Un débordement de respectabilité de la part des responsables politiques contre le courage têtu de manifestantes aux seins nus à Paris en ce dimanche 11 novembre, voilà ce qui résume le mieux la commémoration de l’Armistice de 1918.

Sous les discours convenus au sujet de l’absurdité de ce conflit ayant supposément abouti à la victoire de la démocratie, les querelles politiques et commerciales présentes ont affleuré crument, et même avec une certaine mesquinerie, ce qui déjà insultait à la mémoire des morts et des mortes de cette boucherie initiale à grande échelle du vingtième siècle.

On n’échappe pas à son époque en effet, les conflits majeurs du passé mettant en relief ses contradictions, ses antagonismes... et ses principaux acteurs.

On nous a servi à cette occasion une resucée de l’affrontement entre deux tendances dominantes qui divisent les « maîtres du monde » (Union européenne et États-Unis) : d’une part les partisans et partisanes de la mondialisation rétrolibérale comme Emmanuel Macron et Angela Merckel, d’autre part le clan des nationalistes néoconservateurs représenté par un Donald Trump renfrogné.

Le discours du président français, avec sa distinction spécieuse entre nationalisme et patriotisme a ennuyé son homologue américain, et pour cause !

La chancelière allemande Merckel, plutôt du côté de Macron sur la question du multilatéralisme commercial n’a pas dit grand chose de significatif vu que sa position en Allemagne même est compromise par la contestation de l’orientation commerciale et économique qu’elle défend, tant par la droite que par la gauche. L’immigration massive qu’absorbe son pays contribue à l’impopularité qui l’afflige. L’Italie, elle,est gouvernée par une coalition gauche-droite bancale mais hostile à l’austérité budgétaire prônée par les eurotechnocrates de Bruxelles.

Tous ces gens lotionnés et vêtus avec une élégance de circonstance ont imposé aux populations le spectacle de leurs divisions et donc de leur incapacité à résoudre les problèmes économiques aigus qui, à terme, menacent peut-être la démocratie elle-même. Sans trop s’en apercevoir, ils ont adopté une attitude similaire à celle de leurs lointains prédécesseurs de la Conférence de Versailles de 1919, laquelle a imposé à l’Allemagne vaincue un traité dur, injuste et incomplet en lui attribuant unilatéralement la responsabilité du déclenchement du conflit en août 1914.

Ce règlement intransigeant et trop partial a beaucoup contribué à paver la voie au second conflit mondial à peine vingt ans plus tard, avec les conséquences que l’on sait...

Paradoxalement, seules des manifestantes aux seins nus (les femen), dont une au moins est parvenue à se glisser devant le convoi de Donald Trump ont apporté une touche d’authenticité et d’honnêteté à ce remuement de beaux habits aux discours si conventionnels qu’ils font figure de radotage. Elles ont dénoncé avec vigueur et pertinence les contradictions flagrantes entre l’étalage des bonnes intentions des figures de proue officielles de la cérémonie et leurs politiques réelles sur le terrain.

Leur nudité provocatrice et pacifique a d’autant mieux fait ressortir l’immoralité politique des bien-pensants, surreprésentés à l’occasion de cette cérémonie officielle, comme on pouvait s’y attendre.

Érigera-t-on une statue à la mémoire de ces activistes courageuses en 2118 ? Et à celle de toutes les victimes des conflits actuels ?

Jean-François Delisle