La culture québécoise est en péril. Depuis des mois, nous le crions dans la rue, nous le faisons valoir dans les coulisses du pouvoir, en conversations avec nos élus, nous le chiffrons, nous nous unissons dans la lutte comme jamais auparavant, artistes, compagnies, associations et institutions, usant de tous les moyens à notre disposition pour rendre visible le mur contre lequel nous sommes acculés, nous remercions les journalistes et chroniqueurs, mais aussi – et peut-être surtout – les citoyennes et citoyens issus de différents secteurs qui réaffirment l’importance capitale de la culture, faisant mentir tous ceux qui insinuent que nous n’avons pas l’appui populaire.
C’est plus faux que jamais.
Aujourd’hui, du fait des menaces de notre voisin autrefois ami, la population entière se rappelle à sa culture. Elle sent dans sa chair que nous sommes entrés dans une crise existentielle. Une peur inédite nous fait trembler, mais si on la regarde en face, surgit une force qui la supplante, celle de notre désir farouche de liberté.
Les revendications que nous portons, vous les connaissez. Les combats de chiffre avec le gouvernement, vous les connaissez et vous savez qu’ils ratent la cible, qu’ils sont des excuses pour éviter de regarder la réalité en face. Personne ne peut nous enlever l’expérience intime que nous avons des faits, des conséquences dévastatrices de la crise sur nos vies, de l’effritement effarant de la capacité des institutions à créer, à soutenir les artistes, à offrir à nos concitoyennes et concitoyens des objets d’art libres. L’état des choses n’est pas tenable, nous le savons. Nos gouvernements le savent. Mais le comprennent-ils dans leurs fibres, dans leur cœur ? Sont-ils conscients de la corrélation directe et profonde entre culture et liberté ?
Parce que, oui : en défendant corps et âme la culture, c’est notre liberté que nous défendons. Celle d’être, de nous exprimer, de créer, mais surtout de penser. Depuis des années, nous laissons nos acquis sociaux nous glisser entre les doigts, assez lentement et sournoisement pour que nos gardes baissent, pour que la gravité de ces transformations nous échappe et que nous acceptions que c’est ce qu’il faut faire, qu’ainsi va le monde en démocratie capitaliste. La menace américaine est un électrochoc. Si nous laissons, pétrifiés, la peur prendre le contrôle, nous ne choisirons plus, nous ne ferons que réagir, sans vision ni cohérence. Nous risquons alors d’abandonner tous nos principes, inconscients et paniqués, et prendre la forme même de ce contre quoi nous nous élevons.
Mais nous avons encore le choix. Nous pouvons, réveillés par cet électrochoc, nous ressaisir et corriger le tir en investissant notre argent public en accord avec nos valeurs de décence, d’équité, d’ouverture, de liberté. C’est sur ces fondements que s’est bâti le Québec.
Nos libertés d’être et de penser ne sont pas des choses flottantes qui existent par elles-mêmes, peu importe le contexte. Pour qu’elles prennent racines et se déploient, une société doit impérativement en soutenir les trois piliers : l’éducation, en offrant un système en santé accessible à tous ; l’information, qui circule à travers des médias fiables, non soumis aux pressions du marché ; et une culture forte, considérée et traitée comme ce qu’elle est : le bastion de nos rêves collectifs, de notre histoire et de notre conscience, de notre identité vivante, mouvante, unique.
C’est le moment de laisser tomber les arguments d’affaires pour revenir aux fondements existentiels de la culture. Elle est nous. Nous sommes elle. Écraser la culture revient à s’écraser soi-même. Il est temps d’exiger que notre culture ait les moyens d’être préservée, et même qu’elle rayonne, se gonfle de fierté et d’espoir et devienne ce puissant bouclier qui saura, bien mieux que les armes, que la haine et que la peur, nous protéger.
Pour qu’un peuple s’affirme, il lui faut une voix. Le choix de société que nous faisons actuellement est celui du silence. Dans le vacarme actuel du monde, c’est de la folie. C’est un abandon auquel nous n’avons pas consenti. Je suis sciée qu’on puisse encore douter du sérieux de la crise dans laquelle nous sommes plongés. Que restera-t-il d’un peuple sans voix, sans culture ? Des corps sans âmes qui vendent leur attention au plus offrant ?
Nous sommes debout aujourd’hui pour crier de cette voix qui nous reste que nous sommes le cœur battant du Québec, vigoureux et fier. Nous sommes là en signe d’unité, pour manifester notre conviction, que nous espérons partagée, qu’il n’y a aucun compromis à faire sur notre liberté.
Nous faisons le choix de ne pas nous écraser, de nous tenir debout !
Courage à nous toutes et tous !
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