Édition du 19 novembre 2024

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Le bras droit de Samaras penche à l’extrême droite

Une vidéo a mis le monde politique grec sens dessus dessous en divulguant les rapports fraternels entre Ilias Kassidiaris, porte-parole du parti néo-nazi Aube Dorée, et Panagiotis Baltakos, secrétaire général du gouvernement et bras droit du premier ministre.

(tiré du site la Gauche hebdo)

Pour s’opposer au projet de priver d’immunité parlementaire les députés d’Aube Dorée, Ilias Kassidiaris, inculpé lui-même de plusieurs crimes et sous contrôle judiciaire, a présenté en plénière du Parlement la vidéo tournée au moyen d’une caméra cachée au bureau de Panagiotis Baltakos. Estomaqués, ou faisant semblant de l’être, les députés ont pu voir le bras droit de leur premier ministre en train de causer en vieil ami avec le militant nazi. Ils ont pu entendre le secrétaire du gouvernement se justifier auprès du député d’Aube Dorée, dont des membres ont été placés en détention préventive : il n’a pu obtenir leur libération, parce qu’il y a trop d’indices de leur implication dans des crimes. Les deux s’accordent pour soutenir que les ministres de la Justice et de l’Ordre public auraient convaincu la procureure de la Cour suprême de poursuivre pénalement les députés d’Aube Dorée, ceci dans le but de débarrasser Antonis Samaras d’un rival politique lors des prochaines élections. La procureure se défend d’avoir obéi à un diktat politique quelconque et affirme avoir agi en se fondant sur la loi et les preuves.

Le scandale a discrédité le premier ministre à l’intérieur de son parti Nouvelle Démocratie et ce dernier face à son partenaire gouvernemental social-démocrate Pasok. Samaras avait commencé à faire de la politique sous les bannières de la Nouvelle Démocratie. Les fidèles du parti, qui jugeaient l’équipe en place trop consensuelle, apprécièrent cet élément plus dur et renouvelèrent régulièrement son mandat de député. En 1990 il se vit confier le ministère des Affaires étrangères, mais ses prises de position par trop nationalistes lors de l’éclatement de la Yougoslavie lui valurent d’être renvoyé du gouvernement. Ulcéré, il fonda avec d’autres dissidents en 1993 le « Printemps politique ». La création de ce parti nationaliste et conservateur lui permit d’approcher des gens partageant les mêmes idées. En 1997 fut créé le « Réseau 21 », un think tank qui devait ramener les Hellènes « aux meilleures traditions de la grécitude » et à « l’exemple spirituel de l’Eglise orthodoxe ».

L’un des nouveaux amis politiques de Samaras fut Georges Karatzaferis. Cet autre dissident de la Nouvelle Démocratie fonda en 2000 le parti Alerte populaire orthodoxe (LAOS), proche du clergé et de l’armée. En ancien sympathisant de la junte militaire, Karatzaferis avait milité pour l’amnistie des putschistes emprisonnés. Il se targue par ailleurs de n’être « ni juif, ni communiste et encore moins homosexuel ». Malgré leurs différences, il aurait pu devenir un concurrent pour Samaras, mais le « Printemps politique » de ce dernier n’eut qu’une existence éphémère. Elle prit fin en 2004, quand Samaras réintégra la Nouvelle Démocratie, qui lui offrait de meilleures perspectives de carrière politique. Et en effet, en 2009, il fut élu à la tête de la Nouvelle Démocratie et depuis 2012 il préside le gouvernement. En « sauveur » de la Grèce, il acquiesce à chaque coupe budgétaire dictée par la troïka. Karatzaferis participa au gouvernement de transition de Papadémos (2011-2012), qui avait initié les mesures d’austérité. Ce choix politique à courte vue se solda par la perte de son électorat, qui se déplaça vers l’Aube Dorée. Lors des élections de 2012, celle-ci obtint 18 sièges au parlement, tandis que le LAOS ne réussit pas à atteindre le quorum de 3% et ne siège plus au Parlement. Certains de ses cadres rejoignirent la Nouvelle Démocratie, les uns de plein gré, d’autres après avoir été exclus par la direction du LAOS. D’autres encore, à l’instar de Makis Voridis (porte-parole gouvernemental) et Adonis Georgiadis (actuellement sinistre ministre de la Santé), furent invités par Samaras à participer au gouvernement.

La causette entre le porte-parole d’Aube Dorée et le secrétaire général du gouvernement a révélé aux Grecs que l’extrême droite les gouverne déjà. Ils sont choqués par l’attitude de Samaras qui, au lieu de renvoyer sans tarder de son gouvernement celui qui l’accuse d’avoir téléguidé la justice, se contente d’accepter la démission de son secrétaire général et lui prépare son futur emploi. Va-t-il le mettre sur la liste électorale pour le Parlement européen ? Comme le dit très bien Alexis Tsipras, le problème n’est pas la vidéo et Baltakos, mais le premier ministre Samaras.

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