Tiré de Le point syndical. Illustration : Alain Pilon
« Il faut s’en tenir aux dépenses vraiment nécessaires » en procédant à des « analyses chirurgicales ». « Il n’y a aucune commande de réduction budgétaire », juste des « gestionnaires qui se sont aperçus qu’ils étaient en dépassement de budget. » Tel est le discours tenu tout l’été par les ministres de la CAQ, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, en tête.
Le dernier budget, déposé il y a six mois à peine, prévoyait tout un chapitre sur « l’optimisation de l’action de l’État et l’examen des dépenses gouvernementales » assorti de prévisions couvrant à peine l’augmentation des besoins. Déjà, la CSN notait que ce budget mettrait à mal les services publics, le gouvernement ayant choisi de se priver de plus de 2 milliards $ l’année précédente en offrant des baisses d’impôt qui ont surtout profité aux mieux nantis.
Or, loin des tapis feutrés de l’Assemblée nationale et des salles de presse, les conséquences de l’austérité frappent déjà. Depuis la fin de l’été, on découvre chaque jour une nouvelle coupe ou une nouvelle politique de restrictions dans nos services publics.
Le 24 octobre, Sonia LeBel a annoncé un gel de recrutement dans les ministères et dans plusieurs sociétés d’État, dont les services correctionnels et les organismes gouvernementaux. Dans les réseaux publics de la santé et des services sociaux, de l’éducation et de l’enseignement supérieur, cette politique vise le personnel administratif.
Dans les écoles primaires et secondaires, 400 millions $ ont été retranchés cette année du budget d’entretien, et ce, dans un contexte où de nombreux établissements nécessitent des travaux importants. Les programmes de francisation ont aussi subi le couperet gouvernemental, certains centres n’acceptant plus d’inscriptions cet automne.
Dans les cégeps, nombre de projets de rénovation et d’agrandissement ont été mis en suspens. La situation est si alarmante que les présidentes et les présidents des conseils d’administration des cégeps ont publié une lettre ouverte conjointe le 19 novembre pour exprimer leur inquiétude sur la mission même des cégeps, qui est en péril.
En novembre, la nouvelle PDG de Santé Québec tenait une tournée médiatique pour expliquer la toute première mission que lui a confiée le gouvernement : couper plus de 1,5 milliard $ cette année !
En Abitibi-Témiscamingue, le chat était sorti du sac en septembre lors du conseil d’administration du CISSS. La réunion aurait dû se dérouler à huis clos, mais des journalistes ont pu y assister par erreur. Les coupes à venir ont été évoquées ainsi que la possible révision des services dans la région. Le déficit atteindrait 110 millions $. Officiellement, les gestionnaires se veulent rassurants : les soins et les services à la population seront préservés…
Le président du Conseil central de l’Abitibi-Témiscamingue–Nord-du-Québec–CSN, Félix-Antoine Lafleur, en doute. « La population active de la région, c’est environ 100 000 personnes. Ça fait 1000 $ par personne de déficit. Comment croire qu’il n’y aura pas d’impact ? »
Parmi les pistes de solution proposées par le syndicat, notons la fin du recours aux agences privées de placement de personnel. Le CISSS a payé 145 millions $ à ces agences l’an dernier, soit 27 % de plus que l’année précédente. C’est plus que le déficit au complet !
Recruter, dans le public
Les syndiqué-es du réseau public demandent d’ailleurs depuis longtemps que cesse l’utilisation de ces agences privées pour investir plutôt dans le réseau public. Et ce n’est pas qu’une question de bonne gestion financière : ça concerne aussi la qualité des soins et des services à la population. À cet effet, les employé-es des CHSLD, en nombre insuffisant et déjà essoufflés, constatent que la qualité de vie des résidentes et des résidents se dégrade. Les employé-es d’agence peuvent être compétents, néanmoins, ils sont dépêchés pour de très courtes périodes dans les établissements. L’époque où le personnel des CHSLD pouvait créer de vrais liens humains avec les bénéficiaires est décidément révolue.
4000 en moins
Pour réduire son déficit, le CISSS a retranché 4000 heures de soins par mois au CHSLD Pie-XII, à Rouyn-Noranda. C’est intenable pour les employé-es, qui peinent à assurer aux aîné-es dans ces milieux de vie les soins dont ils ont besoin. Le 17 octobre, après avoir proposé d’autres solutions aux gestionnaires, le syndicat local affilié à la CSN, la Fédération de la santé et des services sociaux–CSN et le conseil central ont dénoncé cette mauvaise décision et ont alerté la population de la région sur les répercussions de l’austérité caquiste.
Des coupes partout
Cette nouvelle période d’austérité se confirme à une vitesse folle en santé et dans les services sociaux. Au CHUM, 26 postes de préposé-es aux bénéficiaires et 7 postes d’agentes administratives ont été supprimés. D’autres coupes et des postes non remplacés ont aussi été dévoilés dans les médias depuis, notamment au CISSS de Laval et au CIUSSS du Centre-Sud de l’Île-de-Montréal. On doit s’attendre à ce que pas mal tous les établissements procèdent éventuellement à de telles annonces, qui découlent directement des choix politiques de la CAQ.
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