Je crois cependant que cet aspect délirant n’explique pas tout. On peut tout dire de Harper sauf qu’il est stupide. Derrière son acharnement contre les Palestiniens, les Arabes et les Musulmans, il y a une « logique » et c’est cela qui me préoccupe.
Comment la comprendre ? Prenons le cas de la Libye qui connaît depuis 2011 une série de crises sans fin. Comme on le sait, ce pays était la proie du dictateur Kadhafi. Les impérialistes le toléraient malgré ses fanfaronnades, en gros parce qu’on y faisait de « bonnes affaires ». C’est ainsi que l’entreprise montréalaise SNC-Lavalin y était très présente grâce à l’« amitié » (bien rémunérée) du fils du dictateur, Saadi Kadhafi. Partout dans les pays impérialistes, le papa était accepté, y compris à Washington, d’autant plus qu’il était l’un des maillons de l’opération américaine consistant à kidnapper et à torturer des gens accusés, la plupart du temps à tort, d’être liés à Al-Qaida. Pendant tout ce temps, personne ne s’émouvait des droits humains dans la dite « communauté internationale » (c’est comme cela qu’on appelle les pays impérialistes dans les médias).
Arrive cependant le « printemps arabe ». Les grands amis des impérialistes, Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie, sont évincés du pouvoir. En Libye, des mouvements de diverses allégeances s’agitent. C’est le chaos et rapidement, l’escalade de la répression. Pour les impérialistes, voilà une bonne occasion. On se dit « émus » devant les exactions par le régime, le même avec qui quelques mois avant la révolte, SNC-Lavalin construisait une prison. Aux Nations-Unies, Washington, Londres et Paris, avec l’appui des larbins canadiens, demandent le droit d’intervenir, « pour protéger la population civile », disent-ils. La Russie, la Chine et la plupart des pays du tiers-monde pensent que derrière les nobles idéaux se dessinent de sombres intentions. Et effectivement, l’OTAN contrairement à la résolution de l’ONU se met à participer directement à la guerre. En octobre 2011, les rebelles armés par l’OTAN capturent Kadhafi dont le convoi est atteint d’un missile français. Ils le torturent à mort, mais malgré cette atrocité, les médias et agences de presse « célèbrent » cet acte en appelant à la restauration de la démocratie. Mais rapidement, cette « libération » tourne mal. Les factions libyennes surarmées préfèrent se constituer des fiefs. Des « élections » ont lieu en juillet 2012, dans des conditions qui ne permettent absolument pas l’exercice démocratique. Rempli de pétrole et de gaz (la Libye est le 2ième producteur le plus important en Afrique), le pays est la proie des gangsters, liés à des degrés divers aux entreprises multinationales qui veulent prendre le contrôle des ressources qu’avait nationalisées le dictateur.
Aujourd’hui, la Libye n’existe plus comme État. Des guerres divisent le pays en fiefs prêts à tout pour garder leur parcelle du pouvoir. De plus en plus, on invoque la partition du pays entre l’ouest, le centre et l’est du pays. Cette dislocation pourrait amener la Lybie là où sont présentement l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et la Palestine, c’est-à-dire en une série de zones militarisées, en guerre semi-permanente les unes contre les autres.
Vous vous direz alors, mais où est la « logique » ? En Libye, mais aussi dans les autres pays de la région, l’impérialisme n’est pas assez puissant pour assurer une véritable reconquête, comme on l’a vu en Irak où la « réingénierie » prévue par Washington a été un échec total. C’est alors qu’émerge un « plan b ». Il s’agit d’éviter la reconstitution d’un État qui pourrait, éventuellement, redevenir fort et s’opposer à la pax americana. Pour éviter cela, la stratégie américaine est de diviser l’Irak en mini États sectaires, qu’on arme les uns après les autres pour qu’ils continuent de s’entre-tuer. Encore là vous penserez que j’exagère. Mais c’est exactement ce que les think-tanks de droite disent aux États-Unis, sans compter l’État israélien.
En disloquant l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan, la Palestine en des mini territoires, l’impérialisme espère « gérer » la guerre. Cela neutralise les adversaires locaux mais de plus, cela empêche les concurrents potentiels des États-Unis, qu’on appelle les « émergents », de profiter d’une éventuelle reconstruction dont ils dépendent, du moins en partie, pour leurs approvisionnements énergétiques.
Je crois que cela explique la stratégie israélienne ardemment appuyée par Washington, Ottawa, Paris et les autres alliés-subalternes des États-Unis. Quelques mois avant la guerre actuelle, les factions palestiniennes, y compris Hamas, avaient constitué un gouvernement d’unité nationale, qui aurait éventuellement réunifié la gouvernance palestinienne, ce qui n’était pas acceptable par les impérialistes.
Entre le délire évangélique, les intérêts des multinationales de l’énergie et de l’armement, les espoirs impérialistes d’éviter de perdre du terrain au profit des « émergents » se dessine une terrible et meurtrière organisation dont on voit les conséquences à Gaza, Bagdad, Kaboul, Damas.