Édition du 17 décembre 2024

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Europe

La gauche radicale après Syriza : une rébellion démocratique en Europe ?

« Pour une rébellion démocratique en Europe » : tel est le titre de la déclaration adoptée par la conférence « Plan B pour l’Europe » tenue à Madrid du 19 au 21 février dernier. Réunis pour tirer des leçons de l’échec de Syriza à l’été 2015, des centaines de participants issus de mouvements sociaux et des partis de gauche anti-austérité européens ont conclu à l’importance de lancer un mouvement de désobéissance civile contre les institutions européennes et leurs diktats autoritaires, pour que ne se répète plus le « coup d’état » économique perpétré l’été dernier contre le peuple grec. (1)

Avec des têtes d’affiches comme Yanis Varoufakis (ancien ministre des finances dans le gouvernement Syriza) et Zoé Konstantopoulo (ancienne présidente du parlement grec,) ainsi que des parlementaires provenant des partis de gauche radicale d’Espagne (Podemos) et d’Allemagne (Die Linke), et bien sûr des figures très connues de la gauche sociale comme Susan George ou Eric Toussaint, cette conférence a été un pas en avant vers le rassemblement des mouvements européens autour d’une stratégie commune après le choc de la défaite subie par Syriza. D’ores et déjà, des conférences du même type sont prévues en Italie et en Allemagne au courant des prochains mois

Une année tumultueuse pour la gauche anti-austérité

L’année 2015 s’est avérée fort tumultueuse pour la gauche radicale européenne. Après l’enthousiasme déclenché par la victoire de Syriza en janvier 2015 et son succès au référendum du 5 juillet, la consternation s’est répandue à la suite de la capitulation du gouvernement grec devant le chantage économique et financier des institutions européennes. L’accord du premier ministre Tsipras à une politique d’austérité encore plus rigoureuse que les précédentes a sonné le glas des tentatives populaires en Grèce de renverser l’austérité.

Depuis, des signes plus encourageants se sont manifestés : le Bloc de gauche au Portugal et puis Podemos en Espagne ont atteint des scores électoraux leur permettant de détenir la balance du pouvoir dans leurs parlements nationaux et donc de chasser du gouvernement les partis de droite pro-austérité. Ces succès restent relatifs, notamment au Portugal, où le Bloc de gauche appuie de l’extérieur un gouvernement social-démocrate qui est loin d’être ferme sur ses engagements. En Espagne, les pourparlers pour former un gouvernement anti-austérité sont au point mort. Malgré ces nuances, des avancées ont redonné du tonus à la gauche radicale en Europe.

Pourquoi un « Plan B » ?

La question lancinante posée par l’expérience malheureuse de Syriza demeure entière : que faire si les grandes puissances européennes, appuyées par la Banque centrale européenne (BCE) et tout un arsenal de traités limitant la souveraineté nationale, décident de saboter l’économie, asphyxier les banques et acculer la population à la misère ? Le « Plan A », qui est de gagner les élections nationales avec un programme anti-austérité validé et appuyé par la population, s’avère inopérant devant un refus clairement exprimé par les institutions et puissances européennes de respecter les règles démocratiques et la souveraineté parlementaire.

C’est là qu’intervient le « Plan B », nommé ainsi dans le sillon du plan alternatif que l’aile gauche de Syriza avait développé au moment des négociations avec l’Europe. Essentiellement, ce plan B inclut le refus de rembourser la dette, la nationalisation des banques locales et l’établissement d’une monnaie nationale de rechange à l’euro. Cette idée est reprise par la gauche radicale européenne qui appelle à désobéir aux institutions européennes campées sur leurs politiques draconiennes et à développer un large mouvement social capable de mettre fin aux tentatives d’étouffer des politiques anti-austéritaires nationales.

Des différences sur la question de l’Europe

Tout en étant unis sur la perspective de rassembler les mouvements sociaux et politiques dans un large front anti-austérité, les mouvements ont des opinions divergentes divergences sur la question de l’Europe.

D’un côté se retrouvent Varoufakis et son mouvement DiEM25, qui appellent à démocratiser les institutions de l’Union européenne d’ici 2025, sous peine d’un éclatement qui pourrait infliger de terribles épreuves au monde entier. De l’autre, des personnalités telles Konstantopoulo et Toussaint, pensent plutôt que les institutions européennes actuelles sont irréformables et que la désobéissance civile pourrait aller jusqu’à la sortie de l’Europe.

Pour Toussaint, les partis de gauche radicale à la lumière de l’expérience grecque devraient mener leurs campagnes électorales en déclarant publiquement qu’il est inacceptable que l’Europe impose l’équilibre budgétaire à un peuple qui décide souverainement de mettre fin à l’austérité. (2) Bref, si un consensus se dégage au sein de la gauche radicale sur le besoin d’élaborer un Plan A et un Plan B, le contenu et la finalité du Plan B sont en débat.

Les débats continuent

Au-delà des divergences, tous les acteurs sont unanimes à vouloir continuer le débat dans un esprit d’ouverture et d’échanges solidaires. Tous sont conscients que non seulement la gauche radicale doit réajuster sa stratégie européenne pour tenir compte de la nouvelle situation créée sur le terrain, mais aussi que les débats doivent inclure les mouvements sociaux anti-austérité et, surtout, avoir un écho populaire.

Ces débats ont une grande pertinence pour nous au Québec. La mutation ouvertement anti-démocratique du capitalisme néolibéral nous touche directement. N’oublions pas que le gouvernement Couillard applique une politique anti-austérité draconienne depuis 2014, sans jamais avoir eu le mandat de le faire (il avait même fait sa campagne électorale en promettant le contraire !) Du coup, nous devons aussi nous doter d’une stratégie alternative de mobilisation populaire et démocratique pour combattre l’austérité.

Comme le démontrent les mouvements en Europe, au Plan A, qui est de battre électoralement les partis néo-libéraux, doit impérativement se greffer un Plan B axé sur la mobilisation sociale.

Notes

1. Déclaration pour une rébellion démocratique en Europe, Madrid, 21 février 2016.
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2. “Le Plan B ne prévoit pas de reformer l’UE”, entrevue avec Éric Toussaint, 17 mars 2016
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