Édition du 17 décembre 2024

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Québec

J’ai une peau blanche et je fais partie d’un système qui racise

Il y a cette grosse discussion à propos du racisme systémique. Qui parfois ressemble à une grossière discussion. Car beaucoup de gens ne semblent pas voir qu’on vit dans un… s-y-s-t-è-m-e social.

C’est-à-dire une société elle-même composée d’un ensemble de… systèmes dans lesquels on se promène, on étudie, on travaille, on magasine tous les jours : système scolaire, système de santé, code du travail, lois de la famille, démocratie parlementaire, système économique, écosystèmes naturels. Notre vie se déroule dans une société organisée dont les divers éléments sont reliés entre eux par des articulations juridiques, économiques, culturelles, relationnelles ou symboliques.
Les hôpitaux, les feux de circulation, les chaines d’épicerie, les médias d’information, nos animaux domestiques, le ramassage des déchets une fois par semaine, le déneigement après les tempêtes. Tout ça grouille et grenouille à travers des ensembles reliés entre eux qu’on appelle le système social.

Or ce système social est marqué par quelques problématiques dont tout le monde peut constater les effets. En voici quelques-uns : les écarts de charges domestiques entre les hommes et les femmes, les difficultés des personnes racisées à se trouver un logement, la pauvreté généralisée des personnes vivant avec une limitation fonctionnelle, les écarts de richesse démesurés et croissants entre les riches et les pauvres, le nombre effarant de personnes âgées mortes de la COVID 19, les violences faites aux femmes, la surreprésentation des personnes autochtones dans les prisons. J’arrête ici, mais la liste pourrait s’allonger.

Tous ces effets sont documentés, statistiques et analyses à l’appui.

Bien. Si notre système social a des effets négatifs sur les femmes, sur les personnes racisées, sur les personnes handicapées, sur les autochtones, sur les personnes âgées, et que ces effets sont répétitifs et toujours orientés dans le même sens, on va dire qu’il y a de la discrimination « systémique » envers des catégories de population et pas seulement un effet de hasard ou des coïncidences. Il y a ainsi du sexisme systémique, du racisme systémique, de l’âgisme, du colonialisme, tous ces ismes contre lesquels d’autres éléments de notre système social travaillent.
Oui, le même système comprend des dispositifs pour combattre ces injustices. On a par exemple des lois pour interdire la discrimination en emploi ou dans le logement, des obligations d’accessibilité pour les édifices publics, des commissions d’enquête pour débusquer des injustices et recommander des correctifs… systémiques.

Ce qu’on voit aussi, c’est que les institutions ou les organisations qui ont le pouvoir de faire bouger les choses dans la société ne sont pas vraiment au rendez-vous pour combattre les injustices. On voit même qu’elles entretiennent ces injustices parce qu’il y a des avantages à faire partie de catégories privilégiées. Oui, privilégiées. On baigne dans les privilèges comme on mange à sa faim, sans réaliser que c’est un privilège par rapport à celles et ceux qui chaque jour s’inquiètent pour leur repas et vont dormir le ventre creux. On réalise de belles carrières professionnelles sans penser que d’autres ont les mêmes rêves mais ne peuvent y accéder parce qu’elles et ils sont nés pauvres, autochtones, de sexe féminin, non blancs, et j’en passe. Ne pas avoir à faire face à ces obstacles, c’est ce qu’on appelle un privilège. Ça fait partie du système tel qu’il est.

Si on ne reconnaît pas le caractère systémique des discriminations, comment en sortira-t-on ? Et comment nommer la discrimination systémique envers les personnes et les groupes racisés, si on refuse de la nommer racisme systémique ?

Monsieur Charette, j’ai la peau blanche et je reconnais que c’est un privilège. Je ne me sens pas accusée, ni coupable, même si parfois le discours antiraciste me heurte, parce que j’ai l’impression d’être exclue et incomprise – dans ma fragilité blanche ! Je suis surtout contente d’avoir compris mon héritage et de pouvoir rompre avec l’injustice qu’il comporte. Je me joins à d’autres, racisé·es ou non, pour tenter d’enlever les contraintes systémiques qui empêchent les personnes racisées de réaliser leur plein potentiel personnel et social. C’est énorme tout ce que j’y apprends.

Reconnaître le racisme systémique est le premier outil dans la lutte pour ce changement social. Monsieur Charette, nouveau ministre de la lutte au racisme, vous qui avez la tâche et le privilège, l’autorité et les moyens pour promouvoir la justice, saurez-vous en convaincre votre gouvernement ?

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