Édition du 17 décembre 2024

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Libre-échange

La Ville de Québec doit se prémunir contre l'AÉCG

Le gouvernement du Canada négocie actuellement, à huis clos, un traité de libre-échange bilatéral avec l’Union européenne : l’Accord économique et commercial global (AÉCG). Plusieurs acteurs de l’économie locale et du milieu communautaire, des syndicats, des élus et de simples citoyens, ont manifesté leurs inquiétudes concernant cet accord au cours des derniers mois.

Suivant la « tradition du secret » instaurée dès les premiers accords de ce type, la société civile et la grande majorité des élus sont tenus à l’écart de ces négociations et ne sont pas informés de leur contenu. Les seules informations substantielles que nous obtenons au sujet de cet accord proviennent de fuites. Pourtant, l’AÉCG va plus loin encore que l’ALÉNA en terme de mondialisation des marchés, et il pourrait avoir des conséquences importantes sur l’organisation sociale en affaiblissant encore davantage le poids démocratique de la société civile face à la grande entreprise.

En effet, les informations rendues publiques par le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) démontrent que cet accord comportera une clause de protection des investissements, telle que celle qui est présente dans le controversé chapitre 11 de l’ALÉNA. Cette clause permet aux entreprises de poursuivre les différents paliers de gouvernement pour perte de profits escomptés, lorsque ceux-ci, pourtant élus démocratiquement, adoptent des lois ou règlements afin de mieux protéger l’environnement ou les acquis sociaux, et que ces lois ont un impact sur les activités de ces entreprises. Les litiges se règlent en privé, dans des tribunaux administratifs supranationaux, et rien n’oblige les gouvernements à divulguer les montants en jeu aux citoyens, même s’il s’agit d’argent public.

Outre cette disposition controversée, qui a donné lieu à plus de trente poursuites au Canada depuis la ratification de l’ALÉNA, l’AÉCG augmente la pression sur les marchés publics québécois et canadiens. Les marchés publics représentent tous les approvisionnements en biens ou en services faits par les différents paliers de gouvernement, les sociétés d’État et les secteurs publics et parapublics.

Ces marchés publics, qui représentent pas moins de 179 milliards de dollars au Canada et 28,7 milliards de dollars pour le seul gouvernement du Québec, ont jusqu’à récemment été exclus des traités de libre-échange pour des raisons évidentes. En effet, ils représentent un puissant levier économique permettant au gouvernement de favoriser, par exemple, des entreprises locales, des produits plus écologiques ou socialement responsables. Leur intégration dans l’AÉCG fera en sorte que les appels d’offres du secteur public seront désormais ouverts aux entreprises européennes et, surtout, soumis à des règles strictes, non décidées démocratiquement, qui empêcheront de favoriser les retombées locales (emplois, contenus, etc.).

Les multinationales de l’eau comme Véolia et Suez vont ainsi pouvoir s’ingérer de plus en plus dans la gestion de l’eau au Québec, d’autant que les services d’eau potable et d’assainissement ne sont pas exclus des négociations. Tout cela pave la voie à la privatisation de ses services. Or, à travers le monde, la privatisation de ces services a causé des hausses de tarifs, des frais supplémentaires pour les municipalités, une baisse de qualité de l’eau, un accès restreint à l’information pour les citoyens et des coupures de service. Pour ces raisons, dans plusieurs pays d’Europe, des municipalités qui avaient choisi de privatiser ces services ont choisi de les remunicipaliser. Avec la disposition de protection des investissements contenue dans l’AÉCG, un retour vers des services publics à la suite de privatisations sera très difficile et coûteux, voire impossible.

Parce que des éléments qui relèvent de compétence municipale sont inclus dans cet accord sans que les villes soient invitées à la table des négociations, une cinquantaine de villes canadiennes ont adopté des résolutions concernant l’AÉCG.

La Ville de Québec a d’ailleurs adopté, en 1998 et en 2005 notamment, de semblables résolutions s’opposant à l’ingérence d’accords économiques internationaux dans les champs de compétence municipaux. Elle se doit, par souci de cohérence et de prudence, de faire de même en ce qui concerne l’AÉCG. Nous exhortons le conseil exécutif de la Ville de Québec d’accéder à la demande des groupes de la société civile qui souhaitent le rencontrer afin de lui faire part de leurs préoccupations et lui proposer un modèle de résolution.

À l’instar de Burnaby, Saskatoon, Kingston, Toronto, Montréal et Baie-Comeau, il est impératif que Québec adopte une résolution demandant une exemption complète de cet accord bilatéral. Les élus municipaux doivent conserver tous leurs leviers d’action. La qualité de vie des citoyens et le contrôle démocratique doivent avoir préséance sur les visées financières d’une poignée de multinationales.

Signataires :

Les AmiEs de la Terre de Québec

Regroupement d’éducation populaire en action communautaire (REPAC 03-12)

Conseil régional de l’environnement Capitale-Nationale (CRE 03)

Nature Québec

Comité logement d’aide aux locataires (CLAL)

Association pour la Défense des Droits sociaux du Québec métropolitain (ADDS-QM)

Association de consommateurs en économie familiale (ACEF de Québec)

Carrefour d’animation et de participation à un monde ouvert (CAPMO)

La Marée des mots

Conseil Central de la CSN de Québec et Chaudière-Appalaches

Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau EAU SECOURS !

Conseil des Canadiens

Syndicat canadien de la fonction publique

Groupe de simplicité volontaire de Québec

Corporation de défense des droits sociaux (CDDS) Lotbinière

Maison Communautaire Missinak

Regroupement des organismes communautaires (ROC) 03

Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-nationale (RGF 03)

Développement et Paix

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