition matérielle de production » (page 433). Contrairement au corps vivant du travailleur collectif de la manufacture, ce corps mécanique ou automatique est de même nature que le capital ; c’est du travail mort, passé, accumulé, qui va désormais se saisir du travail vivant, pour l’asservir et l’exploiter. Grâce à lui, le capital acquiert donc un contenu matériel et opératif (des moyens de travail) adéquat à sa propre nature de valeur en procès :
« Dans la machine, et plus encore dans la machinerie comme système automatique de machines, le moyen de travail est transformé quant à sa valeur d’usage, c’est-à-dire quant à son existence matérielle, en une existence adéquate au capital fixe et au capital en général ; quant à la forme sous laquelle il a été intégré comme moyen de travail immédiat dans le procès de production du capital, elle est abolie au profit d’une forme posée par le capital lui-même et qui lui est adéquate » [15].
De par son dispositif technique même, le système des machines réalise cette appropriation du travail vivant (présent) par le travail mort (passé, accumulé) qui est l’essence même du capital, de cette valeur en procès qui ne peut exister qu’en s’incorporant en permanence la source même de toute valeur, la force de travail. Le mort y saisit le vif et le soumet à ses exigences : avec le procès mécanique et automatique de production, cette métaphore se réalise au pied de la lettre, le vampirisme du capital y acquérant le moyen physique, technico-scientifique, de satisfaire son inextinguible soif de travail vivant. En un mot, dans et par le système des machines, les déterminations formelles du capital comme valeur en procès : la subordination du travail vivant (la force de travail) au travail mort (la valeur), l’autonomisation du travail mort à l’égard du travail vivant, se matérialisent en un dispositif technico-scientifique à l’intérieur du procès de travail lui-même, qui extériorise toutes les facultés productives du travailleur collectif en les fixant dans le corps productif du capital (en l’occurrence du capital fixe), ces déterminations formelles du capital deviennent la structure matérielle même du procès de travail :
« Dans la production mécanisée, l’appropriation du travail vivant par le travail objectivé, – l’appropriation de la force ou de l’activité valorisante par la valeur pour soi – appropriation qui tient au concept même de capital, est posée comme caractère du procès de production lui-même, y compris sous le rapport de ses éléments matériels et de son mouvement matériel » [16].
En somme, après s’être emparé du corps du travailleur collectif par la division/composition manufacturière du travail, après s’être approprié sa force productive combinée, le capital parvient à l’autonomiser à l’égard du travailleur collectif, en la fixant dans un corps mécanique et automatique, dont la substance et le mouvement mêmes soient appropriés à sa nature réifiée de valeur en procès. Dès lors, la force productive vivante n’est plus que résiduelle :
« Dans la mesure exacte où le temps de travail – le simple quantum de travail – est posé par le capital comme seul élément déterminant, le travail immédiat et sa quantité disparaissent en tant que principe déterminant de la production – de la création de valeurs d’usage – et se trouvent rabaissés aussi bien quantitativement à une proportion réduite que qualitativement à un moment certes indispensable, mais subalterne au regard du travail scientifique général, de l’application technologique des sciences physiques et mathématiques, cela d’un premier côté, de même qu’[au regard de la] force productive générale qui se dégage de l’articulation sociale dans la production globale – force productive qui apparaît comme, donc, naturelle au travail social (bien qu’étant produit historique). Le capital travaille ainsi à sa propre dissolution en tant que forme dominant la production » [17].
Dans ces conditions, le troisième mouvement que déploie l’appropriation réelle du procès de travail par le capital, l’expropriation du travailleur à l’intérieur du procès de travail lui-même, est immédiatement compréhensible. Si le travailleur collectif est encore le véritable sujet du procès de travail au sein de la manufacture tandis que le travailleur individuel y reste le cerveau et le moteur de l’outil, le procès mécanique et plus encore le procès automatique de production dépouille le premier de toute maîtrise sur le procès dans son ensemble tandis qu’il réduit le second à n’être plus que le serveur docile voire le simple surveillant d’un système des machines fonctionnant indépendamment de lui et qui lui dicte totalement la nature et le rythme de ses opérations productives. En les vampirisant, le capital tend à transformer les travailleurs en zombies en les façonnant à son image, en les réduisant à de purs « opérateurs de production » voués à la valorisation du capital, en « machines à produire de la survaleur » (page 667), en les contraignant à en intérioriser la logique au détriment de leur propre subjectivité, en un mot : en les réifiant ; à la détérioration physique s’adjoignent ou se substituent dès lors la dégradation morale et la dégénération intellectuelle. L’un et l’autre, le travailleur collectif comme le travailleur individuel, se trouvent finalement métamorphosés par le vampirisme du capital en de simples appendices ectoplasmiques du « corps productif » de ce dernier, dans lequel se trouvent désormais extériorisées toutes les facultés productives qui étaient originellement celles du seul travail vivant.
Notes
[1] Le mot français vampire procède de l’allemand Vampir, dérivé du serbo-croate (vampir) via le hongrois vámpir. Ce mot qui désigne originellement, dans la plupart des langues slaves, la chauve-souris, dont trois espèces américaines (mais aucune européenne) sont en effet hématophages (elles se nourrissent du sang de leurs proies).
[2] Cf. Ioana Andreescu, Où sont passés les vampires ?, Paris, Payot 1997 ; et Marianne Mesnil, « Le rêve oriental ou la place d’un manque » dans Marianne Mesnil et Assia Popova, Les eaux au-delà du Danube, Paris, Editions Pétra, 2016.
[3] Par exemple, dans les campagnes roumaines, l’apparition d’un mort vivant qui vient tourmenter ses proches est souvent considérée comme légitime. Elle témoigne de ce que ceux qui avaient le devoir de pratiquer les rituels pour que le mort soit « pacifié » et accepte de quitter notre monde pour rejoindre l’au-delà ont manqué de le faire. Le vampire est donc celui que les vivants ont abandonné. Dès lors, soit on donne au vampire ce qu’il veut, qu’il signale souvent par l’intermédiaire du rêve ; soit on le « tue » en mutilant son cadavre.
[4] Merci à Marianne Mesnil pour m’avoir fourni ces informations.
[5] Cité par Mark Neocleous, « The Political Economy of the Dead : Marx’s Vampires », History of Political Thought, Vol. XXXIV, n°4, hiver 2003, page 673.
[6] Neocleous (pages 669-671) donne un rapide aperçu de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la métaphore du vampire dans l’ensemble de l’œuvre de Marx (mais aussi d’Engels), en-deçà aussi qu’au-delà du Capital, depuis La situation de la classe ouvrière en Angleterre (1845) et La Sainte Famille (1845) jusqu’à La guerre civile en France (1871). Je m’en tiendrai cependant à ses seules occurrences dans Le Capital et les œuvres annexes, en considérant tout comme Neocleous que c’est dans le contexte de la critique de l’économie politique que la métaphore marxienne prend tout sens et toute sa puissance. Cependant, outre qu’il ne saisit que le premier des deux mouvements qui caractérisent le vampirisme capitaliste dans sa relation au travail, Neoclous se tient à ce seul contexte et ne tente pas de prolonger cette métaphore en direction de la thématique et de la problématique écologiques comme je tenterai de le faire pour ma part dans la seconde moitié de cet article. S’il échappe au premier reproche, Amedeo Policante n’évite pas le second dans « Vampires of Capital : Gothic Reflections between Horror and Hope », Cultural Logic : An Electronic Journal of Marxist Theory, 2010.
[7] Neocleous dit que « Marx enjoyed reading horror stories » (Marx adorait lire des histoires d’horreur) (page 673) mais il ne donne aucune indication précise à ce sujet.
[8] Je me réfère à la traduction française de la quatrième édition allemande du Livre I du Capital, publiée sous la responsabilité de Jean-Pierre Lefebvre, Paris, Presses universitaires de France, collection Quadrige, 1993. Sauf indications contraires, toutes les citations suivantes de ce Livre sont tirées de cette édition.
[9] Une rapide recherche lexicographique ne m’a permis de repérer qu’une occurrence du mot vampire dans les Grundrisse (cf. Manuscrits de 1857-1858 (« Grundrisse »), Paris, Editions Sociales, 2011, page 606), même si différents passages développent implicitement la métaphore vampirique. Il n’y en a apparemment aucune dans les Manuscrits de 1861-1863, dont les cinq premiers cahiers contiennent pourtant un exposé déjà très méthodique du procès de production capitaliste, en constituant ainsi plus qu’une ébauche du Livre I du Capital. De même n’en ai-je pas trouvé trace dans les Livre II et III.
[10] Quand il est question ici de travail, il est entendu qu’il s’agit toujours, comme je l’ai mentionné plus haut, de travail socialement nécessaire. Par ailleurs, je ne peux pas revenir ici sur les différents éléments qui singularisent la valeur de la force de travail, ni plus largement sur tous les facteurs intervenant dans la (re)production de cette force que cette valeur n’intègre pas, du moins immédiatement.
[11] Pour désigner ce processus, Marx emploie alternativement trois termes : celui de Unterordnung (subordination, soumission), quelquefois remplacé par celui de Unterwerfung qui en est un quasi synonyme, celui de Subsumtion (subsomption) et celui de Aneignung (acquisition, appropriation). Bien que ce dernier soit le moins fréquent des trois, c’est celui que je retiendrai prioritairement. Le premier, qui fait partie du registre administratif et militaire, indique qu’il s’agit pour le capital de parfaire sa maîtrise du procès de travail et, bien évidemment, des travailleurs. Le deuxième, qui est emprunté à la logique et sert à désigner l’inclusion du particulier dans le général, marque qu’il s’agit de soumettre les particularités de tout procès de travail à la généralité (l’uniformité) du procès de valorisation du capital. Le troisième met au contraire l’accent non pas tant sur la prise de possession de ce procès par le capital que sur sa transformation de sorte à le rendre propre à la nature et aux exigences du capital : à en faire un procès le plus parfaitement approprié au capital, c’est-à-dire conforme ou adéquat à sa nature de valeur en procès. C’est cette idée que j’entends développer ici.
[12] Dans un passage des Grundrisse, Marx a même pu anticiper sur un quatrième moment, celui de l’automation, qui ne s’est pourtant développé qu’au cours de ces toutes dernières décennies. Cette anticipation a été possible parce que ce quatrième moment de l’appropriation réelle du procès de travail par le capital ne fait que poursuivre la logique inhérente au développement des trois moments précédents. Cf. Manuscrits de 1857-1858 (« Grundrisse »), op. cit., pages 650-670. Je serai donc amené à m’y référer aussi.
[13] Je me réfère à l’analyse détaillée que j’en ai proposée dans le chapitre V de La reproduction du capital, Lausanne, Page 2, 2001. J’en reprends ici quelques-uns seulement des principaux résultats. L’ouvrage est disponible en ligne aux adresses suivantes : http://classiques.uqac.ca/contemporains/bihr_alain/reproduction_du_capital_t1/reproduction_du_capital_t1.html et http://classiques.uqac.ca/contemporains/bihr_alain/reproduction_du_capital_t2/reproduction_du_capital_t2.html
[14] La formule se trouve dans la traduction française de la seconde édition allemande du Livre I du Capital, traduction revue par Marx lui-même ; cf. Le Capital, Paris, Editions Sociales, 1948, tome II, page 35. Elle n’a pas été reprise dans la quatrième édition allemande dont la traduction a été citée jusqu’à présent.
[15] Grundrisse, op. cit., page 652.
[16] Id., page 653.
[17] Id., page 656. Marx pointe ici l’une des contradictions fondamentales du capital : celle entre sa tendance à se valoriser en réduisant sans cesse la part du travail vivant dans le procès de production, alors que sa valorisation exige au contraire son échange constant avec la force de travail, son absorption continuelle de travail vivant, puisque seul ce dernier peut conserver et accroître la valeur antérieurement accumulée.
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