Tiré d’Agence médias Palestine.
Israël sera « le premier pays de l’histoire à interdire, selon la loi écrite et déclarée, le fonctionnement d’une agence des Nations Unies », comme l’explique le chercheur et écrivain palestinien Majd Kayyal sur son compte Facebook.
Le Parlement israélien a en effet voté, lundi 28 octobre, à une écrasante majorité (92 voix contre 10) en faveur d’un projet de loi interdisant les activités en Israël de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Un second texte, également largement adopté (89 contre 7), interdit aux responsables israéliens de travailler avec l’UNRWA et ses employés.
Ce vote n’est que la dernière et la plus dangereuse étape d’une croisade de plusieurs décennies visant à ternir et à éradiquer l’UNRWA. Il fait suite à l’accusation par Israël selon laquelle 12 employés de l’agence auraient participé à l’attaque du Hamas du 7 octobre — une accusation formulée le jour même où la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé que la conduite d’Israël à Gaza constituait vraisemblablement un génocide. Au cours des semaines suivantes, sans fournir de preuves, Israël a encore affirmé que quelque 1 200 employés de l’UNRWA à Gaza avaient des liens avec le Hamas, qui, selon les termes de Netanyahou, avait « totalement infiltré » l’agence.
Suite à ces annonces et malgré la totale absence de preuves apportées par Israël, 18 pays avaient suspendus leurs financements à l’agence, soit une perte de 430 millions de dollars de donc en moins, malgré la situation humanitaire catastrophique à Gaza, où plus de 1,9 millions de Palestinien·nes ont été forcés de quitter leur domicile et sont confrontés à des bombardements incessants, à la famine, à des épidémies ainsi qu’à des pénuries de tous les biens essentiels. Depuis le début de l’offensive génocidaire d’Israël à Gaza, plus de 43 000 Palestinien·nes ont été assassiné·es par Israël et 100 544 ont été blessé·es, dont une grande proportion d’enfants et de personnes âgées.
Le lien paradoxal entre Israël et l’UNRWA
Pourtant, en septembre, Israël s’était retrouvé dans une position délicate car, tout en préparant les lois qui ont été votées hier, il comptait sur l’UNRWA pour faciliter la campagne de vaccination de masse à Gaza contre la polio — principalement pour protéger ses propres citoyens.
En tant que principale agence d’aide humanitaire à Gaza, avec 13 000 employé·es — dont la plupart sont palestinien·nes – l’agence était particulièrement bien placée non seulement pour administrer les vaccins, mais aussi pour encourager les familles palestiniennes à participer à la campagne et à réaliser une inoculation de masse. Selon Sam Rose, directeur adjoint principal des affaires de l’UNRWA à Gaza, « la campagne de vaccination n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’UNRWA ».
L’UNRWA coordonne ses activités avec le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) israélien depuis des décennies. Pas plus tard qu’en février, le chef du COGAT, le général de division Rasan Elian, a admis qu’« aucune autre organisation n’est équipée pour reprendre le rôle critique joué par l’UNRWA dans la distribution de l’aide humanitaire ».
Ce n’est qu’un exemple du lien paradoxal qu’Israël entretien avec l’UNRWA. Selon l’historienne Laura Robson, Israël a longtemps utilisé l’UNRWA comme un « instrument d’endiguement » : l’organisation met en place certaines des structures et des ressources d’un État, grâce à elle les territoires Palestiniens peuvent donc « fonctionner » sans représentation directe, et Israël « maintenir le couvercle » sur l’action politique palestinienne.
Cette position de l’UNRWA est donc stratégique pour Israël, mais il reste en quelque sorte « trop palestinien » pour lui. Les Palestinien·nes constituent non seulement la grande majorité des employé·es de l’agence, mais ils et elles l’ont également façonnée et transformée de manière décisive, bien que la haute direction est restée largement entre les mains d’ancien·nes diplomates occidentales·aux et de fonctionnaires de carrière des Nations unies.
Peut-être plus important encore, l’UNRWA a contribué à maintenir en vie la question des réfugié·es palestinien·nes et rappelle que la communauté internationale est responsable. C’est pour cette raison qu’Israël cherche depuis longtemps à démanteler l’UNRWA, même si cela n’aurait aucune incidence sur la résolution 194 des Nations unies, qui a inscrit le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes dans le droit international, ou sur les autres conventions affirmant ce droit pour tous les réfugié·es du monde.
C’est l’action de l’ONU qu’Israël remet en cause
L’ensemble de cette législation — qui n’entrera pas en vigueur immédiatement — devrait entraîner la fermeture du siège de l’UNRWA à Jérusalem-Est et bloquer l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza via Rafah, alors que plus de 1,9 million de Gazaoui-es sont déplacé·es et confronté·es à des pénuries généralisées de nourriture, d’eau et de médicaments. La disparition de l’UNWRA serait catastrophique et de nombreuses réactions ont dénoncé la décision d’Israël.
Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, l’a qualifiée d’“intolérable” et prédit “conséquences dévastatrices”. “Elle contrevient aux obligations et aux responsabilités d’Israël”, a-t-il ajouté, en soulignant que “l’UNRWA est une bouée de sauvetage irremplaçable pour le peuple palestinien”. Interrogé lundi par Al-Jazeera, le porte-parole de l’UNRWA, Adnan Abu Hasna, a dénoncé une escalade “sans précédent”. Pour le fonctionnaire de l’agence onusienne, la décision israélienne signifie “l’effondrement du processus humanitaire dans son ensemble”, note la chaîne qatarie.
Dimanche, les ministres des affaires étrangères du Canada, de l’Australie, de la France, de l’Allemagne, du Japon, de la Corée du Sud et du Royaume-Uni ont tous exprimé leur opposition à la législation et ont déclaré qu’elle pourrait avoir des « conséquences dévastatrices ».
« Jamais dans le monde un état n’a fait appliquer une loi formelle interdisant, pas seulement restreignant, le travail d’une agence de l’ONU. », affirme le chercheur et écrivain palestinien Majd Kayyal sur son compte Facebook. « Cette décision signifie interdire l’éducation, la santé, l’alimentation et les services d’hygiène publique, etc. pour des centaines de milliers de Palestiniens à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza. »
Même en Israël, le projet de loi avait suscité l’inquiétude dimanche de hauts responsables du ministère des Affaires étrangères, rapporte le quotidien israélien Yediot Aharonot. Ces derniers ont averti que si le texte était adopté en deuxième et troisième lectures à la Knesset, Israël “serait suspendu des Nations unies pour violation de la charte de l’organisation”.
« Il est scandaleux qu’un État membre des Nations unies s’efforce de démanteler une agence des Nations unies qui est aussi le principal acteur de l’opération humanitaire à Gaza », a déclaré Juliette Touma, porte-parole de l’Unrwa, dans un communiqué. Cette décision sans précédent souligne en effet une rupture d’Israël avec la communauté internationale, et les réactions des pays membres de l’ONU seront décisives. Car cette rupture, si elle aura des conséquences dramatiques sur la vie des Palestinien·nes, pourrait aussi en avoir pour Israël en poussant la communauté internationale à condamner celui-ci pour son mépris du droit international.
De fait, la campagne BDS appelait ce lundi à une action internationale en ce sens, rappelant que « l’engagement en faveur du droit au retour des réfugié·es palestinien·nes était une condition nécessaire à l’admission d’Israël aux Nations Unies. Pourtant, Israël a continué à intensifier sa politique de nettoyage ethnique. » La croisade d’Israël contre l’UNWRA est une preuve supplémentaire de son intention génocidaire.
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