Et l’année cycliste 2024, quoi en penser ?
Je constate maintenant que je suis un cycliste dépassé.
Avec un corps fraîchement retraité, je dois bien l’avouer, je n’ai plus l’essence de mes trente ans. Je me fais souvent dépassé, par des jeunes et moins jeunes aux mollets bien plus tendus que les miens. Pour me consoler, je me dis : « il n’y a pas si longtemps, je traversais quotidiennement l’île de Montréal, de Hochelaga à Ahuntsic. » Cet aller-retour vélo-boulot-dodo me permettait d’apprécier un bon deux heures vingt à pédaler, quatre jours semaine. Ce n’est peut-être pas de la vitesse ça, mais un peu d’endurance. N’est-ce pas ?
CIRCUIT POUR ROUES DE TOUT GENRE
Mes nombreux allers-retours m’ont permis d’observer et de me questionner : « devrait-on changer la dénomination voie cyclable (ce qui inclus les bandes et les pistes cyclables) pour circuit pour roues de tout genre ?
Dans le temps, nous qui faisions l’effort de pousser sur des pédales pour articuler un engrenage qui faisait tourner des roues, nous étions « rois et maîtres » des voies cyclables. Maintenant, nous sommes détrônés de plus en plus par toutes sortes d’engin. Il y a maintenant des vélos électriques, des véhicules qui ressemblent à des scooters ou petites motos, des trottinettes électriques, des « uni-roues » électriques, et j’en passe. Les « vrais » cyclistes seront-ils bientôt en voie de disparition ? La propulsion par énergie humaine et sa simplicité deviennent-elle désuètes ?
Je ne sais pas ce qu’en penseraient Claire Morissette et Bob Silverman, ces deux porte-étendards du groupe Le Monde à bicyclette, avec qui j’ai milité dans les années 1980. Elle qui nous a quitté en 2007, lui en 2022. Je leur poserais la question : « y a-t-il du sable dans l’engrenage de la « vélorution » ? Ou la « vélorution » a-t-elle changé de sens ? »
CRÉER DE NOUVEAUX BESOINS
Les capitalistes n’en ont pas assez de produire plus de vélos, il faut qu’ils inventent toutes sortes de machines à propulsion pour augmenter les parts de marché et faire encore plus de profits. Il faut créer de nouveaux besoins. On parle maintenant de bicyclettes intelligentes…
Bon ! Je ne suis pas contre l’idée d’offrir à des gens, qui n’ont pas les mollets suffisants pour pédaler ou qui ont des limitations, la possibilité de prendre la route. Surtout si c’est pour délaisser la voiture. Mais, il y a des gens qui pourraient profiter de l’effort de pédaler avec ses bienfaits pour la santé. On aime mieux dénaturer le vélo, pour en faire autre chose.
Ce qui me désole en plus, c’est l’attitude autour de cette dénaturation.
VITESSE, VITESSE ET IMPATIENCE
Ce sont les mots d’ordre.
En cette époque où on peut tout obtenir d’un seul clic, obnubilé par les écrans, on ne voit plus rien et on ne peut plus attendre. On passe sur un feu rouge en se faufilant autour des autos, on roule à des vitesses folles en dépassant à droite à gauche, on fait un bout sur le trottoir, peu importe. « Free for all ». On est pressé, on est stressé. Que ce soit à bord de sa trottinette propulsé, de son scooter ou de son super vélo qui fait clic clic clic- les sporTIFS comme je les appelle - avec leurs costumes d’athlètes et leurs pieds soudés au pédalier, tous se disent : « il faut foncer ! »
Il y a des jours où je me demande si je risque plus de me faire défoncer par un vélo ou un truc à roues, que par une auto.
Je ne parlerai pas ici des automobilistes, même logique. Ce serait un sujet en soi. Maintenant, plusieurs d’entre eux sont frustrés de voir de plus en plus de vélos dans les rues et c’est tant mieux. La rue ça se partage. Mais, la communauté cycliste et autres roues dans son ensemble ne nous font pas honneur.
Et quand je vois des cyclistes qui ne s’emballent pas, respectueux de la route et des autres usagers, qui prennent le temps de regarder, d’arrêter et d’attendre sur un coin de rue et de contempler ce qu’il y a autour, tout en pédalant à un bon rythme. À ceux-là, encore majoritaires, je leur dit avec solidarité : « peace and love ». « Be cool » ! « Cyclistes de tous les pays unissons-nous pour ne pas perdre la simplicité énergétique ».
Certains diront : « tu te fais vieux bonhomme. » J’aime mieux ça que d’être avalé par la techno-performance. Je me tiendrai loin derrière, n’ayant pas peur de me faire dépasser, si cela ne mène à rien.
ALORS, ON SE TROMPE DE CHEMIN
Si cela ne mène qu’à une société où il faut courir sans cesse, produire et consommer jusqu’à en perdre le sens de la réalité, dans un espace où on laisse libre cours au marché, alors, on se trompe de chemin.
L’espace consacré aux bicyclettes dans les rues a augmenté et c’est tant mieux, mais la ville est encore étouffée par un nombre effarant de voitures, au détriment du transport actif et en commun. Tant qu’il y aura ce déséquilibre mortifère et ces valeurs productivistes qui pèsent sur nos têtes, il n’y aura pas de « vélorution ». N’est-ce pas Bob et Claire ?
Yvon Dinel, cycliste.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d’aide financière à l’investissement.
Un message, un commentaire ?