Un an plus tard, nous pouvons d’abord constater la justesse du signal d’alarme du CTI. Le prix du baril de pétrole a chuté de la moitié de sa valeur, pliant sous une augmentation de la production de pétrole de schiste américain combiné à une faible demande mondiale.
À cela il faut ajouter que le pétrole le plus cher à exploiter de par le monde est aussi celui ayant la plus faible valeur marchande et ceci, en raison de la présence d’un goulot d’étranglement qui empêche sa sortie de l’Alberta. Aucun des projets de pipelines envisagés que sont Keystone, Northern Gateway et Énergie Est n’ont obtenu d’approbation. Et malgré une croissance exponentielle, le transport par train ne permet d’exporter qu’une quantité limitée d’hydrocarbure.
Dans ce contexte, le rendement des compagnies exploitant les sables bitumineux a été grandement affecté. Prenons en exemple les deux plus importants placements de la Caisse : Suncor (734 millions $) et Exxon (682 millions $). Depuis la même date l’an dernier, ces placements ont respectivement chuté de 14 % et 16 %, malgré un dividende versé de 3 % et 3,4 %. Quant à l’index qui regroupe tous les placements dans les sables bitumineux à la bourse de Toronto, et ce, au prorata des actions sur ce marché (l’index Oil Sands ETF), on remarque qu’il présente une chute de 35% de sa valeur, avec un dividende livré aux actionnaires de 1,5 %.
Les projets d’exploitation des sables bitumineux ont été construits et financés sur la base de projections d’un prix du baril demeurant élevé à long terme. Avec la baisse du prix du pétrole, la moitié des plates-formes de forage ont été fermées aux États-Unis. Or, celles-ci peuvent être remises en service aussi rapidement qu’elles ont été arrêtées. En cas de hausse de la demande, un rééquilibrage de l’offre aura lieu. Celui-ci ne permettra plus d’avoir des prix dans les trois chiffres.
Quant à la demande, notons que celle-ci était en baisse aux États-Unis et en Europe dans les dix dernières années. Les ententes en place limitant les émissions renforceront cette tendance dans les années à venir. Du côté de l’Asie, la hausse soutenue de la consommation ne s’est pas concrétisée en raison de la croissance de son économie qui s’est essoufflée et des mesures mises en place pour contrer les problèmes de pollution atmosphérique. Des économistes réputés tels que Jeff Rubin s’attendent à ce que l’Asie emboîte le pas à l’occident et présente bientôt une baisse de la demande. Ces tendances pourraient enfin s’accélérer avec la migration vers l’électrification des transports et l’ajout d’ententes limitant les émissions de CO2.
L’année dernière, nous soulevions le risque des placements dans les sables bitumineux advenant une baisse du prix du pétrole. Aujourd’hui, nous entrevoyons que le cours des actions des compagnies pétrolières pourrait très bien suivre celui des compagnies de charbon. Dans les deux cas, les attentes envers une demande croissante en combustible ainsi que des prix élevés se sont avérées erronées. Le pétrole atteindra bientôt lui aussi son pic de consommation et nous ferons ensuite face à une baisse mondiale de la demande.
À l’image des compagnies de charbon, l’action des Suncor, Exxon et autres compagnies exploitant les sables bitumineux pourrait très bien continuer de baisser et ne valoir plus qu’une fraction de sa valeur actuelle dans cinq ans. Il serait triste que les élus et administrateurs de la Caisse se cachent ces réalités et nous fassent faire les frais de ce pari perdant.