Tiré de Entre les lignes et les mots
« Être secouriste n’est pas un travail réservé aux hommes », a dit cette jeune femme de 21 ans dans une interview peu avant d’être abattue et tuée par un sniper israélien.
« [La société] sera obligée de nous accepter… La force dont j’ai fait preuve le premier jour des manifestations, je vous mets au défi de la trouver chez n’importe qui d’autre. »
Une enquête interne de l’armée israélienne sur sa mort, qui s’est conclue le mois dernier, a dit que la secouriste n’avait pas été délibérément ciblée, déclaration que des témoins visuels ont contestée. Dans la mort, comme dans la vie, elle continue de stimuler. Peu après les funérailles de Rouzan, sa mère, Sabreen, s’est inscrite à un programme de formation à la Société palestinienne de Secours Médical. Après quatre ans en médecine d’urgence, elle a récemment commencé à travailler en tant que cadre au sein de l’organisation.
« La douleur que je ressentais a enflammé mon désir de prouver à quel point les mères palestiniennes sont fortes et combien elles peuvent accomplir de grandes choses, même quand elles sont brisées », a dit cette femme de 49 ans.
« J’ai aimé l’idée de marcher dans les pas de Rouzan et de poursuivre son travail. Je suis fière de mon travail et je n’épargnerai aucun effort pour soutenir le peuple palestinien, dans la paix et dans la guerre. »
Gaza, bande de terre sur la Méditerranée, dirigée par le mouvement islamiste palestinien Hamas, est l’un des endroits les plus misérables au monde. Sa population de 2,2 millions n’a pour ainsi dire aucune liberté de mouvement, et les soins de santé, l’électricité, l’assainissement et autres infrastructures essentielles se sont pratiquement effondrées depuis qu’Israël et l’Égypte ont imposé à la zone un blocus brutal après la prise de pouvoir par le Hamas en 2007.
Des cycles de guerre et d’escalade militaire entre le Hamas et Israël au cours des 16 dernières années ont traumatisé une génération entière : presque la moitié de la population de la bande a moins de 18 ans.
Le blocus signifie que les opportunités pour être indépendant sont rares, mais encore plus pour les femmes. D’après les données de la Banque Mondiale, 18% seulement des femmes adultes dans les territoires palestiniens occupés travaillent – la très grande majorité d’entre elles vivant en Cisjordanie, même si 11% des femmes de la Bande de Gaza sont chef de famille.
Le mariage précoce est un problème persistant. Environ 15% des femmes mariées de Gaza ont subi des abus sexuels de leur mari en 2022, disent les données d’ONU Femmes, mais la moitié des femmes palestiniennes et 63% des hommes palestiniens pensent qu’une femme devrait tolérer la violence domestique afin de préserver l’unité familiale.
Les veuves de Gaza ont encore plus d’obstacles à franchir. Le concept de partage des biens matrimoniaux n’existe pas, déniant dans les faits aux femmes toute revendication juridique en matière de logement. Il existe aussi une attente culturelle qui veut qu’elles épousent un frère ou un autre membre de la famille du mari décédé, et la garde des enfants peut revenir à la famille du mari.
Shireen Abu Aita, qui a maintenant 39 ans, est restée seule pour élever ses quatre enfants après que son mari, Mohammed, informaticien, ait été tué pendant la guerre de 2014 quand un missile israélien a frappé la maison mitoyenne.
Elle est travailleuse sociale auprès de gens qui ont des besoins spéciaux, tout en s’occupant de ses garçons, dont tous ont moins de 18 ans. Ils veulent tous faire des études de médecine ou d’ingénieur à l’université et Abu Aita est déterminée à pouvoir en payer les frais.
« Si je n’avais pas ce travail, je ne sais pas ce que je ferais. Il fallait que j’avance malgré ma tristesse pour me battre pour mes gosses », a-t-elle dit. « Tout ce que je veux, c’est permettre une vie honorable et décente à mes enfants. »
Hala Shehada, qui a elle aussi perdu son mari, Khalid, dans un bombardement de la guerre de 2014, s’est efforcée d’obtenir une vie indépendante pour elle même et la fille du couple, Tuleen, âgée de huit ans maintenant. Khalid, qui travaillait comme photographe de presse, est mort avant la naissance de sa fille.
Malgré son chagrin et les pressions sur le fait d’élever seule un enfant, Shehada est arrivée à s’inscrire à l’université et, en 2017, a ouvert son propre studio de photographies de mariage. Le blocus israélien a provoqué de nombreuses difficultés d’importation, a-t-elle dit, mais l’affaire a bien marché : cette femme de 30 ans a depuis également ouvert un magasin de vêtements pour femmes.
Bien que Shehada ait eu la rare opportunité de quitter la bande pour un travail au Qatar, elle n’a absolument pas pu le prendre parce que les grands parents paternels de Tuleen ne l’ont pas autorisée à voyager.
« C’est difficile d’être une veuve à Gaza, et de réussir à Gaza, mais Tuleen est ma source d’inspiration », a dit Shehada à propos de son sens des affaires. « Elle veut être pilote quand elle sera grande. »
Aseel Mousa and Bethan McKernan
The Guardian
Traduction : J. Ch. pour l’AURDIP
https://www.aurdip.org/je-suis-fiere-de-mon-travail-des.html
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