Édition du 18 juin 2024

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Le Monde

L'expansion impérialiste interplanétaire : pour bientôt

On parle beaucoup ces temps-ci de politique internationale, de l’impérialisme qui lui est consubstantielle et des rivalités qu’il entraîne. Mais il faut penser aussi au moment où cet impérialisme va déborder des limites terrestres et s’étendre sur les astres voisins et même, beaucoup plus tard, sur tout le système solaire.

C’est dans la logique même de l’impérialisme de s’étendre et de contrôler le plus possible de territoires. C’est ainsi que certaines puissances européennes ont, à partir du seizième siècle, envahi le reste du monde. À moins que de strictes mesures ne soient adoptées là-dessus, on risque l’anarchie dans l’espace motivée par l’appât du gain et l’orgueil national.
L’exploration spatiale a débuté en avril 1961 lorsque le cosmonaute soviétique Youri Gagarine a été le premier homme à faire le tour de la Terre à bord d’un vaisseau spatial. Il n’était que dans la "banlieue" de notre planète mais c’était un pas de géant dans de l’exploration de l’espace. Pour la première fois, un homme y allait en personne.

Durant toute la décennie 1960, on a assisté à une compétition acharnée entre l’URSS et les États-Unis pour la course à la Lune : quelle puissance y parviendrai en premier ? Les Américains ont gagné en mettant le pied sur notre satellite avec Apollo 11 le 21 juillet 1969. Depuis, les missions spatiales habitées sur la Lune, et inhabitées (pour l’instant) ailleurs dans l’espace se sont multipliées. Les sondes ont atteint la planète Mars, certaines y ont atterri pour prélever des échantillons de sol et tenter de trouver des traces de vie. Sans succès jusqu’à maintenant. Tout ceci sans compter les satellites mis en orbite autour de la Terre par plusieurs pays (dont le Canada) pour des prévisions atmosphériques et des études scientifiques. Certains de ces engins sont aujourd’hui en "fin de vie" et il faudra les remplacer. Que faire de toute cette ferraille devenue inutile ? L’éliminera-t-on et si oui, de quelle manière ? Des interrogations sans réponse, en tout cas pour le grand public. Conclusion : le danger de pollution gagne à présent l’espace...

Aux dernières nouvelles (mais s’agit-il d’une ferme décision ?), les États-Unis projettent d’établir une base permanente sur notre satellite la Lune vers 2035. Beijing vient de lancer un engin pour explorer la face cachée de notre satellite. Dans ce contexte, pas besoin d’être grand devin pour prévoir une "course à la Lune" et à Mars entre diverses puissances, non seulement par intérêt scientifique mais aussi économique. États-Unis, Chine, Russie, Union européenne, peut-être aussi Japon. Ces entités étatiques vont essayer de s’installer d’ici quelques décennies sur ces astres, et à plus long terme, sur d’autres.

On ignore si notre satellite contient des ressources minérales exploitables, mais c’est sans doute le cas pour Mars et peut-être aussi pour Vénus, l’autre planète "voisine" de la Terre. Toutefois, il y règne une température infernale qui en rend l’exploitation minière impossible dans l’état actuel de la technologie.

Certains satellites de planètes gazeuses géantes, Jupiter et Saturne présentent un intérêt certain pour l’étude scientifique.

Europe par exemple, une des lunes galiléennes de Jupiter laisse présager la présence d’eau, ce qui peut s’avérer d’un intérêt primordial pour "l’exobiologie". Pareil pour Ganymède et Callisto, autres satellites de Jupiter qui pourraient receler chacune un océan sous-glaciaire. Encelade est une lune de Saturne où on a détecté des geysers de vapeur d’eau provenant du pôle sud de l’astre. Ils sont constitués de sel et de matières organiques, ingrédients jugés indispensables à l’apparition de la vie. La NASA a même annoncé en 2014 la présence d’un océan sous la surface gelée du pôle sud. On croit donc que ce satellite de Saturne constitue, avec Mars un des astres les plus susceptibles d’abriter de la vie. Un autre satellite de Saturne, Titan, possède une atmosphère très développée.

Cérès, une planète naine (un peu moins de mille kilomètres de diamètre) contient des minéraux hydratés, de la glace d’eau, des carbonates et de la matière organique ; on considère probable que cette petite planète contient un océan sous sa glace de surface.
Ces astres sont donc susceptibles d’abriter des formes de vie, mais comme ils sont loins de la Terre, des expéditions ne sont pas à la veille de s’y rendre.

Pour Mars, c’est différent. Plusieurs missions spatiales s’y sont rendues depuis 1964 et dont certaines, les plus récentes, y ont atterri. On sait que le véritable but de l’établissement d’une base permanente sur la Lune est de servir de tremplin pour en implanter une autre sur Mars. Les responsables de ce programme n’ont sans doute pas encore mis au point un calendrier pour réaliser cet objectif, mais on peut aisément prévoir que la "colonisation" de la planète rouge se fera dans quelques décennies.

On ne sait pas quelle sera la nature exacte de la base permanente projetée sur la Lune : scientifique ou économique ? Les deux peut-être, et si oui, dans quelles proportions ?
En tout cas, cette expansion dans les astres voisins du nôtre par certains gros joueurs internationaux (étatiques et privés) pose toute une série de questions qu’il faut examiner dès maintenant si on veut éviter l’apparition éventuelle de conflits interétatiques et le pillage des ressources manières de Mars, par exemple. C’est encore plus vrai pour protéger les planètes abritant peut-être des formes de vie.

Le statut juridique et politique des planètes est pour le moment incertain, non défini, du moins à ma connaissance. Si un droit existe à ce sujet, il ne peut être qu’embryonnaire.
Avant même que les premières bases permanentes soient établies sur la Lune et sur Mars, il importera de définir un cadre juridico-politique concernant leur occupation et régulant la circulation dans l’espace. Sinon, on se dirige vers une anarchie destructrice en raison des rivalités à l’origine de cette expansion entre les puissances hégémoniques.

À moins d’une entente internationale interdisant toute exploitation économique peu importe sa nature de nos planètes voisines, on doit s’attendre à une course au profit. Les rivalités commerciales, économiques, politiques et militaires terrestres risquent fort de s’étendre au-delà de notre planète (déjà assez maganée par la pollution). On peut redouter en particulier la militarisation de l’espace.

On fera peut-être valoir qu’il est légitime d’exploiter d’éventuelles ressources minières sur Mars et Vénus, vu que ces planètes ne contiennent aucune trace de vie. C’est le cas pour Vénus (une vraie fournaise), mais moins pour Mars. Il y a peut-être existé voici très longtemps de l’eau et des formes microscopiques de vie pourraient y subsister sous la surface. On sait qu’il y a du pergélisol et du mollisol. Seule une expédition habitée pourra trancher la question.

L’entente internationale que j’évoquais plus haut devrait faire la distinction entre des planètes abritant éventuellement une forme de vie et les autres, stériles. Les premières devraient être protégées de toute exploitation économique et ne contenir que des bases d’études scientifiques. Quant aux secondes, devrait-on en permettre l’exploitation minière ? Ce n’est pas parce qu’un astre n’héberge aucune forme de vie qu’on dispose du droit d’en abîmer à jamais la surface et le paysage en général. Il s’ensuivrait de plus une pollution de ces planètes par des micro-organismes terrestres qui accompagneraient l’homme dont ils sont les commensaux, modifiant à jamais l’aspect du sol de ces corps célestes, en dépit de toutes les précautions prises pour les éliminer à bord des engins décollant de la Terre. La matière minérale présente autant d’intérêt scientifique que les diverses formes de vie, de laquelle d’ailleurs ces dernières dérivent. Demandez-le aux géologues...

Mais si dépassera le stade des bases scientifiques et que des colonies humaines sont implantées sur d’autres planètes, elles ne pourront à la longue subsister uniquement d’approvisionnements terrestres. Elles devront subvenir à leurs besoins par elles-mêmes. Seuls des échanges commerciaux entre elles et des États terrestres leur procureront les moyens de se maintenir. Que pourront offrir ces établissements aux gouvernements de la Terre sinon des "produits locaux", forcément d’origine minérale ? L’expansion démographique sur ces astres apportera aussi son lot de problèmes, dont celui du statut politique de ces établissements. Mais c’est pour l’instant encore de la science-fiction.
Sans tomber dans l’angélisme, on peut souhaiter dans l’immédiat un traité international régulant l’exploration de l’espace et l’occupation par l’homme d’autres planètes. On doit éviter de laisser le champ libre à l’exploitation débridée de celles-ci. Un équilibre devra être mis au point entre l’exploitation raisonnable de certaines ressources extraterrestres et l’exploration scientifique de l’Univers. Tout est affaire de mesure.

Jean-François Delisle

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