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Par Mathias Reymond, Acrimed, France, mercredi 12 avril 2023
Disons-le d’emblée : l’arrestation d’un journaliste pour des raisons politiques est une atteinte à la liberté de la presse. Si les médias américains et occidentaux ainsi que plusieurs dirigeants politiques – dont le président des États-Unis Joseph Biden – se sont aussitôt indignés, on peut s’interroger sur leur difficulté à dénoncer systématiquement les attaques commises contre les journalistes...
Le Monde ne tarit pas d’éloges sur le nouveau prisonnier de Vladimir Poutine, méconnu du grand public encore récemment : « Evan Gershkovich est un professionnel reconnu, installé en Russie depuis six ans et parfaitement russophone. » On découvre par exemple qu’« il avait publié des enquêtes d’une grande qualité durant la pandémie de Covid-19 ». Bernard-Henri Lévy, en grande forme malgré le flop retentissant de son film sur l’Ukraine, tweete frénétiquement : « Evan Gershkovich est un otage. Cette sorte de "diplomatie" nous ramène à des temps très sombres. Une autre étape dans l’escalade de Poutine. Un autre degré sur l’échelle de l’enfer vers lequel il dirige le monde. » Dans Le Point, on note que « l’affaire illustre à quel point la sécurité des reporters étrangers en Russie n’est plus garantie. (...) Voilà désormais les journalistes étrangers, y compris des correspondants reconnus couvrant le pays depuis plusieurs années, menacés d’être embastillés pour un long moment. » Le 3 avril, sur France Inter, Dov Alfon, le directeur de Libération, s’offusque : « Evan Gershkovich fait l’objet d’un traitement arbitraire évident. Notre confrère est tout simplement pris en otage par le régime de Vladimir Poutine. » Et il ajoute : « J’ai dû signer ce matin une pétition avec tous les directeurs de journaux français demandant la libération immédiate de Evan Gershkovich. »
Parmi les signataires de cette pétition, on retrouve une partie des chefferies éditoriales toujours promptes à distribuer les bons ( et les mauvais ) points : Dov Alfon, donc, mais aussi Nicolas Barré pour Les Échos, Alexis Brézet, du Figaro, Nicolas Beytout, de L’Opinion ; Caroline Fourest, la directrice de Franc-Tireur, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, Edwy Plenel, directeur de Mediapart ou encore Riss, le directeur de Charlie Hebdo, etc.
Dans ce texte publié dans le Monde (1)le 3 avril et adressé à l’ambassadeur de Russie en France, on peut lire que « maintenir Evan Gershkovitch en détention équivaut à une prise d’otage. C’est, à l’attention des derniers représentants de la presse internationale encore présents dans votre pays, une mise en garde, une menace, voire un acte de terreur. Le "procès" annoncé serait une tragique mascarade. C’est pourquoi nous demandons, à travers vous, la libération sans conditions ni délai d’Evan Gershkovich. »
Cet engouement pour la liberté de la presse détonne avec la frilosité du soutien dont jouit depuis des années le journaliste*Julian Assange.* Après s’être réfugié dans l’ambassade d’Équateur de juin 2012 à avril 2019, le fondateur de Wikileaks, qui croupit actuellement dans une prison de haute sécurité britannique en attendant son extradition vers les États-Unis où il risque 175 ans de prison, n’a jamais eu droit à un tel engouement – unanime – de la part des médias français…
Parmi les pétitionnaires scandalisés – à juste titre – par l’arrestation d’Ervan Gershkovich, nombreux sont restés silencieux pour soutenir *Assange *dans le passé, et ceux qui l’ont fait sont arrivés dans la bataille – parfois tardivement – en y joignant toujours une touche de réprobation morale à l’égard des méthodes employées par le fondateur de Wikileaks. (...)
*Suite sur :* https://www.acrimed.org/La-liberte-de-la-presse-a-geometrie-variable-Evan <https://www.acrimed.org/La-liberte-...>
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