Édition du 19 novembre 2024

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Afrique

La dette tunisienne mobilise aussi à Montréal

Francesca Nugnes, économiste italienne, 15 ans d’expérience dans divers établissements financiers dans 7 pays différents, mène une campagne de sensibilisation sur la dette et ses méfaits. Elle nous fait parvenir un compte rendu d’un séminaire organisé à Montréal où elle a tenté d’aborder la question de la dette. Nous retranscrivons ici ce compte rendu.

Compte rendu du séminaire du 9 avril 2011 à Montréal organisé par le Parti démocratique progressiste à Montréal. |1|

Atelier “les enjeux économiques d’une transition démocratique”

Veuillez noter que la plus part de conférenciers ne sont liés au PDP, ils ont été simplement invités.

L’introduction a été faite par Aziz Fall (politologue du GRILA) qui a tout de suite indiqué la dette tunisienne comme un des problèmes fondamentaux de l’économie tunisienne. Il a avoué qu’il ne peut pas y avoir une vraie révolution s’il n’y a pas un changement des forces de production. Il souligne le danger que la révolution tunisienne dégénère en une simple alternance (de pouvoir) sans alternative.

Attention aux nostalgiques de Ben Ali qui pourraient resurgir à tout moment, comme les nostalgiques du colonialisme qui sont toujours prêts à se réveiller. Il utilise le beau langage de l’économie marxiste. Il parle aussi des impositions du FMI sur l’économie tunisienne et des conditions imposées pour avoir accès aux prêts de la part des Institutions Financières Internationales (IFIs).

Le premier conférencier était Lassad Damak économiste qui a parlé du marché du travail (Ministère de l’Emploi du Québec). Il a commencé a indiquer toutes ses données (taux de chômage, taux d’emploi etc) mais le public s’est vite énervé car on sait bien que la plus part de ces données sont fausses. Donc Lassad a commencé à parler plutôt de “tendance” que de valeurs absolues d’une variable.

Il a souligné que la pression démographique est très forte et que si on n’intervient pas du coté du marché du travail, le taux de chômage va exploser. Il a parlé du paradoxe “haute scolarité - haut chômage” en bref les causes de ce paradoxe sont d’après lui : un taux de croissance pas assez élevé pour absorber les nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché, une formation des diplômés qui ne répond pas toujours aux attentes des entreprises donc manque de rencontre entre demande et offre de travail, et peut-être enfin une qualité de la formation qui n’est pas des meilleures.

Enfin Lassad nous a fait remarquer que des autres pays qui ont vécu une révolution ont eu besoin de 5 ans avant de reprendre le chemin de la croissance (Portugal, Iran, Brésil, Indonésie) ; une étude de l’Université de Floride montre que dans 16 des 24 pays étudiés, l’économie s’est stabilisée 3 ans après le départ de son tyran. A mon avis la remarque de Lassas est une raison de plus pour demander un moratoire de la dette et donner le temps aux pays de reprendre ses forces et ce, au delà de la légitimité de la dette même.

La deuxième conférencière était Monia Mazigh économiste de l’Université de Ottawa ; elle a immédiatement parlé de la dette comme principal problème de la Tunisie, des dégâts causés par les PASs(Plan d’Ajustement Structurel) des IFIs(Institutions Financières Internationales), elle parle d’un manque total d’autonomie politique et économique de la Tunisie à cause des conditions imposées par les IFIs et que cela risque fortement de se perpétuer parce-que la Banque Mondiale est déjà prête à faire des nouveaux emprunts à la Tunisie pour “l’ aider” dans cette nouvelle phase.

Moniah condamne les politiques néolibérales du laisser-faire qui ont détruit la Tunisie et nous a fait remarquer que par contre aujourd’hui les pays pour faire face à la crise financière ont tous eu recours à l’aide de l’état (voir les gros montants prêtés par les Etats Unis aux banquiers etc) donc ils se contredisent dans leur même stratégie.

Elle nous souligne la présence en Tunisie aujourd’hui d’une classe de Mafiosi qui contrôle tout le pays, quelque peu de familles qui contrôlent toute l’économie. Elle souligne aussi la forte augmentation aujourd’hui d’une culture d’affairisme et du ‘gagne rapide’ qui n’ont rien à voir avec l’esprit entrepreneurial qu’ils professent d’avoir mais qu’au contraire tue toute possibilité de développement des vrais entrepreneurs.

Troisième conférencier Tarek Masmoudi économiste de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a parlé de la forte augmentation de l’endettement privé (des ménages donc) mais qui a souligné que le niveau de la dette par rapport au PIB (ohh noo…ndr) n’est pas si élevé (50%) et donc il y a encore une marge pour s’endetter, mais au moins il a suggéré de s’endetter afin (par exemple) d’investir dans des nouvelles autoroutes qui pourraient faciliter les échanges dans les différentes régions du pays, sa croissance et encourager le développement, le public lui a fait remarquer qu’il serait mieux d’investir dans le chemin de fer plutôt que dans les services aux voitures car ces dernières causaient beaucoup plus de pollution..

Au moment des questions j’ai demandé au représentant du PDP tunisien Fraj Brik de m’indiquer quelles étaient leurs intentions vis-à-vis du remboursement de la dette extérieure (dont une tranche à rembourser tout de suite), quelle était leur intention au regard de la lettre de Raid Attac Cadtm Tunisie (grimace de mon interlocuteur qui ne parait pas comprendre ce que je disait malgré le fait que je parlait super lentement), quel était leur avis au sujet d’un audit de la dette afin de plaider pour une annulation s’il y a une dette illégitime. Il a répondu que puisque les données sont toutes fausses ce n’est pas la peine de faire un audit d’une dette dont on ne connait pas le vrai montant mais qu’il faudrait attendre d’avoir de données fiables avant de discuter quoi faire avec la dette et que donc il ne pouvait pas répondre à ma question.

Je lui ai signalé que ça ne leur empêche pas de demander un moratoire de la dette, avec gel des intérêts, plutôt que de payer une dette qui n’a pas profité au peuple tunisien mais qui a plutôt bénéficié au dictateur. Aziz est justement intervenu en faisant remarquer à Fraj que les données relatives à la dette sont issues de sources telles que le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale dont la fiabilité n’est pas remise en question, ce qui est remis en question est la légitimité de la dette !!

Moniah et Aziz après le séminaire m’ont fait remarquer que c’est peut-être un peu typique des tunisiens de vouloir oublier le passé (et donc l’origine de la dette) et que ça fait partie de leur “langage” de ne pas revenir à chaque fois sur cette question de la dette. D’autres par contre ont avoué que parler de ne pas vouloir payer la dette ça va faire perturber les marches financiers, nous faire perdre de la crédibilité etc j’ai continué à répéter que je parle d’une éventuelle dette illégitime, pas de toute la dette.

J’ai demandé à Aziz et à Moniah s’ils connaissent des groupes de travail/reflexion sur la dette tunisienne mais ils n’en connaissent pas.

Source : http://dettetunisie.over-blog.com/

Notes

|1| Dans ce compte rendu j’ai indiqué tout ce que j’ai compris au cours du séminaire, mais malgré j’ai fait tout mon effort pour vous indiquer exactement ce que les conférenciers nous ont dit il se peut que je me sois trompée à quelque part !

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