Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

L'avenir dystopique du Québec, ou pourquoi se mobiliser en 2015

La question est simple : à quoi ressemble l’avenir du Québec ?

Vous trouvez que les dernières années ont été déprimantes avec toutes ces mesures d’austérité, ces projets extractifs, ces violations des droits humains ? Aujourd’hui, ça va mal. Demain, risque d’être pire. Et ensuite ? Où serons-nous dans dix, vingt, trente ans ?

Ma thèse est simple : si on ne se mobilise pas maintenant et massivement contre les inégalités sociales et la destruction de l’environnement, les conditions sociales et la qualité de l’environnement vont se dégrader jusqu’à faire de la vie quotidienne un cauchemar réel pour la quasi-totalité de la population du Québec.

Au courant de l’année 2014, plusieurs scientifiques ont offert des modélisations pour tenter de représenter les effets des tendances lourdes qu’on observe dans le monde. On pense d’abord au géophysicien Brad Werner qui propose un modèle complexe (http://www.slate.com/articles/health_and_science/science/2012/12/is_earth_f_ked_at_2012_agu_meeting_scientists_consider_advocacy_activism.single.html) pour mettre en relation les interactions entre les humains et l’environnement. Longue histoire courte, si la tendance se maintient, la Terre (telle qu’on la connaît) est foutue.

Constat similaire pour le mathématicien Safa Motesharrei de l’Université du Maryland. Son modèle (http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800914000615), issu d’un financement de la NASA, prend en compte deux variables principales : l’accroissement des inégalités sociales et la destruction de l’environnement.

Seulement pour le réchauffement climatique, un nouveau rapport du GIEC (http://ipcc-wg2.gov/AR5/) de l’ONU tend dans le même sens : les perturbations sociales, économiques et environnementales à venir s’annoncent catastrophiques.

Mais qu’en est-il du Québec ? Quatre phénomènes retiennent mon attention.

L’écart entre les riches et les pauvres se creuse constamment

Au Québec et au Canada, plusieurs études (http://www.oecd.org/fr/els/soc/toujoursplusdinegalitepourquoilesecartsderevenussecreusent.htm http://iris-recherche.qc.ca/publications/qui_s8217enrichit_qui_s8217appauvrit_-_1976-2006 http://www.ledevoir.com/documents/pdf/iris_1pourcent.pdf http://www.thestar.com/business/personal_finance/investing/2014/09/11/rich_gaining_more_wealth_study_shows.html http://www.huffingtonpost.ca/2014/11/21/ultra-high-net-worth-canada-world_n_6199998.html) démontrent que l’écart entre les riches et les pauvres s’accroît d’année en année, et ce depuis au moins 1980. Le 1% des plus riches a raflé 37% des gains de la croissance économique entre 1981 et 2012. Les millionnaires verront leurs actifs gonfler généreusement, passant de 3 350 milliards $US aujourd’hui à 6 770 milliards $US dans moins de 10 ans.

Pendant ce temps, le pouvoir d’achat du reste de la population, après inflation et hausse du coût de la vie, stagne ou recule. Le nombre de pauvres augmente sans cesse. La classe moyenne est appelée à disparaître. En contrepartie, les services sociaux (ex. éducation, santé) sont appelés à être privatisés.

Le filet de sécurité sociale se désintègre. On coupe allègrement dans l’assurance-chômage (devenue assurance-emploi), toutes prestations possibles, aide alimentaire, réinsertion en emploi, bref, si vous perdez votre emploi, il n’y aura bientôt plus grand-chose pour vous empêcher de tomber à la rue.

Et qu’est-ce qui vous attend une fois sur le pavé ?

La police se militarise, les droits humains reculent

La brutalité policière est devenue chose courante au Québec. Les témoignages de gens qui se trouvent du mauvais côté de la matraque sont tragiques. Un scandale n’attend pas l’autre et la police profile, brutalise, tue et semble totalement au-dessus de la Loi.

Une compilation des plaintes en déontologie au SPVM entre 1990 et 2011 démontre qu’il n’y a peu ou pas de conséquences même lorsque les agents sont reconnus coupables. On se souviendra que l’agent qui a abattu Fredy Villanueva a été promu à l’escouade tactique.

Deux poids, deux mesures aussi pour les policiers qui enfreignent le règlement P-6. Leurs collègues pompiers n’auront pas la même chance.

La militarisation de la police se poursuit au États-Unis comme au Canada. Si le phénomène est plus explicite chez nos voisins du sud, il est vrai ici (http://www.ipolitics.ca/2014/08/15/the-creeping-militarization-of-the-police/). On confère de l’équipement militaire, de la haute-technologie et une impunité complète aux services policiers.

Conséquemment, la Ligue des droits et libertés du Québec trace un portrait plutôt sombre dans son Rapport (http://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/rappot-droits-humains-web.pdf) sur l’état des droits humains au Québec et au Canada. Ce rapport, auquel ont participé 44 autres organisations, fait état non seulement de répression policière dans la belle province, mais aussi de plusieurs formes de répression de la dissidence, de la libre expression, des droits humains comme le droit à la santé, le droit des peuples à l’autodétermination, le droit à un environnement sain...

Extinction massive, les océans meurent

Si les biologistes affirment que la civilisation humaine marque le début de la sixième grande extinction massive (http://en.wikipedia.org/wiki/Holocene_extinction), ce phénomène, qui peut prendre des millions d’années, s’accélère maintenant à une vitesse jamais vue dans l’histoire de la vie. Selon les experts, il nous reste dix à vingt ans pour changer drastiquement notre façon de vivre, sinon environ la moitié des quelque 8.7 millions d’espèces sur terre pourraient disparaître.

Après tout, nous avons déjà perdu la moitié des animaux sauvages en seulement 40 ans.

Les océans sont aussi en train de mourir. D’une part à cause de la surexploitation : nous avons déjà perdu 90% des gros poissons et la plupart des régions maritimes sont surexploités. Autre cause : l’acidification causée par le réchauffement climatique, avec un taux le plus élevé depuis 300 millions d’années.

Le climat arrive au point de non-retour

Il existe plusieurs projections (http://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/wg1/en/spmsspm-projections-of.html) de réchauffement climatique mondial, de 2.5 à 6 degrés d’ici 2100 (http://www.iea.org/publications/scenariosandprojections/). Cela signifie qu’on pourrait facilement atteindre le point de non-retour du 2 degrés d’ici 2050 (c’est d’ailleurs le scénario le plus optimiste d’Environnement Canada http://o.canada.com/technology/environment/environment-canada-predicts-two-degrees-of-warming-by-2050).

Et que ce passe-t-il alors ? Le pergélisol fond, libérant des quantités faramineuses de méthane, ce qui emballera encore davantage l’effet de réchauffement. Le niveau de la mer va monter de 0.8 à 7 mètres, créant inondations, perte de terres fertiles (qui sont généralement situées près du niveau de la mer), salination de sources d’eau potable, etc. Parallèlement, on peut s’attendre à une désertification accrue dans certaines régions du monde, des conflits armés et des mouvements de masse de réfugiés climatiques.

Les changements de courants marins de l’Atlantique pourraient aussi changer, bouleversant profondément le climat du Québec. Nos scientifiques essaient d’évaluer les conséquences et si vous avez l’estomac bien accroché, vous pouvez parcourir les publications du groupe de recherche Ouranos (http://www.ouranos.ca/fr/publications/documents-scientifiques.php), c’est dense.

Vers un Printemps 2015

Et voilà. Bien sûr, les faits et les études scientifiques ne suffisent pas (http://www.psych.nyu.edu/jost/Feygina,%20Jost,%20&%20Goldsmith%20%282010%29%20System%20justification,%20the%20denial%20of%20global%20warming.PDF) à convaincre tout le monde, particulièrement ceux et celles qui tirent avantage des inégalités.

Reste que ces tendances lourdes vont transformer radicalement vos vies et celles de vos enfants, à supposer que vous avez assez d’espoir pour en avoir. Plus on attend avant de s’attaquer aux causes des problèmes sociaux et environnementaux qui nous affaiblissent, moins on a de chance de pouvoir y remédier pour de bon.

On n’a plus le choix, c’est maintenant que ça doit changer. Mon espoir, il est dans le Printemps 2015 : le mouvement qui s’organise partout à travers le Québec pour confronter la tendance suicidaire du Québec et formuler un nouveau projet de société, celle-là verte et solidaire.

Je sais, ce n’est pas léger tout ça. Mais c’est le genre de question qui m’habite. En tant que géographe, mais aussi en tant qu’écrivain, j’essaie d’élaborer sur ces thèmes : l’horreur d’une société antipathique et le courage de ceux et celles qui se mettent sur la ligne pour que ça change. Après trois ans de travail, mon septième roman, M9A : Il ne reste plus que les monstres, paraîtra aux éditions Sabotart (http://www.sabotart.info) en 2015.

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