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Signaux négatifs à l’égard des minorités
Son parti, le PDK (Parti démocratique du Kurdistan), a déjà envoyé des signaux négatifs aux premiers au printemps dernier quand il a massé ses peshmergas aux abords du territoire yézidi après avoir fait arrêter des représentants du Conseil d’autonomie yézidi l’année précédente. À Kirkouk, ce sont 5 000 peshmergas de l’UPK (Union patriotique du Kurdistan) de Talabani qui se sont déployés sur place quelques jours avant le référendum pour, officiellement, prévenir toute confrontation entre Kurdes, Turkmènes et Arabes.
Une fois le vote pour l’indépendance acquis, Talabani va-t-il leur ordonner de retourner sur leurs bases de Suleymanieh ? C’est ce que propose Gorran (« Changement »), deuxième parti kurde du Kurdistan d’Irak, fidèle à sa stratégie de confédéralisme démocratique, prônée par le PKK de Turquie et le PYD de Syrie, qui ne veulent pas d’un Etat-nation féodal et patriarcal kurde qui reproduirait sur les territoires qu’il contrôle l’oppression contre les minorités et les femmes à l’instar des quatre Etats-nations régionaux de Turquie, Irak, Iran et Syrie.
Un pouvoir kurde kleptocrate
Le deuxième défi pour Barzani qu’a réactualisé sa victoire électorale est social et économique. Dépositaire de la grande partie des richesses naturelles en eau et en hydrocarbures d’Irak (40% du pétrole brut pour la seule zone de Kirkouk), le nouvel État kurde indépendant va-t-il les employer à satisfaire les besoins sociaux des populations, ou Barzani va-t-il, comme il le fait depuis plus de dix ans, continuer à les piller pour son seul profit de féodal kleptocrate ? Dans l’immédiat, Barzani et le PDK vont-ils payer les mois de retard des salaires des fonctionnaires, qu’ils ne leur versent pas depuis plus d’une année pour certains d’entre eux, les enseignants notamment, au prétexte que le gouvernement irakien a suspendu en 2015 les 17 % de reversement du budget irakien au gouvernement régional du Kurdistan ?
Le troisième défi porte sur la mise en place d’un processus constituant du nouvel État indépendant. Quelle légitimité le « président » Barzani a-t-il de le conduire quand son mandat est arrivé à échéance en 2015, il y a deux ans, et qu’il a dispersé le parlement – où le PDK ne détient qu’une majorité relative – et ne l’a plus convoqué depuis cette date, sinon une fois, le 15 septembre dernier, pour qu’il avalise la convocation du référendum du 25 septembre ? C’est ce que réclament tous les autres partis : de nouvelles élections et la mise en place d’une commission ébauchant une Constitution démocratique du nouvel Etat.
Inaliénable droit à l’autodétermination
Cela étant dit, et quelles que soient les critiques légitimes qui émanent des partis kurdes et non kurdes opposés à Barzani, la plus grande vigilance des organisations du mouvement ouvrier international et démocratiques est de mise. Le droit du peuple kurde d’Irak à son autodétermination et son droit à annuler les accords Sykes-Picot de 1916, qui l’ont écrasé sous la poigne sanguinaire des gouvernements de Bagdad depuis un siècle, sont inaliénables.
Les concentrations de troupes irakiennes et turques aux frontières, le blocus aérien des aéroports internationaux d’Erbil et Suleymanieh par le gouvernement Abadi-Maliki de Bagdad, la déclaration récente du secrétaire d’État Rex Tillerson qui a dit que les États-Unis « ne reconnaissent pas » l’indépendance du Kurdistan sont inadmissibles. Impérialistes de tous poils et dictateurs régionaux, bas les pattes au Kurdistan !
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