Édition du 17 décembre 2024

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Le Sommet de l'OTAN à Lisbonne consacre le militarisme du XXIe siècle

Une stratégie « pour le XXIe siècle adaptée aux nécessités et aux dangers de la nouvelle ère globale », qui consacre définitivement son rôle de bras armé de la globalisation capitaliste et de gendarme planétaire des intérêts des grandes puissances impérialistes, Etats-Unis en tête. L’occupation et la guerre en Afghanistan se poursuit avec des moyens renforcés.

Le Sommet de l’OTAN au Portugal, réunissant les chefs d’Etats des 28 pays membres, a adopté « une nouvelle stratégie de défense et de sécurité » (« OTAN 2020 ») pour cette organisation criminelle internationale. Une stratégie « pour le XXIe siècle adaptée aux nécessités et aux dangers de la nouvelle ère globale », qui consacre définitivement son rôle de bras armé de la globalisation capitaliste et de gendarme planétaire des intérêts des grandes puissances impérialistes, Etats-Unis en tête. L’occupation et la guerre en Afghanistan se poursuit avec des moyens renforcés. La prise de décision interne pour mener de nouvelles opérations et interventions militaires – sur base d’une définition de la « sécurité » pour le moins élastique - sera simplifiée pour être accélérée et de nouvelles bases militaires seront établies à travers le monde.

Du « péril rouge » à la « menace terroriste » : justifier la guerre permanente

Créée le 4 avril 1949, l’OTAN était alors une organisation politico-militaire dirigée contre l’URSS sur le sol européen. Après la chute du Mur de Berlin en novembre 1989, loin de se dissoudre, l’OTAN commence au contraire à étendre à la fois ses zones d’intervention et ses objectifs, qui vont de la défense des « approvisionnements en ressources vitales », à la lutte contre « la prolifération des armes de destruction massive » ou contre « le terrorisme ». L’OTAN intègre également peu à peu les anciens pays membres du Pacte de Varsovie, l’ancien glacis défensif de l’URSS, reculant ses frontières jusqu’aux portes d’une Russie qui se sent ainsi encerclée et menacée. A partir de 1995, elle intervient directement dans le conflit en ex-Yougoslavie et le 24 mars 1998, elle déclenche une campagne de bombardements intensifs contre la Serbie, sans mandat de l’ONU.

En avril, 1999, le 50e sommet de l’OTAN adopte son premier « concept stratégique pour le XXIe siècle », qui transforme l’organisation initialement à vocation régionale en organisation militaire globale. Le 12 septembre 2001, suite aux attentats à New York, est mis en oeuvre de l’Article 5 de la Charte de l’OTAN sur la « solidarité mutuelle entre Etats membres » et le 20 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU confie à l’OTAN la conduite des opérations militaires en Afghanistan, consacrant ainsi sa première opération militaire de grande ampleur « hors zone » et, cette fois-ci, sous mandat des Nations Unies.

Afghanistan : L’OTAN est le problème, pas la solution

L’Alliance s’embourbe dans un conflit qu’elle ne peut pas gagner et qui s’étend de plus en plus au Pakistan, constituant ainsi un foyer de déstabilisation permanente dans la région, justifiant ainsi en retour sa présence permanente, ce qui est bien son objectif. Mais en attendant, ce sont les populations civiles qui payent le prix fort de ce « Grand Jeu » pour le contrôle de la zone géostratégique essentielle de l’Asie Centrale et de ses ressources. Selon les Nations Unies, depuis 2001, plus de 10.000 Afghans sont morts à cause de la guerre, dont 2.400 rien qu’en 2009. Près de 300.000 personnes ont quitté leur pays depuis 2001, la grande majorité survivant dans des camps de fortune au Pakistan. Une infime partie de ces exilés tente sa chance en Europe, où ces mêmes gouvernements qui détruisent leur pays se refusent à leur accorder le droit d’asile.

En dépit des farces électorales, c’est l’occupation militaire internationale qui permet, seule, la survie du régime du président fantoche Amid Kharzaï. L’OTAN impose ainsi à la population un régime despotique, réactionnaire et corrompu et une économie libérale de marché qui a totalement échoué à réduire la misère. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la situation humanitaire a empiré depuis que les opérations de l’OTAN ont débutées : 61% de la population souffre de malnutrition chronique, 65% n’a pas l’accès à l’eau potable. Quant au droit des femmes, utilisé comme prétexte pour l’intervention militaire de 2001, leur situation s’est dégradée sous de nombreux aspects. Mais qui s’en soucie aujourd’hui ?

L’Alliance militaire déclare mettre tout en œuvre pour reconstruire un pays... qu’elle détruit activement par ailleurs. Mais le déséquilibre entre l’effort militaire et l’aide civile est béant : depuis 2001, 140 milliards de dollars ont été dépensés pour la guerre et seulement 7 milliards pour « l’aide civile »… et 40% de cette aide est consacrée à payer des entreprises capitalistes étatsuniennes et européennes, qui ont remporté ainsi de juteux contrats. La technique est désormais bien rodée, ces entreprises « reconstruisent » ce que l’OTAN, qu’elles suivent comme des charognards, a détruit. La décision, prise au Sommet de Lisbonne, de renforcer les capacités « civiles » de l’Alliance n’a pas d’autre but que d’institutionnaliser ce partage des rôles.

Fer de lance de la prolifération nucléaire et de la course aux armements

L’OTAN possède aujourd’hui 480 missiles nucléaires déployés dans 5 pays (dont la Belgique). Malgré l’opposition des populations concernées, elle relance activement la course aux armements nucléaires entre les grandes puissances, avec la construction d’un bouclier antimissile en Pologne et en Tchéquie qui coûtera la bagatelle de près de 800 millions d’euros.

Les dépenses militaires cumulées des membres de l’Alliance s’élevent quant à elles à plus de 1.000 milliards d’euros et, malgré la crise, ses 28 Etats membres se sont engagés à consacrer jusqu’à 2% de leur budget à leur machine de guerre. De plus, l’institutionnalisation du financement de l’OTAN implique que les budgets consacrés par les gouvernements des Etats membres à l’Alliance échappent à tout contrôle ou opposition des parlements nationaux.

L’Union Européenne complice

Tous les traités européens consacrent l’OTAN comme le cadre privilégié de la coopération militaire. Le Traité de Lisbonne affirme que l’OTAN « reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre ».

Les Etats européens avalisent le déploiement du système antimissile US en Pologne et en République Tchèque ainsi que l’élargissement géographique de l’OTAN ; ils acceptent que les définitions de ses missions soient toujours plus globalisées pour en faire l’instrument principal au service de la politique de domination économique, politique et militaire des USA et de leurs alliés. 25 des Etats membres de l’UE sur 27 ont envoyé des troupes en Afghanistan ; plus de la moitié des soldats étrangers présents sont européens... et parmi eux 600 militaires belges et plusieurs avions de combat « humanitaires ».

Revendiquer, comme le font la plupart des Partis Socialistes ou des partis Verts, la construction d’une « véritable politique de sécurité et de défense européenne », indépendante face à l’OTAN parce que cette dernière est dominée par les Etats-Unis, est donc absurde. En quoi l’impérialisme et le militarisme européens sont-ils plus « démocratiques », « humanitaires » et « acceptables » ? Il ne s’agit pas de défendre un bloc impérialiste contre un autre, mais bien de mobiliser contre l’OTAN, « l’Europe de la défense » et le militarisme qu’ils incarnent l’un et l’autre à la perfection.

Assez d’argent pour la guerre !

L’OTAN, on le voit, constitue une menace tangible pour la paix. C’est un instrument de domination profondément non démocratique et hors de tout contrôle des institutions parlementaires des pays membres. En Belgique, comme l’a dénoncé la CNAPD, le gouvernement « en affaires courantes » a refusé de soumettre à la discussion parlementaire le contenu de sa note préparatoire au Sommet de Lisbonne, dont les décisions seront pourtant lourdes de conséquences. Vous avez dit, démocratie ?

L’adoption du nouveau concept stratégique de l’OTAN intervient au moment où la crise du capitalisme accroît les tensions commerciales, sociales et guerrières dans le monde et la fuite en avant dans la course aux armements, pour le seul profit du complexe militaro-industriel. En 2009, 1.531 milliards de dollars ont été dépensés en armements dans le monde (+50% par rapport à 2000). Or, une infime partie de ces moyens suffirait à répondre aux besoins les plus criants. 15 milliards de dollars par an suffisent pour fournir de l’eau potable à tous les humains ; 20 milliards pour éradiquer la faim et la malnutrition et 12 milliards pour éduquer tous les enfants. La folie et l’irrationalité du capitalisme s’illustrent de manière particulièrement tragique dans ces quelques chiffres. Le combat contre la guerre et l’impérialisme est indissociable de la lutte contre un système capitaliste qui engendre ces crises, cette misère et ces injustices criminelles.

La dissolution de l’OTAN est plus que jamais un objectif nécessaire. La sécurité des peuples ne peut être assurée que par des réponses politiques et sociales ; elle doit se baser sur la solidarité, le respect des droits démocratiques les plus larges, sur la justice sociale et la satisfaction des besoins sociaux. Ce que le système actuel est bien incapable d’assurer – d’autant plus avec la crise et l’explosion de ses contradictions -, ce pourquoi il maintient et renforce un instrument aussi nuisible que l’OTAN.

Portugal : Les criminels de guerre sont accueillis à bras ouverts, les pacifistes sont refoulés

Le militarisme et les libertés démocratiques les plus élémentaires, comme le droit de se déplacer et de manifester, ne font pas bon ménage. Le gouvernement portugais l’a parfaitement démontré à Lisbonne en réprimant et en expulsant les activistes venus protester contre le Sommet de l’OTAN. Ayant provisoirement suspendu les Accords de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’UE, la police portugaise a refoulé au moins 150 activistes, dont un autobus venu de la lointaine Finlande, affrété par l’Union d’Objection de Conscience de ce pays, et un autre venu de Madrid, composé par nos camarades d’ « Izquierda Anticapitalista » (Gauche anticapitaliste) dans l’Etat espagnol et par l’organisation « Ecologistas en Accion ».

D’autres activistes, venus de France ou d’Italie, ont été refoulés et expulsés dès leur arrivée à l’aéroport de Lisbonne, la police ayant trouvé des tracts ou des appels contre l’OTAN dans leurs bagages... En outre, plusieurs blogs et pages Facebook appelant aux mobilisations contre l’OTAN ont été censurés.

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