Édition du 12 novembre 2024

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Québec

La démocratie dont le ministre Barrette ne veut pas (1)

Il y a deux semaines, trois anciens hauts fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) signaient une lettre adressée à la Vérificatrice générale lui demandant d’évaluer la réforme du ministre Barrette avant qu’il ne soit trop tard. Leur initiative était soutenue par une vingtaine de personnalités et organismes.

L’auteur est coordonnateur de la Coalition solidarité santé.

À la demande des trois signataires, la Coalition avait accepté de recueillir les nouveaux appuis que pourrait entraîner la publication de la lettre.

Plus d’une centaine de personnes se sont manifestées : ex-membres de Conseil d’administration, de l’ancien Conseil de la santé et du bien-être, cadres et ex-cadres du réseau (DG d’établissements, d’Agence régionale), chefs de différents services et programmes (direction de l’évaluation du MSSS, personnes âgées, santé publique, santé communautaire), travailleuses/travailleurs actuels et retraités du réseau, médecins, pharmaciens, universitaires (professeurs, chercheurs/chercheuses, stagiaires, étudiants), représentants du milieu communautaire, citoyennes/citoyens usagers ou non des services, et de différentes régions (Montréal, Estrie, Laurentides, Québec, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Outaouais, etc.).

Plusieurs d’entre eux, la majorité en fait, ont accompagné leur appui de messages plus que pertinents. Jugez-en par vous-mêmes dans cette courte sélection que je vous partage.

« J’ai été administrateur indépendant de divers établissements de santé durant 14 ans et sur le conseil d’administration de 2 CSSS jusqu’en mars 2014. Mes conversations récentes avec plusieurs employés actuels du réseau soulèvent chez moi les mêmes inquiétudes. »

« Tous ceux à qui nous parlons, encore en poste ou à la retraite comme moi (ex-cadre supérieure du réseau de la SSS), sont très inquiets, voire complètement découragés par les conséquences de cette réforme. Il apparaît donc primordial qu’une instance crédible en analyse les effets, rapidement. »

« En tant qu’ex-employée du MSSS, je me souviens de m’être fait répéter à d’innombrables reprises que l’une des fonctions essentielles du Ministère, en plus de définir les grandes orientations pour son réseau, est d’assurer l’évaluation de la mise en œuvre de ces orientations et politiques, ainsi que de la performance du réseau. Comment a-t-on pu procéder à une réforme aussi drastique et brutale dans un réseau si vaste et si complexe, et ce, sans se prémunir d’outils pour surveiller l’avancement du projet, les résultats, les obstacles, les effets non prévus, les dérapages ? C’est inconcevable. »

« Comme ex-directeur général d’établissements de SSS et ex-directeur des services aux personnes âgées, j’appuie la demande, car il est primordial que la population soit objectivement informée des effets de cette réforme afin que, le cas échéant, des mesures soient prises pour préserver un système public performant répondant aux besoins. »

« Une lecture neutre et objective de la situation actuelle dans le secteur SSS s’impose. L’insolence, l’amateurisme et le mépris du gouvernement libéral à l’égard du secteur SSS méritent une attention toute particulière. Je me suis retiré du réseau le 18 mars dernier, j’y étais chef en réadaptation dans un CRDITED. SVP, ne pas seulement regarder les statistiques des listes d’attente, mais surtout si les personnes nouvellement desservies le sont réellement et selon leurs vrais besoins. »

« C’est comme citoyen et comme médecin œuvrant dans le réseau de la santé que j’appuie la demande faite à la VG d’évaluer en profondeur la réforme Barrette. »

« Ce gouvernement n’a qu’un but "faire reculer le Québec" sur tous les plans, surtout ceux de la Santé, de l’Éducation, de l’Environnement et de la langue française. C’est une arme de destruction massive de tous les acquis obtenus depuis la Révolution tranquille. Faute d’une tête dirigeante, de compétences et d’objectifs à court, moyen et long terme... c’est une catastrophe pour le Québec, les Québécois francophones, en particulier... une honte. »

« À titre d’ex-directeur général d’une régie régionale, j’appuie cette lettre. On ne peut laisser sans évaluation continue une transformation aussi radicale de notre système de santé et de services sociaux. Il en va de la santé et des services à la population, de la santé et de la motivation des personnels de ce secteur ainsi que de l’économie du Québec, des pertes d’emploi et de revenu qui y sont associées. »

« Je désire appuyer la lettre envoyée à la Vérificatrice générale. Je suis une retraitée de la santé publique ; j’ai travaillé particulièrement à la réalisation d’évaluations des programmes et des pratiques sociales et de santé publique. »

« La réforme amorcée doit être évaluée en cours d’implantation et non pas à la toute fin de l’opération. Il sera alors trop tard pour faire des réajustements si des problèmes se sont posés. Et la vérificatrice générale est la seule instance indépendante qui est encore en fonction. »

« De nombreuses recherches faites au cours des dernières années montrent clairement l’épuisement du personnel du réseau qui vit au quotidien les multiples réformes du MSSS. La réforme en cours donne un coup de massue non seulement au personnel, mais aux orientations du MSSS. L’approche biomédicale, la seule que semble connaître le ministre Barrette, nous fait retourner 40 ans en arrière. Tout dans cette réforme, tant la réforme des structures, l’organisation des services et du travail, la multidisciplinarité, est mis au service d’une approche où le service médical domine l’organisation du réseau. Franchement, peut-on croire que cette réforme va diminuer les coûts du système ? Oui la vérificatrice générale devrait s’inquiéter des impacts du sabotage auquel se livre le ministre. »

« Je suis étudiante de 2e année en travail social à l’UQO. Nous sommes aussi très inquiets de la situation actuelle dans le réseau de la santé, parce que l’attitude du ministre est un manquement à la démocratie, mais aussi parce qu’on se demande si notre profession et notre future carrière sont menacées. »

« Je donne mon appui à la demande faite à la vérificatrice générale. La façon de faire actuelle du ministre fait fi des pratiques québécoises en matière de ressources collectives, à savoir qu’elles doivent être construites, maintenues et améliorées à partir de débats démocratiques, de consultations et en association avec les personnes qui y travaillent. »

« Je soutiens sans retenue cette démarche auprès de la vérificatrice générale. Il en va de la survie du système de santé et de services sociaux qui a été bâti au cours des 40 dernières années grâce à la participation et la vigilance citoyenne qui se manifestaient entre autres au sein des comités d’usagers, des conseils d’administration des établissements, des associations d’établissements. La centralisation à outrance manifestée par le ministre actuel ne correspond absolument pas à la définition d’un système qui se veut "près du citoyen". Bien au contraire. »

On comprend mieux, après lecture, pourquoi le ministre s’attaque tant depuis le début de son règne à toutes les instances démocratiques du réseau et tente d’étouffer toute voix discordante : parce qu’il y en aurait trop !

Jacques Benoit

Coordonnateur de la Coalition solidarité santé 2013-2019
GMob (GroupMobilisation) 2019-

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