Pour ceux qui ne connaissent pas M. Déry, dans l’année qui vient de s’écouler, il a quotidiennement commenté sur Facebook, puis dans plusieurs médias officiels, les événements liés à la pandémie de la COVID-19, particulièrement les statistiques, l’action du gouvernement, de la Santé publique et du réseau public de SSS. M. Déry, qui se présente comme analyste de politiques publiques, a déjà été analyste associé senior à l’Institut économique de Montréal (IEDM), un think tank de droite. On retrouve sur leur site ses interventions jusqu’en avril 2020, M. Déry se considérant depuis comme ex-collaborateur.
Sur sa page Facebook, Patrick Déry justifie son nouveau choix de carrière en expliquant les raisons qui l’ont amené préférer le PLQ aux autres formations politiques. Je passe sur ses analyses de la CAQ, du PQ et de QS, je ne m’attarderai qu’à ce qu’il rapporte du PLQ. Je le cite :
« Ce n’est pas pour autant un choix par dépit. C’est le parti de Lesage, ce fut un temps le parti de Lévesque, et aussi celui d’Adélard Godbout. Surtout Godbout. Celui qui a donné le droit de vote aux femmes, rendu l’école obligatoire et adopté le premier code du travail, tout ça en cinq ans entre deux mandats de l’Union nationale. Le PLQ a été le premier parti de pouvoir progressiste au Québec. C’est cet esprit que je retrouve chez l’actuelle cheffe de l’opposition, Dominique Anglade, qui dirige l’aile parlementaire avec laquelle je vais bientôt travailler. »
Permettez que je réagisse : pas pire, d’utiliser des passages historiques valeureux pour justifier le choix du PLQ. Qu’il suffise de rappeler que Philippe Couillard en faisait autant quand il inscrivait son gouvernement en droite ligne, selon lui, de ceux de Godbout et Lesage !
Il me semble pourtant que c’est le passé récent du Parti libéral qui nous permettrait de mieux comprendre le choix de M. Déry, un passé dont a été partie prenante depuis 2015 l’actuelle cheffe Dominique Anglade, et qu’elle n’a pas du tout renié.
Passons sur Paul Gobeil, au Conseil du Trésor vers le milieu des années ’80, et son État Provigo (une tentative de suivre Reagan aux États-Unis et Thatcher au Royaume-Uni), prenons seulement les 30 dernières années en quelques extraits :
la loi 37 à l’aide sociale, accompagnée de la répression des Boubous-Macoutes, au même moment où le ministre André Bourbeau refusait que les sociétés québécoises rendent publique la rémunération de leurs 5 plus hauts dirigeants, sous prétexte que la population ne comprendrait pas que quelqu’un puisse gagner plus de 500 000$ par année (début ‘90) ;
Marc-Yvan Côté (oui, oui, le même qui a été mêlé à des histoires de lobbyisme illégal et de financement occulte) et sa loi 120 en SSS, créant les Régies régionales qui serviront à décentraliser les coupes budgétaires qui viendront peu après ;
Daniel Johnson aux finances et ses compressions sensibles dans les programmes sociaux, dont en SSS ;
l’arrivée de Jean Charest en 1998 à la chefferie du PLQ (après de fortes pressions de Desmarais & Cie pour qu’il abandonne la chefferie du Parti conservateur fédéral), son accession au pouvoir en 2003, avec une bonification salariale de 75 000 $ du PLQ s’ajoutant à sa rémunération annuelle de premier ministre de 175 000 $ (parce qu’il avait besoin de ça pour vivre, avait-il expliqué !) ;
Jean Charest et son gouvernement « prêts » à défaire le modèle québécois en utilisant à répétition le bâillon pour faire adopter entre autres une série de 8 projets de loi en décembre 2003 comprenant le #31 modifiant le Code du travail pour favoriser la sous-traitance, les #7, #25 et #30, dans le secteur de la santé, qui empêchaient la syndicalisation de certains travailleurs et fusionnaient les établissements de santé tout en imposant de nouvelles unités d’accréditation et modifiant le régime de négociation par l’abolition partielle du droit de grève, les #8 et #32 ciblant le réseau des garderies, restreignant le droit à la syndicalisation et haussant les tarifs de 5 $ à 7 $, le # 9 sur les défusions municipales et le #43 sur les régions ;
les importantes baisses d’impôts du gouvernement Charest, au lieu d’un réinvestissement dans les programmes sociaux, réalisées grâce à une correction fiscale du transfert social canadien ;
parmi les autres bâillons, celui de décembre 2006 permettant d’adopter le PL 33 ouvrant au privé trois chirurgies, pour en ouvrir par voie réglementaire quelques mois plus tard une cinquantaine d’autres, pavant ainsi la voie au gouvernement Couillard de 2014 ;
le gouvernement austéritaire Couillard/Barrette/Leitao/Coiteux/ qui, dès son élection en 2014 et pendant tout son règne, s’est acharné à la déconstruction de nos services publics, dont l’Éducation, s’attaquant particulièrement au réseau public de SSS à travers les réformes Barrette, le renforcement de la Nouvelle Gestion Publique, et l’enrichissement dégoulinant des petites entreprises privées que sont les médecins, sabrant le tiers du budget de la Santé publique, transformant notre vaste réseau de 182 établissements en 34 paquebots, le rendant inefficace particulièrement en période de crise, comme on a pu le voir depuis le début de la pandémie.
C’est cette même inefficacité qui a permis à certains gérants d’estrade des réseaux sociaux, comme M. Déry, de se bâtir une carrière médiatique en analysant les effets de dizaines d’années de démantèlement du réseau public sans jamais s’attarder aux causes, préférant attaquer la gestion déficiente actuelle, tout en prétextant que le problème, c’est le manque de privé, alors que ce privé n’a jamais cessé de se développer aux dépens du public pendant ces mêmes 30 années !
Vraiment, mais vraiment, jamais le sage n’aura dit aussi vrai que lorsqu’il a déclaré « Tu peux sortir le gars de l’IEDM, mais tu ne peux pas sortir l’IEDM du gars ! »
La CAQ a son Youri Chassin, le PLQ aura maintenant son Patrick Déry.
L’IEDM va sabler le champagne !
Et tous les privés aussi !
Jacques Benoit
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