Le 14 août dernier, Le Devoir nous rappelait que « l’humanité venait d’épuiser la totalité des ressources que la Terre était en mesure de produire en 2015 », selon l’analyse publiée par le Global Footprint Network. C’est que l’on appelle le « jour du dépassement », un phénomène qui intervient de plus en plus tôt dans l’année et qui constitue un exemple frappant de notre surconsommation écologique chronique. « Il aura fallu moins de huit mois à l’humanité pour consommer toutes les ressources naturelles renouvelables que la Terre peut produire en un an », déplore ainsi l’organisme étatsunien, « une indication claire que le processus d’épuisement des ressources naturelles s’accélère ».
Ce jour du dépassement illustre parfaitement la logique de l’extractivisme que les auteur.e.s de Creuser jusqu’où ? veulent remettre en question. Car partout, la logique extractiviste conduit à une intensification de l’exploitation industrielle des « ressources naturelles ». Forêts, eau douce, minerais, sable, rivières, faune sauvage, gaz de schiste, pétrole, terres fertiles, paysages grandioses : tout y passe ! La justification de ces efforts est partout la même : cette exploitation est un facteur de croissance essentiel dont il serait fou de ne pas profiter alors que les emplois manquent et que les États sont endettés. Si ce phénomène suscite des débats, ceux-ci ne portent généralement que sur les conditions de l’exploitation de ces richesses : qui va vraiment profiter de ces ressources ? Comment ne pas faire trop de dégâts en les mettant à profit ? Est-ce le bon moment de les exploiter ?
Et si, au lieu de se préoccuper de la bonne façon de partager ce « gâteau » (sans trop salir la nappe), on s’interrogeait plutôt sur la pertinence même de le consommer ? Avons-nous vraiment besoin d’harnacher de nouvelles rivières, d’exploiter toujours plus de gisements de pétrole et de minerais, d’intensifier les cultures et l’élevage animal ? Ne s’agit-il pas d’une fuite en avant, sur un chemin qui ne mène nulle part, sinon à la destruction pure et simple de notre habitat terrestre et de nos sociétés ? Ne pourrions-nous pas vivre aussi bien, voire mieux, sans pratiquer ce type d’exploitation ? Si oui, à quelles conditions ?
Les auteur.e.s s’attaquent à ces questions difficiles en dénonçant la logique de l’extractivisme, en en soulignant les principales limites physiques et en appelant à développer de nouveaux imaginaires quant à notre rapport au monde.
INFORMATIONS PRATIQUES
Vous trouverez ci-dessous la table des matières de l’ouvrage qui vous donnera une bonne idée des thèmes qui y sont abordés et une présentation plus approfondie dans le communiqué en pièce jointe.
Le livre sera en librairie le 6 octobre.
SORTIR DES IMPASSES DU PROGRÈS
À noter également qu’Yves-Marie Abraham sera au Café l’Artère le 22 octobre pour une discussion autour du thème : Sortir des impasses du progrès, une soirée organisée par la revue Relations.
La notion de progrès est piégée. Si, à l’origine, elle désignait une aspiration légitime à l’amélioration des conditions de vie, elle semble aujourd’hui devenue la justification d’une démesure et d’une toute-puissance techniques qui étendent leur emprise sur le monde, jusqu’à compromettre la survie de l’humanité. Quels changements dans nos modes de vie implique le refus de voir dans l’idole technologique la solution à tous les maux ? Sur quoi, au Québec, devrait-on s’appuyer pour sortir de l’impasse technicienne et redonner du sens à un projet commun ?
Une discussion avec Yves-Marie Abraham, Joëlle Deschambault, directrice des opérations, Action Group on Erosion, Technology and Concentration (ETC Group) et Eric Martin, professeur de philosophie au Cégep Édouard-Montpetit et membre du Groupe interuniversitaire d’études de la postmodernité (GIEP).
TABLE DES MATIÈRES ET AUTEUR.E.S
Avant-propos – Creuser jusqu’où ?
Yves-Marie Abraham et David Murray
Le long chemin de l’extractivisme
David Murray
PREMIÈRE PARTIE – Les habits neufs de l’extractivisme
La panacée. L’histoire du panax quinquefolius et le mirage de l’économie extractive
Éric Pineault
L’extractivisme en mutation. Les thèses de Gudynas et la dérive du Québec vers un modèle néoextractiviste
Ariane Gobeil
Privilèges corporatifs et préséance des droits miniers : l’exemple du Québec
Charles Beaudoin-Jobin
Le Canada, l’extractivisme et le piège de l’économie primarisée
Bertrand Schepper-Valiquette
Dette illégitime et extractivisme. Vols et destructions
Nicolas Sersiron
DEUXIÈME PARTIE – L’impossible croissance
Mortifère croissance « verte »
Philippe Bihouix
Le sable : enquête sur une disparition
Denis Delestrac
Hydrocarbures fossiles : la fin d’une ère ?
Normand Mousseau
Faire l’économie de la nature
Yves-Marie Abraham
TROISIÈME PARTIE – Quelles alternatives à l’exploitation industrielle de la nature ?
Les crises ouvrent-elles les esprits ? L’état de notre dépendance au modèle extractiviste après plus d’une décennie de tourmente dans l’industrie forestière au Québec
Martin Hébert
Résister à l’extractivisme… et à « son monde » ?
Collectif ALDEAH
Droit à l’autodétermination contre extractivisme : comment la résistance autochtone modifie les relations internationales
Manuela Lavinas Picq
Les low-tech, la seule alternative crédible
Philippe Bihouix
Les trois formes de la transition écologique : modernisation ou dépassement du capitalisme ?
Jonathan Durand Folco
Comment construire un monde post-extractiviste ? Quelques voies de sortie pensées en Amérique latine
Laura Handal Caravantes
Creuser la terre pour incendier le ciel, la tragédie du mythe extractiviste
Alain Gras
Épilogue – Moins d’humains ou plus d’humanité ?
Yves-Marie Abraham