Plus précisément, le RVHQ demande que tous les travaux de forage et de fracturation, dès l’étape de l’exploration ou des projets-pilotes, soient reconnus comme étant des activités à risque élevé et soient donc assujettis à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, passage obligé pour la tenue d’une enquête et d’audiences publiques par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Le RVHQ souligne aussi la nécessité d’élargir considérablement l’éventail des travaux assujettis à la procédure en ce qui concerne les oléoducs et gazoducs. Des groupes membres du RVHQ et des citoyens ont également transmis au MDDELCC des revendications allant dans le même sens. (Voir à la suite de ce communiqué les liens vers les lettres de commentaires dont nous avons obtenu copie.)
Forages et fracturation : des risques aussi élevés à l’étape de l’exploration et des projets-pilotes qu’à l’étape de la production
En assujettissant les projets de production d’hydrocarbures à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, le Ministère reconnait, à juste titre, que les activités de forage et de stimulation des puits, y compris la fracturation, font partie des activités « à risques élevés ». « Rien ne saurait justifier que des activités identiques, réalisées à l’étape de l’exploration, soient considérées comme étant moins risquées », souligne le RVHQ.
Dans sa lettre au ministère, la citoyenne Christiane Poulin exprime la même idée avec l’accent du fait vécu :
« J’habite St-Antoine-sur-Richelieu et en 2008 la compagnie Junex est venue forer un puits EXPLORATOIRE dans le but d’évaluer le potentiel de gaz de schiste sur notre territoire. Durant 4 longs mois, les citoyens ont vécu un grand dérangement :
– Forage à 50 mètres d’une habitation
– Tour de forage d’une quarantaine de pieds éclairée jour et nuit.
– Bruits incessants de tuyaux qui s’enfoncent (la compagnie a foré à 1475 mètres de profondeur)
– Utilisation d’une grande quantité d’eau
– Aucun bassin de décantation, où va l’eau contaminée ?
– Va et vient de camions jour et nuit
– Vibration de nos solages avec la circulation des camions lourds
– Odeur de diesel
– Difficulté à dormir, stress, inquiétude, agressivité de certains citoyens, sentiment d’impuissance.
Après le démantèlement des équipements, sont restés une tête de puits qui se dégrade lentement et qui a laissé échapper du méthane, un terrain non restauré qui n’a plus de valeur de revente pour l’agriculteur propriétaire, une compagnie qui nous dit qu’elle viendra fermer le puits et dont on n’entend plus parler et des citoyens inquiets de l’avenir, bref une municipalité qui a perdu son visage et sa quiétude d’avant.
Alors compte tenu des dégâts engendrés à l’environnement et à la vie des citoyens par l’EXPLORATION pétrolière je crois qu’il est donc primordial dans votre projet de règlement d’inclure la phase EXPLORATOIRE comme étant tout aussi importante que l’exploitation elle-même et qui entraine les mêmes risques pour l’environnement. »
Par ailleurs, remarque le RVHQ, les projets d’exploration soulèvent des enjeux majeurs d’acceptabilité sociale, comme l’a confirmé le sondage réalisé l’automne dernier dans la MRC de La Côte-de-Gaspé. En effet, « Près de huit répondants sur dix (79,9 %) estiment qu’une évaluation des impacts environnementaux par le BAPE devrait se faire avant ou lors de la phase exploration des projets, alors que seulement 16,2 % pensent que le BAPE devrait intervenir après l’exploration au moment où les potentiels sont confirmés. »
Les projets pilotes de production d’hydrocarbures devraient aussi être expressément nommés dans la liste des projets assujettis à la procédure, estiment le RVHQ et ses groupes de la région de Lotbinière et Bécancour, où Questerre a annoncé son souhait d’enfin déployer le projet pilote planifié depuis 2010 avec Énergir (Gaz Métro), tel que décrit dans le mémoire déposé par Gaz Métro au BAPE en 2010. Comme l’indique le Comité vigilance hydrocarbures de la MRC de Lotbinière dans sa lettre de commentaires :
« En vertu de ce projet pilote d’extraction de gaz de schiste, que le promoteur affuble du nom risible de « gaz propre », Questerre fracturerait notre sous-sol et Énergir (Gaz Métro) construirait un pipeline de 28 kilomètres traversant entre autres la Forêt seigneuriale Joly de Lotbinière pour l’acheminer vers les réservoirs de sa filiale Intragaz à Saint-Flavien. La population de la MRC de Lotbinière n’a jamais consenti à ce projet et il serait inadmissible qu’elle n’ait pas l’occasion de s’exprimer sur son acceptabilité (sa non-acceptabilité) au moyen d’audiences publiques du BAPE. »
Oléoducs et gazoducs : tous les projets de construction, d’inversion, de conversion, de réfection ou d’agrandissement doivent être soumis à une étude d’impacts
Tel que rédigé, le projet de règlement n’assujettit à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement que les très gros projets de construction de pipelines, dans une nouvelle emprise. Le RVHQ demande pour sa part qu’à l’exception de travaux réellement marginaux, tous les projets de construction, de conversion, de réfection ou d’agrandissement d’un gazoduc ou d’un oléoduc, sur une emprise existante ou nouvelle, soient visés. « Tous ces projets ont pour but d’augmenter ou à tout le moins de maintenir la consommation (et donc la production) d’énergies fossiles, et présentent donc des risques élevés pour la population, les écosystèmes et le climat, alors même que le Québec s’emploie à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) », note le Regroupement dans sa lettre.
Le groupe Les Citoyens au courant de Vaudreuil-Soulanges, « qui se trouve à être comme un entonnoir pour le transport des hydrocarbures vers Montréal et ailleurs » avec ses quatre pipelines et les trains des marchandises concentrés dans un petit secteur, insiste pour sa part, dans sa lettre, sur la nécessité de mieux encadrer les projets d’inversion de flux :
« La première fois qu’Enbridge a inversé son flux sur le pipeline 9B, des tests hydrostatiques sur toute la longueur du pipeline ont été ordonnés par l’ONÉ avant l’inversion. L’ONÉ étant sous la pression de l’industrie n’a pas exigé la même chose lors de la dernière inversion, malgré les recommandations expertes. Nous avons besoin d’une loi provinciale qui prônera davantage la sécurité de ces projets d’inversion. »
Le groupe demande aussi des études d’impact pour les projets qui feraient augmenter de façon significative les volumes transportés dans un gazoduc ou un oléoduc, en citant à titre d’exemple le projet de construction de terminal pétrolier dans l’est de Montréal (CIAM), qui pourrait faire augmenter les produits pétroliers en circulation dans le pipeline Trans Nord, vieux de 65 ans.
Hausse du transport d’hydrocarbures par voie d’eau et par voie ferrée
Le RVHQ estime que tout ajout significatif, en une seule fois ou cumulatif, d’un transport récurrent de pétrole ou de gaz naturel, devrait être soumis à une évaluation environnementale et à des consultations publiques. Le fait que ces activités relèvent souvent du palier fédéral ne doit pas empêcher le Québec d’exercer ses compétences.
« Le MDDECC n’est pas vraiment en mesure de protéger la population, les écosystèmes et le climat sans assurer une veille des matières dangereuses qui circulent sur le territoire et les eaux du Québec », soutient le RVHQ dans sa lettre. Trois exemples évidents viennent à l’esprit : le pétrole transporté par train avait augmenté de 28 000 % en cinq ans au moment de la tragédie de Lac-Mégantic ; en septembre 2014, Suncor et Kildair ont commencé à utiliser le Saint-Laurent comme voie de transit du pétrole des sables bitumineux vers l’Europe sans que les impacts aient été évalués ni que la population québécoise ait eu son mot à dire ; si le projet de Chaleur Terminal à Belledune se réalisait au Nouveau-Brunswick, 220 wagons-citernes s’ajouteraient chaque jour dans la Vallée du Saint-Laurent et dans la vallée de la Matapédia.
Éviter que le morcellement des projets permette l’expansion de la filière gazière sans examen environnemental
En vertu du projet de règlement, les extensions prévues du réseau gazier d’Énergir (Gaz Métro) à Saint-Marc-des-Carrières, dans la MRC des Appalaches et dans la MRC de Beauce-Sartigan échapperaient aux études d’impact et aux consultations publiques. Or, ces extensions (et d’autres à venir ?) font partie d’un plan de développement important de la part d’Énergir, qui « aimerait » aussi établir des réseaux autonomes « un peu partout au Québec, là où il serait trop coûteux de prolonger le gazoduc ». « Le gaz serait transporté par camions de Montréal-Est (...), sous forme liquide. » [1]. Le RVHQ demande que le règlement soit modifié de manière à éviter qu’une transformation notable du portefeuille énergétique du Québec en faveur d’une énergie fossile puisse se produire sans que ce virage ait fait l’objet d’un examen des impacts sur l’environnement.
Attention aux milieux récepteurs fragiles ou ayant des capacités d’accueil limitées
En plus d’insister, elle aussi, sur la nécessité d’assujettir invariablement les forages exploratoires et la fracturation à la procédure d’évaluation environnementale, l’Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE) demande que les critères d’assujettissement de tous les types de projets incluent des facteurs de pondération qualitatifs tenant compte des particularités des milieux récepteurs fragiles ou ayant des capacités d’accueil limitées. Son excellente lettre de commentaires comprend des analyses fines des enjeux et plusieurs autres recommandations d’intérêt pour les Îles-de-la-Madeleine et pour l’ensemble du Québec.
Aucune complaisance à l’égard des projets liés aux hydrocarbures
« En cette époque où la crise climatique oblige les nations à juguler les émissions de carbone et où la protection de l’eau potable est un impératif incontournable, la réglementation québécoise doit éliminer toute complaisance à l’égard des projets liés aux hydrocarbures, conclut la lettre du RVHQ. La mobilisation en ce sens s’élargit et la place accordée à la représentation citoyenne dans l’espace public doit être valorisée. Sans un consentement éclairé et un oui explicite, c’est Non ! »
[1] Radio-Canada
Un message, un commentaire ?