« C’est l’équivalent pour les intervenantes sociales du temps supplémentaire obligatoire (TSO) qu’on impose aux infirmières des urgences des centres hospitaliers en pénurie de main-d’œuvre avec les mêmes conséquences d’épuisement et de congés de maladies à répétition sans oublier les démissions surprises ! » explique Marjolaine Goudreau, présidente du RÉCIFS, un organisme sans but lucratif qui représente les travailleuses et les techniciennes en travail social au Québec.
Une pénurie prévisible
Mme Goudreau poursuit : « Depuis plus de 10 ans, le ministère connaît la situation de la main-d’œuvre en travail social et le ministère n’a rien fait pour ajouter plus de places dans les universités et dans les cégeps ; il a tenu pendant de nombreuses années un comité conjoint avec les syndicats pour faire des prévisions sur la main d’œuvre, mais sans tenir compte de ses conclusions. C’est de l’aveuglement volontaire mais avec des risques importants pour une population vulnérable. »
La culture de la « gestion lean » est aussi dans la mire du RÉCIFS. Depuis que le ministère de la Santé et des Services sociaux a épousé cette forme de gestion, Mme Goudreau remarque que les pénuries de personnel se font de plus en plus nombreuses dans tous les programmes et dans toutes les régions du Québec. « J’aimerais que le ministère dévoile les vrais chiffres de ses listes d’attente dans des programmes comme la déficience intellectuelle (DI-TSA-DP), le soutien aux personnes en perte d’autonomie (SAPA) et la dépendance pour n’en nommer que trois. On ne parle plus en termes de mois mais d’années avant d’avoir un service décent. »
Qui assure la protection du public ?
Alors qu’on assiste à un véritable débat sur la qualité et la quantité de services sociaux offerts au Québec, le RÉCIFS se questionne sur la protection des enfants après que Québec ait encensé le rapport Laurent sur les changements à apporter à la direction de la protection de la jeunesse. « C’est bien de nommer plus de cadres responsables mais sans augmentation substantielle d’intervenants qualifiés, on se trouve encore dans une situation dangereuse comme celle vécue par la petite fille de Granby. Et ce n’est pas l’agence Santé Québec qui va changer la donne », termine Mme Goudreau.
Citations d’autres invités-es à la conférence de presse
– Christine Labrie, députée de Sherbrooke
« La situation est de plus en plus critique, et j’ai trois demandes à faire à la CAQ pour qu’on réussisse à régler la crise dans nos services sociaux.
1 - Augmenter la taille des cohortes dans les programmes de baccalauréat en service social et ajouter la technique en travail social à la liste des programmes admissibles à la bourse Perspective. C’est essentiel si on veut avoir assez de travailleurs sociaux pour répondre aux listes d’attente et réussir enfin à faire de la prévention.
2 - Reconnaître l’autonomie professionnelle des intervenants. Pour améliorer la rétention on doit abandonner les modes de gestion inspirés des usines et les laisser décider eux-mêmes du nombre de rencontres nécessaires pour soutenir un citoyen.
3 - Abandonner le recours aux agences dans les services sociaux. Le roulement de personnel que ça génère affecte la qualité des services offerts aux personnes vulnérables, qui doivent pouvoir compter sur un intervenant régulier. »
– Robert Comeau, président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
« Face à la pénurie de personnel, le gouvernement et le CIUSSS font encore une fois dans l’improvisation, sans écoute pour les préoccupations des intervenant·e·s qui tiennent les services à bout de bras. Comme professionnel·le·s, les intervenant·e·s ne sont pas simplement interchangeables parce qu’il·elle·s ont le même titre d’emploi ! Ces décisions de gestionnaires auront pourtant des conséquences importantes sur l’offre de services. Pire, ayant énoncé des réticences légitimes, certain·e·s de nos membres se sont fait menacer de recours pour insubordination ! L’APTS va être derrière les intervenant·e·s pour s’assurer qu’on respecte l’intérêt supérieur de l’enfant, mais aussi les droits des professionnel·le·s qui accompagnent tous les types de clientèle. Nous demandons au CIUSSS de l’Estrie – CHUS de revoir ses décisions et d’écouter les besoins et les préoccupations des travailleuses sociales. »
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