Pour le moment, la tension monte. Il est encore tôt pour prédire où cela va déboucher sauf qu’on peut être à peu près certain que cela va produire de grandes confrontations. Comme toujours, les grandes puissances évitent de s’affronter directement, c’est trop dangereux. Elles le font sur le dos des autres, par forces interposées. C’est certainement le cas au Moyen-Orient. La Chine et ses alliés russe et iranien ont marqué des points récemment contre les États-Unis incapables de ramener l’« ordre ».
En substance, une nouvelle puissance ascendante mise sur des dictatures qui sont, pour toutes sortes de raisons, en porte-à-faux avec l’impérialisme américain. Certes, le régime de Bashar el-Assad, comme celui de Saddam Hussein, est le premier responsable des tueries sans précédent et de la destruction du pays. Pour autant, les États-Unis et leurs alliés israéliens et saoudiens voulaient eux aussi mettre le pays à terre. Entre ces deux appareils de destruction sont apparues quelques forces démocratiques qui ont été cependant anéanties.
On voit donc le piège pour des mouvements internationalistes et altermondialistes. Certains, pour remettre sur la table la vision de mouvements de gauche du siècle dernier, applaudissent la victoire de Bashar et de ses protecteurs. C’est la fausse théorie qui consiste à penser que l’ennemi de mon ennemi est mon ami.
Lors des rencontres avec des camarades latino-américains la semaine passée au Brésil, ce débat a rebondi au sujet de la crise qui sévit au Nicaragua et au Venezuela. Presque toutes les personnes rencontrées n’ont aucune illusion sur la nature antidémocratique des gouvernements de Maduro et de Daniel Ortegua. On observe parallèlement une dérive prédatrice, au profit d’une clique (la « bolibourgeoisie » militaire au Venezuela), et au détriment du peuple condamné à la misère et ce, en collusion avec -devinez qui ?- la Chine et la Russie ! Presque tout le monde également est d’accord pour constater le rôle pervers de l’impérialisme américain et de ses alliés brésiliens et colombiens, avec comme objectif de recoloniser le Venezuela, si riche en ressources.
En dépit de ce consensus, il y a de la chicane. Certains pensent que la défense de Maduro (moins d’Ortegua) est la « moins pire » des options. L’impérialisme américain est le danger « principal » et en attendant, il faut se boucher le nez pour défendre le Venezuela. Ce n’est pas l’option préférée des camarades les plus directement concernés, au Venezuela et au Nicaragua. Ceux-ci pensent qu’un appui, même indirect et critique, aboutit à un internationalisme de pacotille, à un « campisme » qui rappelle les pires années de la Guerre froide où plusieurs mouvements de gauche appuyaient, quoiqu’avec beaucoup de réticence, cet horrible État soviétique responsable de tant de malheurs.
Ces camarades nous proposent plutôt de lutter pour la démocratie, de nous opposer à l’intervention américaine (et canadienne), tout en condamnant la répression et le pillage des régimes en place et de leurs protecteurs. C’est heureusement cette perspective qui domine dans les mouvements progressistes au Québec (c’est différent au Canada et aux États-Unis).
Tout cela rend la vie un peu compliquée aux internationalistes que nous sommes. Mais ne pas accepter ce défi serait de tomber dans le piège d’une vision tronquée. La lutte pour la transformation, ce n’est pas de se ranger dans l’un ou l’autre camp impérialiste. Au Venezuela, au Nicaragua et même en Syrie et en Iran, des forces démocratiques résistent, souvent dans des conditions d’une incroyable adversité. Nous devons être à leurs côtés.
Un message, un commentaire ?