Mais il y a une réalité économique de la classe ouvrière américaine que nous devons prendre en compte dans cette lutte contre la pandémie. Plusieurs constats sont particulièrement importants pour la gauche américaine : les statistiques démontrent effectivement qu’il y a vingt-six millions de travailleurs et travailleuses qui ont perdu leurs emplois depuis le début de la crise du COVID-19. Des études faites par certains économistes progressistes ont déterminé que la moyenne des comptes en banques pour les travailleurs et travailleuses contient environ 400$.
La classe ouvrière américaine, comme l’ensemble des travailleurs et des travailleuses dans ce monde capitaliste, vit de chèque en chèque. Il ne faut pas oublier que plusieurs états ne sont pas nantis comme la Californie et l’État de New York. La plupart des États sont pauvres et ils se sont appauvris davantage avec la crise du COVID-19. Certains états comme l’Arkansas, la Caroline du Sud, le Mississippi, le Missouri et bien d’autres ont un programme de chômage qui dure en moyenne deux semaines. Les vingt-six millions de travailleurs et travailleuses ont aussi perdu leur assurance médicale, payée par l’employeur, pour se payer un médecin et les services d’un hôpital. La réalité objective des travailleurs et travailleuses américains dans la pandémie du COVID-19 est donc catastrophique.
Parmi les vingt-six millions de travailleurs et travailleuses sans emploi, plusieurs qui manifestent pour l’ouverture de l’économie ont voté pour Trump en 2016. La critique adressée à ce moment-là était que la gauche américaine avait délaissé cette faction de la classe ouvrière, qui était perçue comme un élément de droite. Aujourd’hui, plusieurs militants et militantes de la gauche ont reconnu cette position comme une grave erreur. La gauche a oublié que la classe ouvrière est malheureusement assujettie à la propagande capitaliste organisée par les médias de masse, qui ont pour rôle de diviser les travailleurs et les travailleuses pour mieux les exploiter et les opprimer. Cette aliénation subite par la classe ouvrière (voir les Manuscrits 1844 de Karl Marx) est plus pernicieuse aujourd’hui, surtout avec l’omniprésence de la société du spectacle (voir La Société de spectacle de Guy Debord).
Les médias capitalistes ont la tache actuellement de maintenir la conscience de classe a son plus bas niveau. Donnons aux travailleurs et aux travailleuses une forte dose quotidienne d’une programmation qui détruit leur capacité de penser, d’imaginer, et éventuellement d’agir contre leur propre exploitation et leur oppression. Avec les instruments d’information dans les mains des capitalistes, si la gauche n’intervient pas avec une éducation populaire, la classe ouvrière va demeurer endoctrinée par les idées capitalistes. L’erreur commise en 2016 par la gauche américaine ne doit pas être répétée, sinon les travailleurs et les travailleuses dans la rue, indépendamment de leur niveau de conscience, seront encore une fois capté-e-s par les forces réactionnaires de la société américaine.
Ceci ne veut pas dire que les travailleurs et les travailleuses affecté-e-s par cette pandémie se regrouperont demain matin sous la bannière de la gauche américaine, mais le travail à mener présentement est de travailler avec la masse des ouvriers et des ouvrières, pour semer parmi eux et elles, d’une part, la pensée critique marxiste et, d’autre part, promouvoir l’unité dans la lutte. C’est la raison pour laquelle nous sommes témoins de l’organisation d’une grève générale pour le 1er mai aux États-Unis.
Il y vingt organisations, de Nouvelle-Orléans, San Francisco, New York, Oakland, et Washington D.C., plus un soutien des camarades internationaux de l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre et du Québec, qui appuie cette initiative de Kali Akuno de Cooperation Jackson au Mississippi. L’idée est de créer une grève que ces organisateurs appellent « People’s Strike » pour retenir les loyers et les hypothèques dus au début mai.
Ces organisations sont des groupes populaires qui luttent, dans les villes mentionnées, auprès des communautés plus démunies - afro-américaines, hispanophones et les autres minorités visibles et invisibles - pour le logement social, et qui sont soutenus par les syndicats locaux comme la International Longshoremen Workers Union à Oakland. Ces groupes populaires sont justement en contact avec les vingt six millions de travailleurs et de travailleuses sans emploi présentement, qui ont tout perdu.
Selon les organisateurs, à la base de ce mouvement, le but est de mener à la création d’un mouvement de masse ancré dans les luttes concrètes et locales. La DSA est de la partie sur la côte ouest et dans le sud au Texas. Ceci est de bonne nouvelle pour la DSA, qui est au cœur du débat sur l’avenir de la gauche américaine et le développement d’un mouvement de masse post-Sanders.
Ce qui est encore plus intéressant, dans cette organisation pour développer un mouvement de masse, c’est le rôle joué par les groupes populaires. Ces derniers ne font pas uniquement du communautaire, mais sont capable de jumeler la politique, le contact avec certains syndicats radicaux et d’intégrer le travail communautaire dans le milieu de la politique radicale. Pour eux et elles, il n’y a pas de contradiction entre ces différentes pistes de militantisme, ce qui veut aussi dire que la politique radicale demeure au centre de cette unité au sein de la société civile.
Nous voyons alors une toile qui se tisse entre les différents groupes, tout en gardant une stratégie axée sur le terrain et en maintenant un débat idées et des réflexions politiques. Le mot ordre qui semble ressortir de l’action de Sanders, et qui devient son héritage laissé à la gauche américaine, est que l’unité n’est pas synonyme d’uniformité
Nous devons suivre très attentivement cette volonté d’organiser un « People’s Strike », et voir comment cette initiative peut influencer la direction du débat politique au sein de la gauche américaine. Nous sommes témoins des premiers jalons d’une gauche qui a beaucoup d’espoir de consolider et d’enraciner son avenir. La route sera longue et très ardue - nous parlons quand même ici des États-Unis, où l‘oppression des progressistes, de la gauche, des socialistes, des anarchistes (Saco et Vanzetti) et, évidemment, des communistes, a une longue histoire.
Oui, la lutte continue. Lotta Continua
Un message, un commentaire ?