Édition du 19 novembre 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Le déficit zéro est un leurre

À un moment donné, il faut nommer les choses telles qu’elles sont. Le déficit zéro, ce n’est pas un objectif du gouvernement. Si c’était son objectif, il agirait de façon beaucoup plus cohérente et il se serait arrêté bien avant dans ses attaques répétées contre les services publics. Comme je l’expliquais dans un billet précédent (1), non seulement nous avons atteint le déficit zéro, mais nous avons aussi d’importants surplus.

Pourtant, la valse des compressions ne s’est pas arrêtée. Elle n’a même pas ralenti. Nous étions sur une valse à trois temps, nous voilà désormais dans une valse à cinq temps ! Au fait, si ce n’est pas pour atteindre le déficit zéro, pourquoi coupe-t-on ?

La quatrième révolution : réingénierie 2.0

La réponse se trouve peut-être dans un petit livre qui se trouve à être le livre de chevet de Philippe Couillard : The Fourth Revolution – The Global Race to Reinvent the State. Dans cette véritable bible néolibérale, les auteurs postulent l’inévitabilité de réduire la taille de l’État. Émules de Thatcher, Reagan et consorts, pour eux, les États sont devenus obèses, inutiles et incapables de gérer correctement les fonds publics, offrant trop de programmes sociaux et imposant trop de règlements aux industries. Bref, le genre de livre qui doit avoir une place de choix dans la bibliothèque de l’Institut économique de Montréal et de l’Institut Fraser.

Dans ce livre qui glorifie certains régimes, disons autoritaires, comme Taïwan ou Hong-Kong, il n’y a aucune mention de la question de l’évitement ou de l’évasion fiscale, des opérations de sauvetage des grandes banques, des coûts environnementaux énormes découlant de l’attitude cavalière de l’industrie extractive, etc.

La complexité du monde réel semble échapper à ces auteurs et à leurs disciples. La seule chose qui compte pour eux, c’est de réduire la taille de l’État, et s’il y a des dommages collatéraux, ils n’y peuvent rien.

La vision (néo) libérale

En regardant le bilan du gouvernement libéral à travers le prisme du néolibéralisme, nous comprenons mieux les motivations qui sous-tendent son action. L’obsession du déficit zéro n’apparaît plus alors comme un objectif, mais bien comme une excuse pratique pour atteindre le véritable objectif : la réduction massive des pouvoirs et du rôle de l’État dans l’organisation de la société.

Investir des sommes importantes dans le Fonds des générations pour cacher les surplus budgétaires devient alors une manœuvre astucieuse pour maintenir l’État québécois dans la précarité et justifier la disparition de pans entiers de nos outils collectifs.

Les services de garde : l’exemple parfait

Les actions du gouvernement à l’endroit de notre réseau public de services de garde sont une bonne illustration des effets néfastes de cette obsession idéologique. La facilitation de l’émergence d’un vaste réseau privé, la modulation des tarifs pour les services de garde subventionnés, les nouvelles compressions budgétaires imposées aux CPE, tout cela participe à la disparition d’un réseau qui a fait ses preuves au profit d’un réseau privé qui a fait le contraire (http://www.protegez-vous.ca/loisirs-et-famille/garderies-privees.html). S’il y avait un manuel d’implantation de politiques néolibérales, ce serait l’étude de cas parfaite.

Le néolibéralisme, une idéologie dépassée

Il faudra un jour que le gouvernement libéral arrive au 21e siècle. Même le Fonds monétaire international critique ouvertement le néolibéralisme et les effets néfastes de l’obsession de la réduction de la dette publique qui sert de prétexte à la mise en œuvre de cette idéologie.

L’obsession des libéraux pour l’idéologie néolibérale nous mène droit dans un mur. Nous ne pouvons qu’espérer que le premier ministre change de livre de chevet et s’attarde plutôt à construire un Québec prospère et plus juste pour tous les Québécois et Québécoises.

1- http://www.louisechabot.ca/2016/05/25/tout-un-cadeau-danniversaire/

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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