Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Québec, sa culture, sa langue

La langue est, sans contredit, le premier critère de la culture dans une société. Ce qui distingue une société d’une autre, c’est la langue parlée par la majorité. C’est par la langue que les gens communiquent entre eux, qu’ils s’identifient et vivent. La langue est donc d’une importance capitale, car c’est elle qui tisse les liens par lesquels les citoyens se reconnaissent comme société. Ainsi, ce qui identifie les russes, les italiens, les espagnols, etc., c’est la langue parlée à l’intérieur de leurs frontières. Il serait pratiquement impossible de vivre en permanence dans un de ces pays sans comprendre la langue parlée par la majorité. Comment vivre en permanence en Russie sans comprendre le russe ?

Au Québec, la langue de la majorité est le français. Cette langue est d’autant plus importante que le français ne représente qu’une infime minorité (3%) sur le continent nord-américain. Les francophones sont regroupés dans une des dix provinces du Canada, soit le Québec. Ils doivent lutter de toutes leurs forces pour éviter l’assimilation qui les guette. Durant des décennies, les francophones ont vécu isolés du reste du Canada. Ils avaient leur langue, leur culture, leurs institutions religieuses et politiques, etc. Ils vivaient principalement en milieu rural, sur des terres qui se transmettaient de père en fils. Ils devaient tisser des liens très étroits puisqu’ils étaient soumis à de fortes pressions venant de l’extérieur.

L’arrivée de la radio et de la télévision est venue chambarder la vie quotidienne des québécois. C’est par la radio et la télévision que la langue anglaise a fait son entrée dans les foyers et qu’elle a pris une place de plus en plus importante. Après avoir délaissé le milieu rural pour émigrer vers les grands centres et trouver de l’emploi, les francophones ont dû apprendre l’anglais, la langue du travail.

L’IDÉE D’INDÉPENDANCE

Devant le mépris affiché par une forte majorité d’anglophones vis-à-vis le fait français et leur refus de reconnaître les francophones comme un des deux peuple fondateurs du Canada, des québécois ont préconisé l’idée d’indépendance. Hors du Québec, l’enseignement du français a été longtemps interdit au Canada. Même si les anglophones n’ont jamais voulu reconnaître les francophones comme peuple fondateur, il n’en demeure pas moins que l’Histoire est là pour le prouver. Ce sont les français qui ont débarqué les premiers sur le sol de la Nouvelle France, qui ont fraternisé avec les peuples autochtones, qui ont établi des postes et des colonies et qui se sont enfoncés à l’intérieur des terres.

Malgré les preuves évidentes qui démontrent que les francophones ont contribué largement à la fondation du canada, les anglophones n’ont jamais voulu le reconnaître ; la conquête leur ayant donné tous les droits, semble-t-il, dont celui de s’approprier la découverte et la fondation du Canada. Il faut préciser que personne n’a découvert le Canada puisque ce territoire était déjà habité par les autochtones lors de l’arrivée de l’homme blanc. Ce pays n’a donc pas été découvert ; il a été conquis par les armes.

Les anglais sont arrivés par la suite pour combattre les français, pour les déloger et s’emparer des colonies françaises. C’est par la conquête qu’ils sont devenus le peuple dominant au Canada. Au lieu de reconnaître la part des francophones dans la fondation du pays, les anglophones ont toujours refusé de leur accorder le moindre statut. Non seulement leur ont-ils refusé le droit d’être reconnus comme peuple fondateur, mais ils leur ont refusé le statut de société distincte. Pourtant, les québécois francophones se distinguent des autres canadiens par leur langue, leurs coutumes, leurs traditions, leurs institutions, etc. Pourquoi refuser de reconnaître l’évidence même ?

Malheureusement, le mot indépendance a toujours fait peur à un grand nombre de québécois qui y ont vu une volonté de séparation et d’isolement. Pourtant le mot indépendance signifie clairement : ne pas dépendre des autres. Être indépendant ne signifie pas être isolé, refermé sur soi-même. Être indépendant signifie décider soi-même de son avenir sans avoir à se soumettre à la volonté des autres. C’est s’ouvrir sur le monde en tant que peuple fier de ses racines, de sa langue, de sa culture, etc. Être dépendant signifie, au contraire, se soumettre et laisser les autres décider de son sort. Où est la fierté dans le fait d’être dépendant ?

Le Canada anglais, qui ne peut supporter l’idée de l’indépendance du Québec, pratique régulièrement l’indépendance face au géant américain. Pour aucune considération, les anglophones canadiens ne voudraient être assimilés à la culture américaine. Les canadiens tiennent à leur culture, à leurs institutions, etc. Ils vouent une admiration sans bornes à la reine d’Angleterre qu’ils considèrent toujours comme la reine du Canada. Malgré qu’ils parlent le même langage que les américains, les canadiens tiennent à leur indépendance. Étonnante quand même cette attitude de deux poids, deux mesures. Ce qui est bon pour eux, ne l’est pas pour les québécois.

LA LOI 101

Pour se protéger contre la menace d’assimilation qui pesait sur son territoire, le gouvernement québécois a voté, en 1977, la loi 101. Cette loi avait pour but d’encourager la visibilité du français dans la vie économique, culturel et politique du Québec. Pratiquement tous les domaines de la société québécoise étaient couverts par cette loi : l’affichage commercial, la langue du travail, l’enseignement, la culture, les médias, l’immigration, etc. Durant plusieurs années, la loi 101 a permis aux francophones de prendre une place de plus en plus importante dans la société. Malheureusement, les anglophones ont attaqué cette loi devant les tribunaux et la Cour Suprême du Canada leur a donné raison en affaiblissant considérablement sa portée.

Aujourd’hui, on doit reconnaître que le français recule au Québec. Sur le plan du travail, les grandes entreprises utilisent toujours l’anglais. Les secteurs industriels les plus avancés sont les plus anglicisés ; la grande majorité des logiciels étant en anglais. Sur le plan culturel, la situation du français se détériore rapidement. De plus en plus de francophones regardent la télévision anglaise ; les films en anglais sont très populaires et l’industrie du disque subit une baisse considérable. Les sites Internet, comme facebook et twitter attirent les jeunes francophones. Les familles québécoises francophones ont un taux de fécondité parmi les plus bas du monde occidental. De plus, l’immigration est de beaucoup inférieure à l’émigration. Les conséquences sont inévitables : à moins d’un miracle, la survie du français est sérieusement compromise au Québec. À Montréal, la métropole, l’anglais est en train de supplanter le français ; le gouvernement québécois ne faisant rien pour faire respecter la loi 101.

Dans quelques décennies, la culture francophone aura rejoint la culture amérindienne. Il ne restera d’elle que le folklore ; la ceinture fléchée et un tas d’autres symboles ayant déjà disparu. Certains se rappelleront, avec nostalgie, du temps de leurs ancêtres francophones. L’assimilation aura été complétée, comme le préconisait Lord Durham, dans son rapport daté du 31 janvier 1839 et qui spécifiait : "Ce peuple n’a d’autre issue que de s’enfoncer dans la médiocrité, à moins que l’Anglais, qui lui est éminemment supérieur, ne le sauve en l’assimilant". Il ne peut en être autrement, car les majorités ont toujours assimilé les minorités. Ce n’est qu’une question de temps !

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