À quelques mois de la COP21 de Paris, le ministre David Heurtel en ajoute une couche en court-circuitant ses propres lois et règlements [1]. Pour les récents gouvernements successifs, le BAPE constitue une véritable patate chaude, surtout lorsque des promoteurs d’hydrocarbures entrent en scène. Nous sommes passés à un autre niveau que celui dénoncé par Harvey Mead en 1998 dans un texte [2] sur la culture du décret. Nous sommes face à une incontestable négation du changement climatique par nos dirigeants.
Nonobstant le véritable imbroglio bureaucratique cultivé par le ministre dans le complexe processus d’évaluation environnementale québécois, dont la finalité est de noyer le poisson, l’absurdité de voir un BAPE sur un nouveau projet d’infrastructure de développement d’hydrocarbures occulter la question du changement climatique relève de l’obscurantisme, du négationnisme climatique à l’américaine.
Bon citoyen, j’imagine des exemples de nouvelles applications que pourrait privilégier le BAPE afin de contrecarrer cette hérésie. Me vient à l’esprit un ensemble de règlements qui obligeraient le ministre de l’Environnement à prendre réellement des décisions qui tiennent compte des personnes qui ont présenté un mémoire, mais aussi à assumer le titre de ministre du Développement durable. On pourrait y inclure des orientations du rapport Brundtland obligatoire pour le ministre. Lorsque l’enjeu est aussi primordial que le changement climatique et que les mémoires déposés sur la question seront oblitérés à la demande expresse du ministre, lors d’un BAPE sur un projet d’hydrocarbures par exemple, le titre de ministre du Développement durable deviendrait caduc avec de véritables conséquences pour les élus.
Ma prétention que les efforts de développement durable sont maintenant sabotés au plus haut niveau de nos instances et que, pour ainsi dire, nos politiciens sont soumis au dictat de l’industrie multimilliardaire des hydrocarbures suscite chez moi une profonde réflexion. Devons-nous comme citoyens jouer le jeu offert par nos administrations publiques ou bien emprunter le chemin de la désobéissance civile comme le propose Nicolas Falcimaigne dans un excellent article du mois d’avril 2015 [3] ? La beauté de la chose étant qu’une évaluation environnementale possède deux côtés d’une même médaille. Si les gouvernements utilisent vraiment le processus d’évaluation environnementale pour orienter leurs décisions, cela augmente grandement la confiance. De l’autre côté, si l’on utilise les audiences publiques comme un outil communicationnel, dans une vaste campagne de relations publiques à la Edelman [4], on ne peut que se rendre à la morosité populaire envers nos dirigeants.
Nos processus d’évaluation environnementale ont par contre le grand mérite de faire éclater à la lumière un obscurantisme grégaire, en unissant les voix et les personnes négationnistes du changement climatique. À l’instar de son congénère américain, le sénateur James Inhofe, chair of the Senate Environment and Public Works Committee, embourbé dans un scandale de 1,2 million de dollars afin de financer des scientifiques négationnistes par les pétrolières [5], le ministre Heurtel discrédite son siège et sa fonction en mandatant un BAPE sans détenir d’avis de projet. Il doit démissionner.
Louis Fréchette
Stop oléoduc Témiscouata
9 juin 2015