27 mars 2009
Capital.fr : Pensez-vous que le G20 puisse aboutir à des réformes concrètes du système financier ?
Jean-Marie Harribey : Le grand risque est que le G20 refuse de modifier l’architecture financière internationale. Il suffit d’ailleurs de voir les « experts » qui rédigent les rapports aux différentes réunions préparatoires. Il s’agit pour beaucoup de banquiers qui sont responsables de la crise actuelle. La fausse naïveté de nos dirigeants nous inquiète aussi beaucoup. La lecture des communiqués des réunions est édifiante. Lors de l’Ecofin du 7 octobre, par exemple les ministres européens des finances estimaient que, face à la crise, l’urgence était de continuer à mener des réformes structurelles du marché du travail en Europe qui nous ont conduits à la crise. Dans ces conditions, il ne faut pas se bercer d’illusion, le G20 ne débouchera sur rien de structurant.
Capital.fr : La classe politique semble toutefois décidée à agir pour réguler les paradis fiscaux…
Jean-Marie Harribey : Les hommes politiques rivalisent en effet d’annonces et de menaces contre les paradis fiscaux. Mais j’ai bien peur que cela reste des rodomontades. Cela fait une décennie que des voix s’élèvent pour demander la suppression des centres off shore. Et pourtant leur développement s’est considérablement accéléré au cours des dernières années. A tel point que toutes les multinationales y sont aujourd’hui présentes via des sociétés écrans. La BNP Paribas possède ainsi pas moins de 189 succursales implantées dans les paradis fiscaux.
Capital.fr : La moralisation du capitalisme est-il un vœu pieu ?
Jean-Marie Harribey : La crise actuelle n’est pas morale, contrairement à ce que laisse entendre nos dirigeants. C’est une crise financière, économique et sociale, qui remet en cause le système capitaliste dans son ensemble. Depuis trente ans, la richesse produite dans le monde a été réalisée au détriment des salariés. Ils se sont appauvris année après année lorsque dans le même temps les actionnaires ont profité des fruits de la croissance. Aux Etats-Unis, la population a même été incitée à s’endetter pour pouvoir consommer. Du coup, elle se retrouve aujourd’hui dans une situation encore plus catastrophique. C’est l’ensemble du système économique qu’il faut repenser.
Capital.fr : Que préconise Attac ?
Jean-Marie Harribey : Pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise, il faut établir un strict contrôle des flux financiers. Pour ce faire, la seule façon est de nationaliser l’ensemble du secteur bancaire. Nous n’y sommes d’ailleurs plus très loin aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Il faut maintenant s’y atteler en Europe et surtout que cette nationalisation ne soit pas temporaire. Deuxième mesure indispensable : diminuer la rémunération des actionnaires en augmentant la fiscalité. La crise actuelle trouve en effet son origine dans la volonté des actionnaires d’augmenter sans cesse leur rémunération, leur rendement, ce qui se fait au détriment des salariés. Encadrer strictement les marchés et les produits financiers qui n’ont fait qu’amplifier la crise semble aussi une évidence. Enfin, nous demandons la suppression des marchés à terme sur les matières premières agricoles. La spéculation des financiers sur ces produits ruine les petits producteurs tout en pénalisant les consommateurs.
Capital.fr : Pensez-vous que la société civile puisse se faire entendre ?
Jean-Marie Harribey : Seul un mouvement citoyen d’ampleur pourrait obliger les pays du G20 à prendre en compte les revendications sociales. Nous attendons beaucoup des manifestations qui se dérouleront en France et dans tous les pays européens le 28 mars. Et Attac continuera ensuite de mener des actions tout au long de la semaine du G20.
HARRIBEY Jean-Marie, CAZENAVE Frédéric
* Paru dans Capital.fr. 27/03/2009 à 15:24 - Mis à jour le 27/03/2009 à 15:26. Propos recueillis par Frédéric Cazenave. © Capital.fr :
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