Édition du 29 octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Israël - Palestine

La « coordination » entre le régime de Sissi et le pouvoir politico-militaire israélien pour le contrôle des clés de la prison bombardée de Gaza

Il y a quelques semaines, la fille d’amis palestiniens qui étudie à l’étranger m’a demandé de l’aider à lancer une campagne de crowdfunding [financement participatif] pour sauver sa famille, qui a été déplacée de la ville de Gaza à Rafah, dans le sud.

Tiré d’À l’encontre.

Mercredi 24 janvier, Ahmed S. a demandé aux utilisateurs de Facebook au « cœur généreux » de l’aider à faire sortir sa sœur et ses jeunes enfants de la bande de Gaza.

Sur la même page, Ismail A. a écrit mardi qu’il avait besoin de coordonner d’urgence un départ dans les 48 heures pour les personnes qui ont des visas de résidence pour les Emirats arabes unis. Il peut payer 5000 dollars, et non les « frais astronomiques » exigés actuellement.

Munzer S. a également demandé ce jour-là une « coordination » urgente pour la sortie de Rafah d’une femme et de son fils qui avaient déjà un visa de tourisme pour la Turquie. Dimanche, Rawan A. a lancé un appel au même groupe Facebook : « Quelqu’un peut-il aider une famille déplacée du nord vers le sud ? Ils sont actuellement dans une tente, leur situation est grave et leur mère est malade. Qui peut faire un don ? Et connaissez-vous quelqu’un qui puisse les faire sortir de Gaza, car les frais pour obtenir un “bon de sortie” [le terme « coordination » recouvre ce trafic] sont exorbitants ? »

Le groupe Facebook, appelé Rafah Inland Crossing Network, est rempli de messages similaires, mais aussi d’annonces d’appartements à louer au Caire et d’appels à acheter des livres égyptiennes en échange de shekels (à 12 ou 13 livres pour un shekel, alors que le taux officiel est d’environ 8,4). On y trouve également des numéros de téléphone de personnes qui promettent d’organiser des départs.

Le désespoir des personnes cherchant à partir s’accroît à mesure qu’Israël continue de repousser les habitants de Gaza tout au sud de l’enclave, y compris les centaines de milliers de personnes déplacées qui n’ont pas encore fui Khan Younès, assiégée et bombardée. Selon les estimations de l’ONU, plus d’un million de personnes sont entassées dans le gouvernorat de Rafah, qui comptait environ 300 000 habitants avant la guerre. Elles sont horrifiées par chaque rumeur ou déclaration israélienne annonçant l’approche de l’offensive terrestre à Rafah.

A 50 ou 100 mètres de là, de l’autre côté de la frontière égyptienne, ils peuvent être à l’abri de la mort. Mais pour résister à ce qui est considéré comme les plans d’Israël pour s’emparer à nouveau de Gaza, l’Egypte continue d’interdire aux habitants de Gaza de partir comme ils le souhaitent. Les porte-parole égyptiens disent qu’ils ne collaboreront pas avec les projets et objectifs israéliens visant à vider Gaza de sa population. Un départ n’est possible que si des pays étrangers interviennent en faveur de certaines personnes pour une raison ou une autre, et pour quelques blessés graves et malades, dont la sortie est rendue possible au prix de grands sacrifices.

Mardi 23 janvier, les médias sociaux se sont emballés. Motaz Azaiza avait décidé de partir. Il fait partie des jeunes journalistes indépendants courageux qui ont documenté les bombardements, les sauvetages et les récupérations de corps dans les décombres, ainsi que les hôpitaux et les écoles débordant de personnes déplacées. Sur Instagram, où il compte environ 17 millions de followers, il a d’ailleurs posté une photo de lui en train de quitter son gilet de protection [sur lequel était indiqué « Press »] ainsi que ses collègues. Après plus de 100 jours de reportage, il avait de nombreuses raisons de partir, certaines connues, d’autres non.

L’une de ces raisons était peut-être le fait que 26 membres de sa famille dans la ville de Deir el-Balah [à mi-distance entre la ville de Gaza et Rafah] ont été tués par une frappe aérienne israélienne le 12 octobre. Le désespoir et le deuil peuvent s’accumuler lentement et frapper sans prévenir. La semaine dernière, un site d’information égyptien a rapporté qu’un avion militaire qatari avait attendu Motaz Azaiza à l’aéroport égyptien d’El Arish, dans le Sinaï, et l’avait emmené à Doha, la capitale du Qatar. Mais son départ, qui s’est déroulé sans encombre, est l’exception qui confirme la règle.

La seule issue et solution

Les personnes mentionnées dans les cinq premiers paragraphes font référence à une route dont les Egyptiens nient l’existence mais qui est connue de tous. De nombreux médias, dont Haaretz, en ont parlé. Pour un prix élevé – qui est passé de 4000 dollars au début de la guerre à 10 000 dollars par personne, aujourd’hui – des intermédiaires anonymes promettent de faire passer les habitants de Gaza par le point de passage de Rafah vers l’Egypte. L’euphémisme utilisé pour désigner cette vaste entreprise de corruption est « coordination ».

Les Egyptiens ont catégoriquement démenti un article publié le 8 janvier par The Guardian sur ce phénomène qui a commencé avant la guerre. Diaa Rashwan, directeur du service d’information de l’Etat égyptien, a déclaré que les droits de douane étaient perçus à Rafah conformément à la législation égyptienne, mais que n’étaient pas fondés les rapports faisant état de pots-de-vin versés par des fonctionnaires pour le franchissement de la frontière.

« Est-il vrai que les coordinations ont cessé ? » a demandé Sara M. mercredi 24 janvier au soir au sein du groupe Facebook. En fait, dans les jours qui ont suivi le démenti, des gens ont appris qu’il n’était plus possible de payer pour passer le point de passage. Mais un habitant de Rafah a déclaré à Haaretz ce jour-là que ce système avait repris, et une personne sur Facebook a dit à Sara : « Cela a pris fin seulement dans ce qui est rapporté par les médias. »

Dans son démenti, Diaa Rashwan a appelé les Palestiniens à signaler aux autorités égyptiennes toute pression exercée par des personnes cherchant à tirer profit du souhait des Palestiniens de passer par le point de passage. Il est presque certain que personne ne donnera l’information. Tout d’abord, ce paiement, aussi inaccessible soit-il pour la plupart des habitants de Gaza, semble être la seule bouée de sauvetage, un rêve ou une corde à saisir, d’autant plus que la fin de la guerre s’éloigne de plus en plus dans le temps.

Il est vrai qu’il existe aussi un ethos patriotique pour rester à Gaza. Il s’agit en partie d’une résistance aux objectifs déclarés des partisans de la droite israélienne qui cherchent à s’y installer après avoir expulsé les Palestiniens [1]. Il y a aussi le sumud [persévérance inébranlable] traditionnel, la fermeté, une position consciente adoptée avec ou sans choix. C’est devenu une seconde nature en raison du lien profond de la population avec son lieu de naissance. Mais cette éthique n’a jamais été aussi fortement en conflit avec le désir de vivre, les inquiétudes concernant les enfants et leur avenir, et le besoin fondamental d’être préservée de la peur de la mort ou des blessures graves que l’on peut subir à chaque instant.

La deuxième raison est que les gens sont convaincus que les « coordinateurs » de sortie rémunérés sont liés aux services de sécurité égyptiens, c’est-à-dire au cœur de l’establishment. « La liste des personnes quittant Rafah n’est pas seulement contrôlée par des agents au point de passage, mais par les plus hauts fonctionnaires du Caire », a déclaré à Haaretz un chercheur égyptien qui a requis l’anonymat. Il a précisé que tous les Egyptiens qui travaillent à Rafah – même les concierges – sont soumis à un processus de contrôle strict par des personnes haut placées. Tous les services de sécurité égyptiens sont représentés à Rafah. L’Egypt’s General Intelligence Service y est l’autorité centrale. « Il s’agit d’une corruption autorisée par l’Etat ; il n’est pas nécessaire de comprendre la physique nucléaire pour arriver à cette conclusion », selon ce chercheur.

Le démenti officiel est ridicule, a-t-il déclaré. Selon lui, la corruption a commencé en 2005 avec le retrait d’Israël de la bande de Gaza, la fermeture quasi hermétique du point de contrôle israélien d’Erez avec Gaza et le début de la fermeture du point de passage de Rafah pendant de longues périodes pour des raisons de sécurité. « Quiconque semble choqué feint probablement la surprise. Comme partout ailleurs dans le monde, la guerre exacerbe le phénomène. Pendant des années, il y a eu une alternative au passage normal : les tunnels. Même là, l’argent parvenait aux agents de sécurité et aux officiers égyptiens. Les noms ont changé, mais la méthode est restée la même. A une différence près : aujourd’hui, ce point de passage connaît une sorte d’embouteillage, car c’est le seul moyen pour les habitants de la bande de Gaza de sortir et d’entrer en contact avec le monde extérieur. »

Un habitant de Gaza qui, avant la guerre, se rendait régulièrement à l’étranger pour des raisons familiales décrit le type d’embouteillage durant les périodes dites normales. « Le point de passage égyptien peut traiter environ 500 personnes par jour, alors que chaque jour, au moins 10 000 habitants de Gaza veulent et doivent voyager », explique-t-il.

La forte demande concernait les étudiant·e·s qui étudiaient à l’étranger, les hommes d’affaires, les patients dont le traitement n’était pas disponible à Gaza et qu’Israël n’autorisait pas à se rendre dans les hôpitaux de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, les personnes qui avaient (et ont) de la famille dans d’autres pays, et tout simplement les personnes qui voulaient se libérer de la prison appelée Gaza et qui ont réussi à obtenir un visa de touriste pour un autre pays. Même les quelques centaines de personnes qui passent chaque jour subissent des retards de plusieurs heures pour des raisons obscures. « Comment se fait-il que ce qui est possible à l’aéroport du Caire – des passagers passant le contrôle frontalier en quelques minutes – prenne 12 heures à Rafah ? Je ne comprends pas », dit cet habitant de Gaza.

En raison de l’écart entre la capacité limitée du point de passage et le nombre de personnes cherchant à partir, un système d’enregistrement anticipé des demandeurs avait été mis au point par le ministère de l’Intérieur contrôlé par le Hamas. La date prévue était communiquée, mais il n’y avait aucune garantie qu’elle serait respectée. En général, il fallait plusieurs semaines pour que le tour de la personne enregistrée arrive. Dans un message texte envoyé à son téléphone, elle était informée du jour et du numéro de l’autobus auquel elle était affectée.

Par le passé, Haaretz a appris que les autorités du Hamas donnaient la priorité à leur personnel et à leurs associés lorsqu’elles établissaient les listes des personnes qui partaient. Depuis 2014, et surtout ces trois dernières années, la transparence a été introduite pour s’assurer que les premiers à s’inscrire seraient les premiers à partir. Dans les cas vraiment urgents, il a été possible d’utiliser des « contacts » avec de hauts responsables du Hamas, qui se « coordonnaient » directement avec les Egyptiens. Mais, comme me l’a assuré un habitant de Gaza, ces numéros de téléphone étaient généralement accessibles à tous.

Pour ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas attendre longtemps, il existait des agences de voyage palestiniennes qui, moyennant quelques centaines de dollars, accéléraient le processus. Certaines de ces agences étaient liées à une entreprise publique égyptienne de tourisme appelée Ya Hala. Le service comprenait un raccourcissement de la période d’attente et une enquête précoce pour s’assurer qu’il n’y avait pas de problèmes de sécurité, que ce soit de la part d’Israël ou de l’Egypte.

Il y avait donc une « coordination » régulière qui coûtait entre 100 et 300 dollars par personne en fonction de la saison et de la situation politique. On pouvait attendre jusqu’à une semaine avant le départ. Et il y avait une « coordination VIP » pour environ 700 à 900 dollars : avec départ dans les trois jours. Vous êtes assis dans une pièce séparée du passage de Rafah – avec une tasse de café et l’air conditionné – et votre transport jusqu’au Caire est organisé à l’avance par la compagnie. Vous n’étiez pas harcelé aux points de contrôle militaires en cours de route.

De lourds pots-de-vin ab absurdum

Lorsque la guerre a éclaté, le point de passage de Rafah a été fermé aux habitants de Gaza pendant près d’un mois. Une fois qu’il a été ouvert – et, là encore, d’abord aux détenteurs de passeports étrangers –, la société Ya Hala a cessé de fournir ses services de « coordination », en raison de la décision du Caire de ne pas permettre une fuite massive des habitants de Gaza vers l’Egypte. Pour environ 650 dollars, Ya Hala ne s’occupe plus que des Palestiniens citoyens égyptiens dont le départ, pour quelque raison que ce soit, n’a pas été immédiatement autorisé par Le Caire.

Pour les autres, le prix est passé de quelques centaines de dollars à 10 000 dollars par personne, ce qui signifie que seules quelques personnes – les habitants de Gaza les plus riches et les mieux connectés, ou ceux qui ont de riches parents à l’étranger – peuvent fuir le cauchemar sans fin que connaissent plus de 2 millions d’habitants de Gaza.

Les intermédiaires ne sont pas connus par leur nom, et leur lien avec les entités au point de passage n’est pas clair non plus. Leurs numéros de téléphone sont obtenus par le bouche-à-oreille ou par des annonces sur les médias sociaux. Les « vrais » courtiers demandent à recevoir la moitié du montant à l’avance et l’autre moitié de l’autre côté. Si le départ n’est pas possible, l’argent est remboursé. Les escrocs s’emparent de l’argent lorsque le payeur découvre que son nom ne figure pas sur la liste.

Les personnes qui ne sont pas tenues de payer ces frais exorbitants sont les suivantes : les Palestiniens ayant la double nationalité, ou les parents au premier degré de citoyens étrangers dans les pays qui autorisent leur entrée, ou encore ceux qui ont des liens particuliers avec les ambassades de divers pays, ou qui ont soumis des demandes spéciales aux services de sécurité égyptiens et israéliens pour autoriser leur sortie. Selon le site Internet du coordinateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires, depuis le début de la guerre jusqu’au 22 janvier, environ 14 300 personnes ayant la nationalité de 69 pays ont quitté le territoire par Rafah après avoir été soumises à une « évaluation de sécurité ».

Lorsque la sortie est « coordonnée », l’autorité frontalière, qui est contrôlée par le Hamas, publie une liste complète des personnes qui partent, avec leur nom complet et leur numéro d’identification, et parfois leur année de naissance et leur numéro de téléphone. Il s’agit d’une liste reçue des autorités frontalières égyptiennes, après avoir été contrôlée par les autorités israéliennes. Une minorité est constituée de personnes malades ou blessées, ainsi que de leurs accompagnateurs. Tous les autres apparaissent généralement sous le nom du pays qui a organisé le départ. Les habitants de Gaza affirment que les personnes qui paient pour la « coordination » figurent sur la liste des Egyptiens.

Haaretz n’a pas pu déterminer le nombre total de personnes qui ont quitté Gaza, mais le COGAT (Administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens) lui a indiqué que « le processus de départ des Palestiniens de Gaza vers l’Egypte est coordonné entre Israël et l’Egypte ». Certains des Palestiniens qui sont des citoyens de pays étrangers, ou des parents au premier degré de citoyens étrangers, ont été informés par les ambassades que c’était Israël qui avait interdit leur sortie. Certaines ambassades ne disent pas à leurs citoyens quelle partie a refusé leur départ.

Mais les Palestiniens soupçonnent qu’il y a des cas où les Egyptiens interdisent la sortie, afin que des pots-de-vin soient versés. Selon une source, des fonctionnaires palestiniens – vêtus d’uniformes de la police de l’Autorité palestinienne mais subordonnés au Hamas – inspectent également les personnes qui quittent le pays par Rafah. Selon une personne qui est partie récemment, ces fonctionnaires ne jouent aucun rôle dans le processus d’approbation ou de refus du départ.

Du côté égyptien de Rafah, un visa est délivré pour trois jours. Sur le sceau, il est indiqué que 25 dollars ont été payés (comme à l’aéroport), mais, comme l’a dit récemment une femme qui a quitté Gaza, « nous payons 35 dollars, et nous ne savons pas à qui vont ces 10 dollars supplémentaires ».

Les personnes qui souhaitent rester en Egypte sont autorisées à prolonger leur permis d’un mois auprès du ministère de l’Intérieur. Les personnes qui dépassent la durée de leur séjour doivent payer une amende lorsqu’elles quittent le pays ou retournent à Gaza. Beaucoup de ceux qui paient les prix élevés de la « coordination » tiennent également compte du fait qu’ils devront payer l’amende pour avoir enfreint les conditions du visa.

Le chercheur égyptien mentionné explique que, théoriquement, l’entreprise de corruption à la frontière contredit la décision de l’Egypte de ne pas laisser les habitants de Gaza fuir la bande pendant les bombardements israéliens sur Gaza. Mais, dit-il, « en fait, l’un encourage l’autre. Le fait que le point de passage soit fermé permet d’exiger et d’accepter de lourds pots-de-vin ad absurdum. » Il ajoute : « Même les citoyens égyptiens présents à Gaza n’ont pas été autorisés à partir immédiatement, et ils doivent maintenant payer pour la “coordination”. L’Etat [égyptien] – qui est en situation de faillite – permet cette corruption, et ce au plus haut niveau, afin que ses fonctionnaires et officiers soient satisfaits et conservent leur loyauté. »

« Nous sommes, en somme, les vaches à lait de l’Egypte », ajoute un habitant de Gaza qui a perdu de l’argent au profit d’un intermédiaire, même s’il a finalement traversé sans cette aide.

Un membre du groupe Facebook nommé Marie met en garde contre un vétéran de l’escroquerie d’origine turque qui a escroqué les familles des blessés et des défunts. Il prétend maintenant être jordanien, écrit-elle. « Qu’Allah te coupe la main et te gèle la langue », a-t-elle écrit. En réponse à un message, quelqu’un a commenté : « L’une des conditions pour mettre fin à la guerre doit être l’ouverture d’un passage maritime vers Chypre, car le passage de Rafah, sous la férule du régime égyptien actuel, implique l’humiliation et l’avilissement de tous ceux qui le traversent. »

Article publié dans le quotidien israélien Haaretz le 29 janvier 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre.


[1] Le dimanche 28 janvier était organisé à Jérusalem dans la salle de conférence appelée Binyanei Ha’uma International Convention Center un vaste rassemblement ayant, entre autres, pour thème le transfert des Palestiniens hors de la bande de Gaza.

On y trouvait de nombreux membres de la Knesset et du gouvernement. Nir Hasson, dans Haaretz du 29 janvier, égrène les noms suivants : Bezalel Smotrich, ministre des Finances et ministre délégué de la Défense, Orit Malka Strouck, du Parti sioniste religieux et ministre des Colonies (Implantations !), Itamar Ben-Gvir, du parti Force juive, ministre de la Sécurité nationale, Amichai Eliyahu, du parti Force juive et ministre du Patrimoine, et Yitzhak Wasserlauf, de Force juive, ministre du Néguev, de Galilée et de la Résilience nationale, Haim Katz, ministre du Tourisme, membre du Likoud, Amichai Chikli, ministre de la Diaspora et de l’Egalité sociale, membre du Likoud, Shlomo Karhi, ministre des Communications, membre du Likoud)… Sur le site pro-israélien i24news, en date du 28 janvier, était clarifié l’objectif de cette assemblée dite « festive » : « reconstruire les implantations juives israéliennes au cœur de la bande de Gaza et encourager l’émigration de la population palestinienne après la fin de la guerre contre le Hamas ». Selon i24news, Itamar Ben-Gvir a déclaré : « Le temps est venu de revenir dans le Gush Katif [groupe de colonies au sud de Gaza établies après 1967] et d’encourager l’émigration volontaire », faisant allusion aux implantations israéliennes autrefois installées à Gaza et évacuées en 2005. »

Par « émigration volontaire », ces forces entendent la déportation des Palestiniens dans la continuité de 1948 et de politique de colonisation par refoulement en Cisjordanie. Toujours selon i24news, Smotrich a affirmé : « sans implantation, il n’y a pas de sécurité. Et sans sécurité aux frontières d’Israël, il n’y a pas de sécurité dans aucune partie d’Israël », avant de conclure : « Si Dieu le veut, ensemble nous réglerons la question et nous serons victorieux. »

La réalisation de ce projet – réunissant des éléments d’une politique génocidaire – du gouvernement Netanyahou est connectée aux résultats de la guerre, c’est-à-dire à la situation militaire sur le terrain une fois la guerre « terminée ». C’est cette situation qui déterminera la réalisation complète, partielle de ce type de plan tel qu’exprimé lors de cette « conférence ». (Réd.)

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Amira Hass

Amira Hass est journaliste pour ce quotidien, elle a longtemps été correspondante à Gaza et dans les territoires occupés. Deux de ses livres ont été traduit en français, aux Editions La Fabrique, retraçant les conditions d’existence et les questions politiques des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie dans les années 1990 et le début des années 2000 : Boire la mer à Gaza (2001) et Correspondante à Ramallah : 1997-2003 (2004).

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