Depuis la fin du 19e siècle, la gauche américaine a toujours privilégié la lutte électorale au niveau municipal. Il y a eu des « leaders » comme Eugene Debs et William Z. Foster, Président du Parti communiste des États-Unis, qui se sont présentés à la Présidence avec des pourcentages satisfaisants, mais le municipalisme est demeuré, encore aujourd’hui, la principale cible électorale pour la gauche.
Il y a des raisons très pragmatiques pour ce choix. Les villes américaines, grandes et petites, sont pleinement autonomes sur leur territoire. Cette autonomie leur permet de prendre des décisions qui contreviennent aux décisions prises par le gouvernement fédéral ou l’État régional (par exemple, l’État de New York, le Texas, etc.). On peut penser par exemple à la question des villes sanctuaires. Il y en a présentement 150 aux États-Unis, dont certaines ont des conseils municipaux contrôlés par des socialistes et des progressistes. Les villes sont aussi au cœur du débat sur la question des changements climatiques, et certaines villes comme Seattle et San Francisco sont à l’avant-garde de ces luttes. Seattle, avec sa conseillère municipale Kshama Sawant, était la première ville aux États-Unis à adopter le salaire minimum à 15$ de l’heure pour les cols bleus de la ville. Quand nous scrutons l’histoire et les victoires de la gauche avec le municipalisme, nous pouvons comprendre le lien privilégié et historique entre les villes et la gauche américaine.
Depuis quelque mois, un nouveau débat a surgi au sein de la gauche pour analyser l’importance de s’impliquer électoralement au niveau des États. Ce sont les États qui définissent les paramètres et appliquent la carte électorale fédérale sur leur territoire. Ces les États qui appliquent les politiques fédérales comme le Medicare et le Medicaid, et aussi l’ObamaCare. Les États disposent aussi d’une grande autonomie, comme le prouve la Californie avec ses positions sur les changements climatiques, qui contreviennent à la politique fédérale de l’administration Trump.
Chaque État a sa propre constitution. Ces constitutions donnent le droit aux États de renforcer les droits des syndicats et les lois sur les conditions de travail, de répartir les fonds pour les écoles, les hôpitaux et les institutions caritatives. Il ne faut pas oublier aussi que depuis la dernière décennie, cinq États ont mis en place une législation pour réduire les droits des syndicats. La lutte menée par la gauche au Wisconsin contre le gouverneur Walker, avec un appui mitigé de la part des démocrates, a démontré la nécessité d’avoir des législateurs progressistes et socialistes au sein de la législature du Wisconsin et ailleurs.
La lutte pour contester le libre choix à l’avortement, amorcée par la droite et l’extrême droite, se mène au niveau des États. Encore une fois, la faiblesse de la présence progressiste et socialiste dans les instances élues affaiblit la résistance. Il est donc important de réfléchir une articulation entre les mobilisations populaires de gauche et la représentation au niveau des États.
Des personnes progressistes dans des postes clés dans les États, ainsi que des avocats dans les différents districts des États, peuvent jouer un rôle fondamental dans l’application des lois sociales, les lois du travail, etc. On peut penser ici à la lutte serrée menée par Tiffany Cabán pour être l’avocate dans le district de Queens dans l’État de New York contre un candidat corrompu du Parti démocrate.
Dans les faits, une unité entre ceux et celles qui luttent à l’échelle municipale et ceux et celles qui luttent au niveau des États pourrait créer une stratégie unifiée pour attaquer la droite et l’extrême droite. Ceci démonterait l’unité de la gauche sur les mêmes problèmes. Présentement, les socialistes qui luttent pour prendre la ville reconnaissent le rôle de l’État face à la lutte qu’ils et elles mènent dans les villes.
Dans l’État de l’Oregon, il y a une candidate qui se présente à la législature de l’État. Paige Kreisman est une ancienne militaire. Elle est la première personne trans à se présenter à une élection de la législature. Elle est membre du DSA (Democratic Socialists of America) et elle est aussi membre du Parti communiste. Tout ceci une première pour l’État de l’Oregon.
Elle se présente dans un district de Portland dont 90% des résidents et résidentes appartiennent à la classe ouvrière. Dans ses discours et dans son programme, elle affirme que si elle gagne, elle va promouvoir depuis la législature la nécessité d’unir la lutte à travers l’État avec les luttes dans les villes de l’Oregon.
Cette nouvelle stratégie encourage la convergence des luttes au niveau des villes et des États. Il est important de suivre attentivement ces nouveaux développements dans les débats et discussions au sein de la gauche américaine. Le municipalisme connaît aussi un regain d’intérêt au Québec. C’est une bonne stratégie, mais l’unité entre la politique provinciale et le municipalisme est une encore meilleure stratégie.
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