Lors de son allocution pour l’annonce, François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada, ainsi que des représentants de Westinghouse, ont déclaré que la technologie qui sera développée, le réacteur e-Vinci de la Westinghouse Electric Company, conviendra aux communautés autochtones éloignées qui utilisent actuellement l’énergie diesel.
Cependant, la recherche a démontré que les petits réacteurs nucléaires modulaires comme celui que propose Westinghouse ne sont pas la solution énergétique pour les communautés éloignées. Les chercheurs - Froese, Kunz et Ramana (2020) - ont conclu que les aspects économiques des SMR ne sont pas compétitifs par rapport aux autres solutions. Le coût de l’électricité produite par les SMR s’est avéré beaucoup plus élevé que le coût de l’énergie éolienne ou solaire, ou même de l’alimentation en diesel actuellement utilisée dans la majorité de ces communautés.
Bon nombre de ces communautés éloignées qui utilisent actuellement l’énergie diesel sont des Premières Nations. En décembre 2018, l’Assemblée des chefs des Premières Nations a adopté la résolution 62/2018, exigeant que l’industrie nucléaire abandonne ses projets d’exploitation de petits réacteurs nucléaires modulaires en Ontario et ailleurs au Canada, et exigeant que le gouvernement du Canada cesse de financer et de soutenir le programme des petits réacteurs nucléaires modulaires.
D’autres communautés autochtones, dont les Chiefs of Ontario, ont adopté des résolutions s’opposant au financement et au déploiement des SMR.
Les groupes d’intérêt public et les groupes autochtones de tout le Canada affirment que le financement des SMR détournera des fonds essentiels des projets d’énergie renouvelable qui sont sûrs, éprouvés et évolutifs maintenant - ce qui est essentiel si le Canada veut atteindre son objectif climatique de réduction des émissions de 40 à 45 % d’ici 2030. Il est impossible qu’un SMR soit développé au Canada à cette date.
Cette annonce de financement survient dans la foulée du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui est sans équivoque : le changement climatique est une menace pour le bien-être humain et la santé planétaire. En raison de l’urgence de la crise climatique, le Canada doit donner la priorité aux solutions économiques et rapides à déployer - les petits réacteurs nucléaires modulaires ne répondent pas à ces deux critères.
À ce jour, plus de 120 organisations d’intérêt public, autochtones et de la société civile d’un océan à l’autre ont approuvé une déclaration publique contre le financement fédéral de nouveaux réacteurs nucléaires, soulignant que la nouvelle énergie nucléaire est trop lente pour répondre à la crise climatique, et que les alternatives renouvelables offrent plus d’emplois, des voies plus rapides vers un bilan net zéro, et évitent les préoccupations liées à la prolifération des armes.
Les SMR sont de nouvelles versions non testées et non éprouvées d’anciens modèles de réacteurs, produisant entre 1 et 300 MW d’électricité. Bien que les vendeurs prétendent que leurs conceptions seront plus propres et plus sûres, elles produiront toujours des déchets radioactifs à longue durée de vie et nécessiteront une protection contre la responsabilité du gouvernement fédéral et des contribuables canadiens en cas d’accident.
Des recommandations similaires visant à mettre fin au financement gouvernemental des projets SMR ont été formulées par la Coalition du budget vert (CBV), qui regroupe 23 grandes organisations canadiennes de protection de l’environnement et de la nature. Dans leurs recommandations budgétaires pour 2022, ils demandent au gouvernement fédéral "d’éliminer le financement des petits réacteurs nucléaires modulaires et de réaffecter les investissements aux technologies renouvelables qui ont fait leurs preuves, qui sont socialement acceptables et qui peuvent être développées dès maintenant".
CITATIONS
– M. V. Ramana, École de politique publique et des affaires mondiales, Université de la Colombie-Britannique
"L’industrie nucléaire fait la promotion d’un fantasme nucléaire pour attirer le soutien politique tout en purgeant les échecs passés - comme les dépassements de coûts et les retards de projets - du débat public. Avant que le Canada n’investisse des fonds publics dans cette technologie encore à développer, il doit évaluer pleinement les coûts des dépenses nucléaires et les responsabilités associées à la construction, à la surveillance et au gaspillage de cette nouvelle technologie."
– Kerrie Blaise, conseillère juridique des services du Nord, Association canadienne du droit de l’environnement.
"Le financement de nouvelles technologies nucléaires est un mauvais investissement - une perte de temps et d’argent, qui retarde les véritables actions en faveur du climat. Les Canadiens veulent une énergie abordable qui ne pollue pas l’environnement. Pourquoi investir dans des technologies non éprouvées qui, si elles fonctionnent un jour, coûteront deux à cinq fois plus cher que la construction d’énergies renouvelables éprouvées ? Les dirigeants autochtones de tout le pays s’opposent à la construction de réacteurs nucléaires ou au stockage de déchets nucléaires sur leurs territoires parce qu’ils contiennent des poisons radioactifs "éternels"."
– Prof. Susan O’Donnell, Coalition pour le développement énergétique responsable (CRED-NB) au Nouveau-Brunswick
"Des études ont montré que l’électricité produite par les petits réacteurs modulaires sera plus chère que celle produite par les grandes centrales nucléaires, qui ne sont elles-mêmes pas compétitives sur les marchés de l’électricité actuels. Il n’y a pas de marché viable pour les petits réacteurs modulaires, et même la construction d’usines pour fabriquer ces réacteurs ne serait pas un bon investissement financier."
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