Katha Pollitt, The Nation, 17 août 2022
Traduction, Alexandra Cyr
En ce moment, S. Rushdie est aux soins intensifs après avoir été poignardé par un jeune américain de 24 ans originaire du New-Jersey. Comment Christopher se positionnerait-il face à n’importe qui qui prétend que l’écrivain a fait son lit en offensant la religion musulmane et ses écrits fondamentaux ? En 1989 il y en eut bon nombre à tenir cette position dont, John Le Carré, John Berger, la doyenne démocrate libérale, Shirley Williams, Roald Dahl et Germaine Greer.
Maintenant, sur Twitter bien sûr, le débat ne porte que sur l’islamophobie : Rushdie est un islamophobe, Christopher était islamophobe ainsi que les 12 membres de Charlie Hebdo attaqués.es par des djihadistes en 2015 qui s’offensaient des caricatures publiées dans le journal. 240 écrivains et autrices, dont certains.es de mes amis.es, se sont éloignés du PEN international quand il a décerné une médaille du courage au journal. Mais, les racines des « phobies » reposent sur la peur, donc ne sont pas réels.es, ceux et celles qui appellent à prendre des précautions dans l’exercice du droit d’expression, même dans un roman, une nouvelle, ce ne sont pas de vrais.es islamophobes. Leurs « précautions » ne font que faire le lit des ayatollahs et de leurs acolytes qui brulent les livres et aux assassins.es.
S’il y a quelque chose de clair, c’est que S. Rushdie était extrêmement respectueux des musulmans.es. Après neuf ans de vie cachée, il a mené une vie publique de plus en plus normale parce qu’il était convaincu que aucun.e du million et demi de Musulmans.es dans le monde ne l’assassinerait. Les vrais islamophobes sont les gens comme Jimmy Carter qu’on a pu voir annoncer dans le New York Times, immédiatement après la proclamation de la fatwa : « Il est de notre devoir de condamner les menaces de mort et de protéger la vie des auteurs.trices et honorer les droits de publication et distribution en Occident. En même temps, nous devons être sensibles aux inquiétudes et à la colère qui prévaut chez les Musulmans.es les plus modérés.es ». Donc, en d’autres mots, nous devrions avoir le droit (d’employer ces mots, expressions) mais ne pas les utiliser parce qu’ils choquent la sensibilité de : « même des Musulmans.es les plus modérés.es ». Et cela sous entends que « les plus modérés.es » ne seraient peut-être pas si modérés.es après tout, alors il ne faudrait pas les provoquer : Soyez gentils.les !
L’attaque qu’à subit S. Rushdie n’a rien à voir avec la colère, les préjugés contre les Musulmans et pas avec le racisme non plus ; après tout, les Musulmans ne forment pas une « race » de tout évidence. Elle a tout à voir avec le fanatisme religieux organisé par un État théocratique, à savoir l’Iran, qui se charge de la récompense. (Une fondation liée a gouvernement iranien offrait trois millions trois cents mille dollars, valeur courante, pour la tête de S. Rushdie). Quand six écrivains se sont retirés du PEN Club international plutôt qu’honorer Charlie Hebdo, il a écrit le message suivant : « L’enjeu n’est absolument pas le sort d’une minorité opprimée ou désavantagée. Il s’agit d’une bataille contre le fanatisme islamique, très bien organisé et financé et dont l’objectif est de nous terrifier tous tant que nous sommes, Musulmans.es ou non et de nous confiner à un lâche silence ».
Le problème n’est pas l’islamophobie ; c’est l’idée même de blasphème. Les ayatollahs et leurs partisans, pensent que « insulter » l’Islam est un crime absolu peu importe que la plupart de ceux et celles qui protestent contre les Versets sataniques ne les aient jamais lû et même pas l’Ayatollah Khomeini lui-même selon Robin Wright du New Yorker.
L’idée d’empêcher le religieux de produire des désagréments, est le problème. Pourquoi les croyants.es de n’importe quelle religion devraient-ils/elles être à l’abri absolu de toute critique, satire et même de la plus banale des moqueries ? La religion n’est pas un attribut héréditaire. C’est un assemblage d’idées, de comportements et de pratiques sociales. Tout cela peut changer et de fait a changé tout au long de l’histoire. Le blasphème fait partie de ce processus parce qu’il encourage le questionnement, l’indépendance d’esprit, la résistance à l’obscurantisme et à l’autorité injuste. Nous, les progressistes, devons prendre parti : Galilé ou l’Inquisition ? Rushdie ou les ayatollahs ?
Nous ne sourcillons pas quand des catholiques sont en faveur des droits à l’avortement, que des femmes deviennent prêtres, comme beaucoup le font. Nous applaudissons quand un Juif dit que la bible ne justifie pas l’occupation de la Cisjordanie. Nous sommes horrifiés.es en voyant le mur entre l’Église et l’État se fissurer dangereusement aux États-Unis. Nous soutenons les artistes qui enragent les dévots.es avec leurs œuvres. (….)
Nous nous attendons que les croyants.es chrétiens.nes, juifs et juives comprennent que l’offense ressentie est le prix à payer pour le droit de parole et pour la vie en société multiculturelle. Et nous leur faisons connaître notre réaction quand ce n’est pas le cas. Rudy Giuliani a fait moquer de lui abondamment quand il était maire de New-York et qu’il a voulu fermer le musée de Brooklyn à cause des tableaux d’Ofili (Peintre britannique qui a produit des œuvres jugées provoquantes). Nous n’avons pas dit : « soyons plus sensibles envers les sentiments des millions de Catholiques de la ville ». Quand un fanatique chrétien met le feu à une clinique d’avortement, nous ne disons pas : « Cette clinique aurait dû savoir qu’elle courait après les troubles ».
Pourquoi verrions-nous les tyrans islamiques et les autres fanatiques de leur groupe différemment ?
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