15 janvier 2025 | tiré du site de Révolution permanente | Cet article est paru dans La Izquierda Diario le 13 janvier 2025.
https://www.revolutionpermanente.fr/La-bataille-navale-et-la-lutte-pour-l-Arctique-entre-les-Etats-Unis-et-la-Chine
À une semaine de l’investiture de Trump, un rapport demandé par l’administration Biden donne au nouveau président l’occasion de mettre en avant sa politique agressive vis-à-vis de la construction navale et de la bataille pour l’Arctique. Un sujet très sensible, comme en témoignent les déclarations de Trump sur un éventuel achat du Groenland.
Ce lundi, le Bureau de la Représentante américaine du commerce (USTR, United States Trade Representative), dirigé par la démocrate Katherine Tai, a présenté les résultats d’une enquête entamée en avril 2024. Elle concerne la section 301 du Trade Act de 1974 - qui permet aux États-Unis de pénaliser les pays étrangers qui se livreraient à des actes « injustifiables » ou « déraisonnables », ou qui porteraient atteinte au commerce des Etats-Unis.
L’étude a montré que la Chine a développé sa construction navale et son industrie maritime pour dominer le secteur au niveau mondial en « utilisant le soutien financier de l’État, les barrières pour les entreprises étrangères, le transfert forcé de technologie et le vol de propriété intellectuelle, ainsi que les politiques d’approvisionnement » pour donner un avantage à ses industries.
Cette pratique n’est pas nouvelle, car la Chine y a eu recours dans des secteurs industriels clés pour accélérer son développement au cours des dernières décennies. Cependant, l’industrie navale (tout comme les micropuces), qui comprend la construction navale commerciale et militaire, représente un secteur stratégique dans la lutte pour le pouvoir et un domaine dans lequel les États-Unis se sont particulièrement affaiblis.
L’enquête montre que la part de la Chine dans l’industrie mondiale de la construction navale, qui s’élève aujourd’hui à 150 milliards de dollars, est passée de 5 % en 2000 à plus de 50 % en 2023, tandis que les constructeurs navals américains, autrefois les plus importants, ont vu leur part chuter en dessous de 1 %.
Aux États-Unis, il ne reste plus que 20 chantiers navals publics et privés, contre plus de 300 au début des années 1980. Selon certains experts, la reconstruction de l’industrie navale et maritime des Etats-Unis prendrait des décennies et coûterait des dizaines de milliards de dollars. Trump lui-même a laissé entendre que les États-Unis pourraient devoir se tourner vers leurs alliés pour construire les navires de guerre dont l’armée américaine aurait besoin. On peut alors penser à la Corée du Sud et au Japon, qui sont les deuxième et troisième constructeurs après la Chine.
Trump a déjà utilisé les mêmes dispositions de la Section 301 pour imposer des tarifs sur des centaines de milliards de dollars d’importations chinoises lors de son premier mandat, des tarifs qui ont été maintenus et même renforcés sous l’administration Biden.
Ce nouveau rapport permettra à Trump d’avoir dans son jeu un « motif valable » pour menacer de nouveaux droits de douane, comme lorsqu’il a déclaré pendant sa campagne électorale qu’il appliquerait des taux allant jusqu’à 60 % sur les importations de certains produits, bien qu’il y ait de nombreux doutes sur la faisabilité d’une telle mesure, qui impliquerait un saut inflationniste sur les matières premières et les produits fabriqués à l’intérieur des États-Unis. Mais l’industrie de la construction navale n’est pas la même et implique une menace directe pour la sécurité américaine dans le contexte du déclin hégémonique des États-Unis.
C’est pourquoi le nouveau conseiller à la sécurité nationale de Trump, Mike Waltz, a également participé à la rédaction accélérée d’un projet de loi bipartisan avec le sénateur démocrate Mark Kelly pour revitaliser l’industrie de la construction navale américaine avant de démissionner du Congrès.
La lutte pour l’Arctique fait partie de ce combat géopolitique, que Trump a poursuivi la semaine dernière en suggérant qu’il avait l’intention d’acheter le Groenland et qu’il n’excluait pas une action militaire pour s’emparer de ce territoire stratégique.
La route de la soie polaire
La Chine a acquis un avantage inégalé sur les États-Unis dans l’Arctique et mène une stratégie propre dans la région. La Route maritime du Nord, également connue sous le nom de Route de la soie polaire, est depuis des années en cours de construction par la Chine, avec l’aide de la Russie.
En janvier 2018, le gouvernement chinois a publié la “Politique arctique de la Chine”, décrivant son plan pour « utiliser les ressources de l’Arctique » et « participer activement à la gouvernance de l’Arctique et à la coopération internationale ». Parmi les points centraux figurent : 1) la participation de la Chine au développement des routes maritimes arctiques ; 2) participer à l’exploration des sols et à l’exploitation du pétrole, du gaz, des minéraux et d’autres ressources non vivantes ; 3) participer à la conservation et à l’utilisation de la pêche et d’autres ressources vivantes ;
4) participer au développement du tourisme.
Dans la section « Participation active à la gouvernance de l’Arctique », on peut lire que « la Chine soutient le système actuel de gouvernance de l’Arctique fondé sur la Charte des Nations unies et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, et joue un rôle constructif dans l’élaboration, l’interprétation, la mise en œuvre et le développement des normes internationales liées à l’Arctique, et sauvegarde les intérêts communs de toutes les nations et de la communauté internationale ». En d’autres termes, alors que Trump menace d’une action militaire pour s’emparer du Groenland, la Chine se positionne comme puissance hégémonique afin de « sauvegarder les intérêts communs », tout en avançant dans le développement d’une flotte maritime capable de représenter un danger pour Washington.
Comme le note Yong Jian dans Asia Times, « au cours des sept dernières années, la Chine a fait des progrès significatifs dans la mise en œuvre de ses politiques en Arctique. Par exemple, lors de la seconde moitié de 2023, NewNew Shipping Line, une société chinoise qui s’est associée à la Russie, a effectué sept voyages en porte-conteneurs entre l’Asie et l’Europe via l’océan Arctique. En juillet dernier, elle a inauguré une nouvelle route arctique reliant Shanghai à Saint-Pétersbourg ».
Cette route peut raccourcir d’un tiers l’itinéraire traditionnel entre l’Asie et l’Europe qui passe par le détroit de Malacca et le canal de Suez, et revêt une importance stratégique pour Pékin.
Le détroit de Malacca, situé entre la Malaisie et l’île indonésienne de Sumatra, est la principale voie de navigation entre l’océan Pacifique et l’océan Indien. Environ un quart du commerce mondial de marchandises, comme le pétrole et les produits manufacturés chinois, passe par ce détroit. Environ un quart de tout le pétrole transporté par voie maritime passe par ce détroit, principalement en provenance des fournisseurs du golfe Persique vers les marchés asiatiques chinois, japonais et sud-coréens.
En d’autres termes, si les États-Unis tentaient de bloquer le détroit de Malacca par des moyens militaires, l’approvisionnement en pétrole de la Chine serait immédiatement confronté à un grave problème. C’est pourquoi le développement de la route maritime du Nord permet non seulement de gagner du temps et de réduire les coûts, mais surtout d’ouvrir une autre voie pour sécuriser l’approvisionnement énergétique de la Chine.
L’acquisition du Groenland par les États-Unis, qui pour l’instant n’est envisagée que dans les discours de Trump, pourrait aider l’impérialisme américain à retarder les projets de la Chine dans la région et à rendre la navigation dans ces eaux beaucoup plus coûteuse grâce à une augmentation disproportionnée de l’assurance maritime dans une région qui serait considérée comme une zone de guerre.
Plus largement, les fanfaronnades de Trump s’inscrivent dans le contexte de déclin de l’hégémonie du principal pays impérialiste. Dans un monde, où s’accentuent de plus en plus les tendances à la guerre, où les grandes puissances augmentent leurs budgets militaires, une politique plus agressive de la part du nouveau président américain ne peut que jeter de l’huile sur le feu.
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