Cette frange du parti qui souhaitait ressusciter le spectre de Ronald Reagan est déçue par la tangente que prend actuellement le parti et tente par tous les moyens d’organiser un « retour aux sources » en dénonçant vertement Trump. Or, cette « vielle garde » n’a plus d’emprise sur les instances républicaines. Elle fut délogée par une frange issue du Tea Party qui veut réorienter le Parti républicain vers le libertarianisme et l’intégrisme chrétien. Sa grande popularité tient notamment de son opposition farouche à Obama et ses velléités sociale-démocrates. Ses figures les plus importantes (Paul Ryan, Mike Pence et Ted Cruz), toutes élues avec l’argent et la mobilisation du Tea Party, représentent désormais la « nouvelle garde » du Parti républicain. Ce changement de garde soulève plusieurs débats et des luttes de pouvoirs féroces afin de conquérir le navire républicain, sans oublier certains donateurs d’envergure qui refusent de contribuer à la campagne de Trump.
Ce malaise déborde toutefois l’aversion générale envers Donald Trump. Il fait surgir les nombreux contradictions et antagonismes qui déchirent le Parti républicain, depuis plusieurs années. Nous sommes actuellement témoins d’un réalignement des forces capitalistes au sein du plus vieux parti conservateur des États-Unis. La « vieille garde » capitaliste du Parti - historiquement liés avec les banques, les industries et les institutions financières – s’est vue déclassée par un populisme néoconservateur incarné par Donald Trump. Cet antagonisme au sein du Parti républicain est le reflet d’un conflit social aux États-Unis : les citoyens de l’Amérique profonde sont furieux contre les élites néolibérales et exigent un retour au capitalisme américain « au service du peuple », comme le proposait Ronald Reagan dans les années 1980. Cette révolte contre l’agenda néolibéral de Wall Street est le résultat des nombreux coups encaissés par la classe ouvrière de l’Amérique profonde, depuis la crise de 2007. On retrouve une colère similaire dans le populisme de gauche qui a porté le sénateur Bernie Sanders. Contrairement à Sanders, Trump a galvanisé le ressentiment populaire avec des discours sensationnalistes voués à instrumentaliser le désespoir du prolétariat et de la classe moyenne des États-Unis. Il faut rappeler que cette colère envers la classe capitaliste est un élément essentiel du populisme – de gauche et de droite- qui traverse l’histoire des États-Unis, depuis leur fondation.
Avec la venue du Tea Party, un terrain fertile était disponible pour les populistes néoconservateurs : le désespoir de l’Amérique profonde. Le Tea Party a toujours voulu représenter le véhicule des frustrations du peuple américain et ceci explique en partie pourquoi il réclame une « deuxième révolution américaine ». Avant l’investiture de Trump, les financiers du Parti républicain s’accommodaient des « têtes brûlées » du Tea Party qui ruaient dans les brancards des congrès du Parti. Ces derniers représentaient des votes et leurs militants pouvaient contribuer à l’élection de sénateurs républicains. Or, à présent, cette même classe financière considère les anciens membres du Tea Party comme de sérieux obstacles à la conquête de la présidence. Les banquiers du Parti républicain avaient ouvertement appuyé la candidature de Jeb Bush et sont inquiets de voir Trump laisser entrer les néoconservateurs et les intégristes chrétiens dans les couloirs de la Maison-Blanche.
Ce n’est donc pas un hasard si les tenants de Wall Street sont désormais prêts à appuyer Clinton. Ils savent que cette dernière peut les récompenser pour leur appui et peuvent s’accommoder des mensonges progressistes de la candidate démocrate. Elle a toujours défendu leurs intérêts, tout en défendant ardemment l’impérialisme américain soutenu par les institutions financières. Durant le mandat présidentiel de son mari, elle avait assisté à la mise en place de la loi « Glass-Stiegel » vouée à déréguler les spéculations financières de Wall Street. Elle avait pris des contrats des boîtes de communications de Wall Street pour défendre la politique de son mari.
Trump est devenu l’« ennemi numéro un » des banquiers du Parti républicain. Il suscite la haine des populistes à l’égard de Wall Street et donne une voix par le fait même aux laissés-pour-compte, même si cela tient du pur stratagème électoral. La critique de Trump à l’endroit des accords de libre-échange et du néolibéralisme qui compromettent, selon lui, l’hégémonie militaro-économique des États-Unis. Dans les faits, Hilary Clinton représente le « point de jonction » entre la droite modérée républicaine et la droite démocrate. Les Clinton ont fait leur preuve et sont devenus des complices invétérés de Wall Street. Ce « retour du balancier » a pu s’observer dans la récente convention démocrate truquée où Bernie Sanders a été déclassé à l’aide de méthodes questionnables par l’establishment du Parti démocrate.
Clinton est la candidate du capital américain et ceci représente l’enjeu principal de cette campagne. Qui d’autre pourrait mieux défendre l’impérialisme américain, particulièrement dans cette période de restructuration du Nouvel Ordre mondial.