C.L.R. James est une figure intellectuelle et politique aussi centrale qu’inconnue en France. Il est né en 1901 à Trinidad et est mort à Londres en 1989. Ainsi que la plupart des penseurs de la Caraïbe anglophone, sa vie comme son œuvre sont négligées « au moment même où les auteurs de la Caraïbe francophone avec lesquels il partage de fortes affinités accèdent peu à peu à la reconnaissance qui leur est due », juge Matthieu Renault, maître de conférences à l’université Paris 8-Saint-Denis.
La Boite à idées
Il fut pourtant un militant panafricain de la première heure, un acteur des mouvements de décolonisation en Afrique et en Caraïbe, un pilier des luttes noires aux États-Unis, un partisan de Trotski, avant de rompre avec cet héritage pour promouvoir l’auto-émancipation des ouvriers comme des minorités, mais aussi un grand analyste du cricket…
Mais le « pari biographique » que propose ici Matthieu Renault, sur un homme qui aimait comparer les grands révolutionnaires à de grands artistes, ne vise pas seulement à restituer un itinéraire qui épouse le XXe siècle tout en renouvelant la « géographie du marxisme ».
En montrant à quel point la pensée et le parcours de C.L.R. James permettent d’importer des problématiques anticoloniales et antiracistes au sein de la pensée marxiste et, inversement, de greffer des thèses marxistes-socialistes sur des revendications et luttes africaines, le jeune philosophe pose deux questions essentielles pour la gauche. Comment faire place aux revendications des minorités non blanches ? Et comment renouveler une critique de l’eurocentrisme qui « si elle demeure plus que jamais nécessaire en raison même des résistances que continue de soulever toute remise en question de “l’universel” – occidental s’entend – ne se doit pas moins à présent de tester ses propres limites et d’identifier les limites qui ont jusque-là tramé son développement » ?
c-l-r-james c-l-r-james
Matthieu Renault. C.L.R. James. La vie révolutionnaire d’un « Platon noir ».
La Découverte. 230 pages, 19,50 euros.